«Les hypocrites ne se contentent pas d'être méchants comme le reste des
impies; ils veulent encore passer pour bons, et font, par leur fausse vertu,
que les hommes n'osent plus se fier à la véritable»
(Fénelon).
Introduction
Une
question m’a été posée un jour : « Pourquoi les chrétiens sont-ils tous
hypocrites ? ». C’était
une question à la fois embarrassante, pertinente et provocatrice. Tous
les chrétiens sont-ils hypocrites ? Pas sûr. Mais, malheureusement, certains se sentent confortés dans
cette opinion selon laquelle tous les chrétiens sont hypocrites. Certes, le terme « hypocrite
» a un riche héritage, mais nous devrons mieux cerner sa dimension sémantique
pour mieux en parler.
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Qu’est-ce qu’une hypocrisie ou un hypocrite ?
Hypocrisie et hypocrite sont deux mots grec
hupokrisis, hupokritès qui signifient d'abord, au sens propre, «rôle joué»
et «comédien»; mais la Bible ne les emploie qu'au sens figuré. La traduction
des LXX (A.T. en grec) a «hypocrites» dans Job 34:30 36:13, pour l'hébreu khâneph,
qui désigne les impies (Job 8:13,Pr 11:9,Esa 9:16 etc.); la Vers, Syn. a
«hypocrisie» dans Da 11:34, pour l'hébreu khâlaq, qui désigne la
flatterie; ces deux termes hébreux sont réunis dans Da 11:32 pour la «séduction
par flatterie». Mais sans posséder de vocable particulier pour ce vice, l'A.T,
caractérise très nettement l'hypocrite: pervers dissimulé (Ps 26:4,Pr 10:18
26:23,27 etc.), coeur double, langue mensongère (Ps 12:3-5), il cherche à
tromper Dieu (Ps 78:36 et suivant), mais vainement (Job 5:12 15:31,34); tous
les prophètes ont dû s'élever contre lui (Os 10:2 etc.), et les faux prophètes
sont à leurs yeux des flatteurs hypocrites lorsqu'ils proclament le message
agréable au lieu du véritable (Jer 6:13 et suivants, Eze 13, etc.); quant à l'hypocrisie
dans le culte, elle est dénoncée par Ésaïe dans une page devenue classique (Esa
1:10 et suivants).
Les apocryphes la condamnent à leur tour
dans Sir 32:15, et dans l'héroïque
refus du vieillard Éléazar de «faire semblant» de manger la viande impure: «Il
ne convient pas, à mon âge, de faire l'hypocrite et d'égarer la jeunesse...»
(2Ma 6:21,24). Le Talmud est aussi sévère: «Dieu
hait celui dont la bouche parle d'une manière et le coeur d'une autre...Une
société qui compte des hypocrites en son
sein est abominable et finit dans l'exil, etc.».
Ce péché n'était donc point nouveau au temps de Jésus; même, les maîtres de la religion
juive en étaient des experts. En effet, il n'était pas étonnant que l'imposante personnalité du Christ, inattaquable
dans son caractère, ait soulevé contre elle toutes les ressources d'une
duplicité qui se sentait menacée. (cf. Lu 20:20 etc.) . C'est-à-dire que l'hypocrisie représente le degré le plus profond du péché: par essence elle
consiste à cacher l'être intérieur et à tromper le prochain sur son compte, et
pour la combattre il faut d'abord l'étaler au grand jour (Lu 12:1 et suivants);
elle prend position dans le mensonge, délibérément et progressivement, aussi
logique en ses efforts contre la vérité que la foi est conséquente dans sa
recherche de la vérité, et c'est pourquoi les condamnations prononcées par Jésus
sur les chefs, d'après les évangiles , synoptiques (Mt 23:1 et suivants, etc.),
et complétées dans le quatrième évangile, par le discours sur le «mensonge»,
adressé aux mêmes chefs (Jn 8:44), prennent un ton si direct et impitoyable.
L'hypocrisie endort la conscience en substituant aux exigences de Dieu des pratiques mécaniques destinées à la vue des hommes (Mt 15:6,Lu 11:42 etc.), ce qui étouffe tout élan intime vers le bien; elle agit comme un ferment interne de dégradation, comme une puissance continuellement à l'oeuvre contre le Royaume de Dieu (Lu 11:52 etc.); dans l'individu, elle a pour résultat final cette insensibilité définitive à l'impératif du devoir comme à l'appel de l'amour divin, que certains passages appellent le «péché contre le Saint-Esprit» (cf. le rapport entre Lu 12:1 et suivants et Lu 12:10, cf. Mr 3:20 et suivants, Mt12:22 et suivants).
Dans la société même où le Christ fondait le Royaume, l'hypocrisie allait commencer à corrompre le christianisme comme elle avait fait du judaïsme. Voilà pourquoi, le Seigneur non seulement lance d'attaques directes contre les péchés de la passion, et oppose la foi et l'amour, multiplie aussi les assauts de front contre le péché médité, entretenu, et qui se dérobe en se couvrant des dehors de la vie religieuse. Dans le discours sur la montagne, l'hypocrisie apparaît comme la négation même du Royaume: (Mt 6:1 et suivant) l'une vise les apparences, l'autre le coeur; l'une cherche le public, l'autre le secret de la prière; l'une éteint l'oeil intérieur, l'autre en ravive la lumière; ce sont les deux maîtres entre lesquels il faut choisir, les deux genres de jugements, de prophètes, d'arbres, de fondations (Mt 7:1-5,15-28,24-27). Dans les controverses avec les chefs juifs, faux dévots responsables du formalisme, de l'indifférence et de la souffrance de leur époque, Jésus les démasque avec une suprême énergie: «Hypocrites!», c'est-à-dire «comédiens!» (Mr 7:6, Lu 6:42 12:56 13:15,Mt 22:18 23:13 15,23,25,27,29).
L'hypocrisie endort la conscience en substituant aux exigences de Dieu des pratiques mécaniques destinées à la vue des hommes (Mt 15:6,Lu 11:42 etc.), ce qui étouffe tout élan intime vers le bien; elle agit comme un ferment interne de dégradation, comme une puissance continuellement à l'oeuvre contre le Royaume de Dieu (Lu 11:52 etc.); dans l'individu, elle a pour résultat final cette insensibilité définitive à l'impératif du devoir comme à l'appel de l'amour divin, que certains passages appellent le «péché contre le Saint-Esprit» (cf. le rapport entre Lu 12:1 et suivants et Lu 12:10, cf. Mr 3:20 et suivants, Mt12:22 et suivants).
Dans la société même où le Christ fondait le Royaume, l'hypocrisie allait commencer à corrompre le christianisme comme elle avait fait du judaïsme. Voilà pourquoi, le Seigneur non seulement lance d'attaques directes contre les péchés de la passion, et oppose la foi et l'amour, multiplie aussi les assauts de front contre le péché médité, entretenu, et qui se dérobe en se couvrant des dehors de la vie religieuse. Dans le discours sur la montagne, l'hypocrisie apparaît comme la négation même du Royaume: (Mt 6:1 et suivant) l'une vise les apparences, l'autre le coeur; l'une cherche le public, l'autre le secret de la prière; l'une éteint l'oeil intérieur, l'autre en ravive la lumière; ce sont les deux maîtres entre lesquels il faut choisir, les deux genres de jugements, de prophètes, d'arbres, de fondations (Mt 7:1-5,15-28,24-27). Dans les controverses avec les chefs juifs, faux dévots responsables du formalisme, de l'indifférence et de la souffrance de leur époque, Jésus les démasque avec une suprême énergie: «Hypocrites!», c'est-à-dire «comédiens!» (Mr 7:6, Lu 6:42 12:56 13:15,Mt 22:18 23:13 15,23,25,27,29).
Dans le Nouveau Testament, il y a un
avertissement concernant l’hypocrisie que Pierre appelle plutôt « manque de
sincérité » (1 Pierre 2 : 1). On trouve aussi deux exemples flagrants
d’hypocrisie retenus dans l’église : dans Actes 5 : 1-10, deux disciples sont
dénoncés pour avoir prétendu être plus généreux qu’ils ne l’étaient en réalité.
Et la conséquence fut terrible. Pierre lui-même se trouvera à la tête d’un
groupe accusé d’hypocrisie dans leur façon de traiter les croyants Gentils (Gal
2.13).
A l’évidence, l'on peut retenir que tout individu qui se dit
chrétien n’est pas forcément un chrétien authentique. Peut-être que la grande
majorité de ces chrétiens se complaisaient dans l'hypocrisie et n’étaient en fait que des chrétiens apparents ou tout simplement des imposteurs.
Où commence l’hypocrisie ?
Pascal,
dans son ouvrage Les Pensées affirme que : « L'homme n'est donc que
déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l'égard des
autres. Il ne veut donc pas qu'on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux
autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la
raison, ont une racine naturelle dans son cœur ». En d’autres termes, Pascal
veut démontrer ici que l'homme est l'être qui a plus d'amour de soi que d'amour
du vrai : il préfère ignorer ses vices et se voir plus parfait qu'il ne
l'est, que de se corriger, parce qu'une telle correction impliquerait d'abord
qu'il prenne conscience de sa propre misère. L'amour-propre est donc cette
« malheureuse racine », pour reprendre une autre expression pascalienne,
racine appartenant à la nature humaine (ce pourquoi elle est
« naturelle »), qui ne cesse d'éloigner l'homme d'une vérité qu'il
connaît pourtant, et qu'il hait d'autant plus que, malgré toutes les
flatteries, il ne parvient guère à l’oublier[1]. Chacun n'aime que soi, chacun se sait
détestable, et même les plus nobles actions ne sont menées que par intérêt,
désir de reconnaissance et soif de flatterie.
L'homme bon ne l'est presque jamais qu'en apparence, puisqu'il n'est bon que pour être loué de cette bonté même – et il le sait, comme il sait que les autres ne l'ignorent pas, au moment même où ils la louent. C'est pourquoi, en terme simple, c’est que l’hypocrisie consiste en une sorte de mensonge par lequel nous nous dissimulons vis-à-vis des autres, pour notre intérêt. Elle est fausseté.
L'homme bon ne l'est presque jamais qu'en apparence, puisqu'il n'est bon que pour être loué de cette bonté même – et il le sait, comme il sait que les autres ne l'ignorent pas, au moment même où ils la louent. C'est pourquoi, en terme simple, c’est que l’hypocrisie consiste en une sorte de mensonge par lequel nous nous dissimulons vis-à-vis des autres, pour notre intérêt. Elle est fausseté.
Qu’en est-il donc des Chrétiens d’aujourd’hui ?
C'est La Rochefoucauld qui nous dit à juste titre que «L'hypocrisie est un hommage que le vice rend
à la vertu». En effet, l’hypocrite veut se faire passer pour vertueux mais
son comportement dénote toujours le vice. C'est aussi une manière de dire que les chrétiens, de fois, sont souvent tentés de faire semblant d'appliquer la vertu chrétienne alors qu'ils sont dans l'hypocrisie. En effet, la plupart des chrétiens feignent de vivre leur foi.
Nous l'avons déjà souligné. Dès
les débuts de l'Église, une hypocrisie provoque un terrible scandale (Ac
5:1,11). La grande discussion sur les rapports entre les convertis païens et
les ordonnances judaïques entraîne Pierre et Barnabas à des accommodements que l'apôtre Paul traite d'hypocrisie (Ga 2:14), mais qui ne seront que passagers. A partir de cet incident, l'apôtre
Paul va dénoncer le rôle de ce vice dans l'expansion des doctrines malfaisantes (1Ti
4:2); il estime que la duplicité (litt., langage
double) est incompatible avec les fonctions de diacre (1Ti 3:8). Il répète que
les vertus chrétiennes doivent se garder de ce risque, lorsqu'il veut qu'elles
soient sincères, litt. «sans hypocrisie»: la charité (2Co 6:6,Ro 12:9), la foi
(1Ti 1:5,2Ti 1:5); de même Pierre pour l'amour fraternel (1Pi 1:22) et Jacques
pour la sagesse (Jac 3:17).
De nos jours, le constat est amer et révèle que l’Église
semble vivre une foi apparente. Des comportements hypocrites investissent les lieux cultuels. On
prétend s’aimer les uns les autres selon
les recommandations du Christ, mais c’est la haine, le mépris des uns et des
autres qui prévaut. On prône la communion mais les divisions se multiplient et
se font voir de jour en jour. La vérité se montre comme substrat de notre
vie chrétienne, mais le mensonge se mue en vertu dans la façon de vivre. Nous nous donnons des baisers les uns aux autres, cependant nos coeurs ne sont remplis que de haines et de médisances. Nous nous revendiquons de la famille de Dieu alors que nous nous sentons incapables d'accueillir dans nos communautés ceux qui ne sont pas des nôtres. N'est-ce pas là une manière de se moquer de Dieu que nous prétendons adorer (Gal 6.7) ? Tous ces écueils exposés au public ternissent l'image de l'Eglise et nous rendent hypocrites au regard de ceux de l'extérieur.
Du coup, plutôt que de condamner l’ensemble de la
communauté chrétienne, ne vaudrait-il pas mieux se demander d’abord si tous
ceux qui se prétendent chrétiens le sont-ils réellement ?
De l’enseignement même du Nouveau
Testament, nous pouvons tirer au moins deux conclusions. La première conclusion
est que l’hypocrisie existe bel et bien parmi les chrétiens. Elle était présente
dès le commencement, et, d’après la parabole de Jésus sur l’ivraie et le bon
grain, elle existera certainement jusqu’à la fin des temps (Matthieu 13 :
18-30). De plus, si un apôtre est coupable d’hypocrisie, il n’y a
aucune raison de penser que les chrétiens ordinaires en seront exempts. Toutefois, nous
devons toujours demeurer vigilants pour ne pas tomber dans cette tentation d'hypocrisie (1
Co 10,12) qui altère la foi chrétienne. La deuxième conclusion est que si nous ne sommes pas surpris de
voir les gens se croire plus saints qu’ils ne le sont réellement et toutefois
se déclarer chrétiens, nous ne pouvons pas non plus dire que l’Église est
composée quasi majoritairement d’hypocrites. Il y a aussi des enfants de Dieu nés de nouveau qui ont la volonté manifeste de "marcher selon Christ".
In fine, l'hypocrisie est un virus mutant qui détruit notre âme. Subtile, elle nous ronge à notre insu. On
peut certes concéder que nous tous qui confessons le Nom de Jésus-Christ
demeurons des pécheurs même après le pardon de nos péchés, mais nous devons aussi savoir que l'hypocrisie nous sépare d'avec l'amour de Dieu. Ceci est une
réalité, même si nous sommes sauvés du châtiment éternel qui est normalement le
salaire du péché (Romains 5 :1 ; 6 : 23). Nous nous devons
d'être délivrés de la présence d'autres vices qui nous habitent quotidiennement (1 Jean 1 : 8-9),
y compris celui de l’hypocrisie.
C'est pourquoi, d'ailleurs, l'apôtre Paul nous le recommande avec raison en Eph 4.25 : " renoncez au mensonge, et que chacun de vous parle selon la vérité à son prochain; car nous sommes membres les uns des autres."
C'est pourquoi, d'ailleurs, l'apôtre Paul nous le recommande avec raison en Eph 4.25 : " renoncez au mensonge, et que chacun de vous parle selon la vérité à son prochain; car nous sommes membres les uns des autres."
En fait, si les membres de l’Église avaient l’habitude de
prier les uns pour les autres et de se reprendre les uns les autres en privé et
avec douceur quand les premiers signes d’une conduite pécheresse apparaissent,
l’Église aurait très peu d'hypocrites en son sein, parce que tout désaccord commencerait et s’achèverait par une
conversation entre deux personnes qui ne parviendrait jamais aux oreilles de
quelqu’un d’autre. La vérité sera ainsi le maître-mot de véritable communion fraternelle.
Il est temps d'y penser et de se répentir !
Jimi ZACKA
Exégète, Anthropologue, Chercheur
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jimi_Zacka
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