mardi 11 août 2015

REFLEXION THEOLOGIQUE : LE CHRETIEN, EST-IL VRAIMENT LA "LUMIERE" DE SA SOCIETE ? (MATTHIEU 5.14)


En quoi le chrétien est-il "lumière du monde"? Telle est la question qui me taraude. Dans Matthieu 5. 14,  "Jésus dit : vous êtes la lumière du monde". Pourtant, nous n’avons pas tellement l’impression d’être, individuellement, indispensable au progrès de l’humanité tout entière ou à la beauté de l’univers. En d'autres mots, nous ne semblons pas devenir la "lumière"  voulue par le Christ.
Pourtant, Jésus dit quand même, à chacun de nous individuellement : vous êtes, tu es, je suis la "lumière du monde". Il le dit parce qu’il le croit, et il le croit parce que c’est une évidence pour lui. Et pour que cela soit une évidence pour Lui, il faut que cela soit une réalité fondamentale pour nous. Il y a en chaque personne un génie propre et un point de vue original. Cela fait que personne d’autre ne pourrait apporter au monde ce que nous, individuellement, pouvons lui apporter. C'est une responsabilité d'apporter sa propre "lumière" au monde.

En d'autres termes, si les chrétiens veulent être pris au sérieux comme partenaires pour la construction de la paix dans les sociétés actuelles, ils devront s’interroger sur leurs manières de vivre entre eux et avec d’autres. Si les chrétiens demandent au monde de vivre le pardon, il faut qu’on puisse trouver des exemples de pardon dans les communautés chrétiennes. S’ils demandent au monde de pratiquer la fraternité, il faut qu’on puisse trouver des signes de la fraternité dans les communautés chrétiennes. L'Eglise se doit d'être le paradigme social sur le plan éthique et moral.

Une Église de Dieu dans laquelle on aimerait avoir à la manière de la Trinité — l’amour comme dessaisissement de soi — serait une partenaire crédible pour la construction de la paix dans la société. A quoi sert de critiquer la société si nous-mêmes sommes incapables de vivre ce que nous reprochons aux autres? Pourquoi reprocher aux autres l'incohérence de leurs paroles si nous-mêmes ne comprenons pas ce que Jésus nous reproche: "Que votre oui soit oui et votre non soit non" (Mt 5.37).


Savoir dire "oui" et "non" est le but fondamental de l'enseignement de Jésus qui consiste à permettre aux êtres humains de se réveiller spirituellement, voir clair en eux, à partir de là de s'améliorer, et de devenir ainsi de véritables êtres humains, capables, en tant que tels, de s'élever vers la Lumière.


 Malheureusement, aujourd'hui, les chrétiens sont dans le célèbre jeu de "ni oui ni non". Cela consiste à ne jamais prononcer ces deux mots pendant un certain laps de temps sous peine d'être disqualifié par les sociétés de ce monde. L'enjeu est de chercher à plaire aux hommes.
Pourtant, la question est toujours de savoir ajuster une prise de position nécessaire de la part de l’Église ou de ses représentants en matière politique et une prise de distance tout aussi nécessaire par rapport à la politique partisane.
Par exemple, le chef religieux a le droit de faire savoir sa position, non seulement comme citoyen, mais surtout comme leader référent de la société. De plus, l’Église se doit de prendre une position claire quant à certains principes non négociables — la bonne gouvernance, la démocratie, la justice —, qui sont constamment réaffirmés dans la doctrine sociale de l’Église.
Quand Jésus nous dit “ Vous êtes le sel et la lumière du monde ”, il ne nous fait pas la morale, comme s’il disait : recevez la lumière de Dieu et transmettez-là. Mais Jésus affirme, comme un état de fait, que nous sommes la lumière du monde.

La lumière dissipe les ténèbres, elle réchauffe tout ce qu’elle touche, elle libère les formes. Tout cela  survient à la vitesse de l’éclair. Être la lumière du monde, ça veut dire pour les chrétiens diffuser partout la lumière qui vient d’en haut. Ça veut dire combattre les ténèbres nées du mal et du péché, causées souvent par l’ignorance, les préjugés et l’égoïsme. Plus nous regardons le visage de Jésus, un peu comme une toile impressionniste, plus nous voyons la lumière et plus sommes transfigurés par elle.
C'est aussi notre apport personnel dans notre société. Jésus ne dit pas « que la lumière de Dieu brillera à travers vous » mais il dit « que VOTRE lumière brille sur ceux qui vous entourent » pour embellir la vie grâce au rayonnement de  l'amour de Dieu.

C’est la lumière, éclatante ou voilée, de notre être intérieur qui monte à la surface et qui se livre à autrui.

Lorsque Jésus parle à ses disciples, il voit cette lumière, il voit le fond de leur coeur monter sur leur visage. Ses disciples sont si heureux de l’écouter, ils sont tellement pris par sa parole et pris aussi au meilleur d’eux-mêmes, que leur visage en est tout illuminé. «  Tu as les paroles de la vie éternelle ! » criera Pierre dans un grand élan. Ce n’est pas là, lumière passagère d’un feu de paille, non, ces disciples aiment la parole de leur maître. Cette parole suscite leur désir de la mettre en pratique. Cela ne leur semble pas au-dessus de leurs moyens ; comme dit l’Écriture (Deutéronome 30, 14) : «  La parole est tout près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur pour que tu la mettes en pratique ». Dit autrement, cette parole reçue en soi ne peut s'évaluer qu'en la mettant en pratique. Rien d'autre !
C'est dire que l’Église ne doit pas se constituer en une donneuse de leçon, ni s'engluer dans un rôle de moralisateur, mais elle doit vivre la Parole afin d'être capable de changer le monde. Elle se doit d'être une référence sociale par ce qu'elle-même dit et vit. C'est cela, être "lumière du monde".


 Dr Jimi ZACKA
Exégète, Anthropologue