dimanche 30 octobre 2016

VIVRE PAR PROCURATION (Gal. 5. 16-17)



 "Marchez selon l'Esprit, et vous n'accomplirez pas les désirs de la chair. Car la chair a des désirs contraires à ceux de l'Esprit, et l'Esprit en a de contraires à ceux de la chair; ils sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez point ce que vous voudriez"

Introduction


 Oscar Wilde disait : « Il est des moments où il faut choisir entre vivre sa propre vie pleinement, entièrement, complètement, ou traîner l'existence dégradante, creuse et fausse que le monde, dans son hypocrisie, nous impose.» ?  J'aime bien cette philosophie. La plupart des gens vivent aujourd'hui par procuration. Les images, les médias, les réseaux sociaux, les paroles des autres nous envahissent, nous préoccupent et nous imposent vraiment de vivre avec une pièce de théâtre constante qui se déroule devant nous, et notre propre vie n'est qu'un décor. Nous sommes vraiment dans une mutation imaginaire toujours renouvelée qui efface et dépolit la réalité.

     Ce constat révèle en creux combien il est difficile d’assumer son existence dans son authenticité. La liberté et la responsabilité sans excuses qu’elles fondent angoissent. D’où la tentation de nombreux hommes d’échapper aux multiples responsabilités qui leur incombent. Le Philosophe Sartre appelle cette attitude une mauvaise foi. Dans l’un de ses ouvrages sur l’existentialisme, il écrit : « les uns qui se cacheront par l’esprit de sérieux ou par excuse déterministes, leur liberté totale, je les appellerai lâches ; les autres qui essaieront de montrer que leur existence était nécessaire, alors même qu’elle est la contingence de l’apparition de l’homme sur la terre, je les appellerai des salauds ; mais lâches ou salauds ne peuvent être jugés que sur le plan de la stricte authenticité » (nagel,1967, p.84-85). 

Qu'est-ce que c'est vivre ?


     Qu’est-ce que c’est vivre authentiquement  et indépendamment des biens matériels ?  Telle est la problématique. Est vivant tout ce qui s’oppose aux choses physiques et aux objets artificiels fabriqués par l’homme. La vie est donc une notion biologique. L'être vivant a la capacité de se mouvoir de lui-même, et non pas en vertu d’un principe extérieur (comme c’est le cas pour un objet technique qui nécessite la main de l’homme pour fonctionner).

     Pourtant,  le monde d’aujourd’hui est basé sur un fonctionnement uniquement matérialiste et dicte la manière dont l’homme doit vivre. Cette manière est de vivre par procuration. C’est ce que l’Apôtre Paul appelle vivre selon la chair. En effet,  d’un côté nous vivons selon la chair (par procuration), ou de l’autre nous vivons selon l’esprit (authentiquement).


      Il est essentiel de comprendre d’abord que ces deux notions ne s’invalident pas l’une et l’autre : vivre selon la chair n’exclut pas une vie spirituelle, et vivre selon l’esprit n’interdit pas de satisfaire aux besoins de la chair. Non, c’est tout simplement une question de priorités. Pour une attitude donnée, il s’agit en réalité de deux chemins différents, dont les conséquences ne seront pas les mêmes. Ce sont deux façons de vivre en fait.

Deux manières de vivre


     Vivre selon la chair ne se limite pas aux plaisirs charnels. Il y a deux notions à expliquer : d’une part, c’est laisser libre cours à ses passions et à ses envies qui ne peut mener qu’au désordre et à la débauche ; ça, tout le monde l’a compris, d’où un certain nombre de règles de vie en société qui n’ont pas pour but un retour à la morale mais seulement de freiner ou de restreindre les abus afin d’en réduire les fâcheuses conséquences ; d ’autre part, c’est se baser sur la satisfaction unique de ses besoins matériels sans dimension spirituelle qui mène au même résultat, et là peu de gens s’en rendent compte. Le sens profond de vivre par procuration, c'est que cette vie ne mène pas qu’aux excès liés à la satisfaction unique des besoins charnels, elle nous détourne de la Loi de Dieu, ce qui conduit aux pires calamités : guerres, idolâtries, déliquescence des mœurs, cupidité, haines, envies, etc… un monde qui ressemble bien étrangement au nôtre.

Vivre selon l’esprit, c’est faire passer sa vie spirituelle avant sa vie matérielle. C’est aussi tenter d’appliquer dans sa vie les lois de Dieu, de chercher à lui plaire en obéissant à ses commandements avec humilité et discernement. Ainsi, en Ga 5.26, l’apôtre Paul donne des recommandations suivantes : « Ne cherchons pas une vaine gloire en nous provoquant les uns les autres, en nous portant mutuellement envie… ».
C'est dire que nous ne pouvons vivre à la fois une vie authentique et une vie par procuration comme le souligne Jésus en affirmant que :" Nul ne peut servir deux maitres; car, ou il haira l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et meprisera l'autre: vous ne pouvez servir Dieu et Mammon" (Mt 6.33). L'auteur de l'épître aux hébreux en fait l'écho en Heb 13.5 : "Ne vous livrez pas à l'amour de l'argent; contentez-vous de ce que vous avez...". 
Ne pas se contenter de ce que l'on a est la matrice de la difficulté d'assumer sa propre vie .

Conclusion


     Si vivre par procuration devient aujourd’hui une norme vitale dans notre monde ultra-matérialiste, Paul veut nous faire comprendre que le vrai bonheur, ce n’est pas de posséder le dernier iPad à la mode, beaucoup d'argent, une belle voiture ou de vivre selon ses envies et ses instincts. Ce bonheur-là crée des insatisfactions permanentes et altère en réalité les rapports humains
Le vrai bonheur, c’est celui que nous ressentons au plus profond de notre être, celui qui vient de l’âme et du cœur. « Cherchez d’abord le royaume des cieux et vous aurez le reste par surcroît » nous a dit Notre-Seigneur ( Mt 6.33). Ce n’est pas du tout une vie austère, comme certains le pensent. C’est une vie bien terrestre pourtant mais autrement ; parce que nous vivons authentiquement comme le veut Dieu et non par procuration par le biais des biens matériels nous éloignant de la volonté de Dieu.



Prof. Jimi ZACKA

Théologien, Anthropologue

jeudi 27 octobre 2016

RUMEURS ET FOI (Jean 7.12)



"Il y avait dans la foule grande rumeur à son sujet. Les uns disaient: C'est un homme de bien. D'autres disaient: Non, il égare la multitude."

     Le mot rumeur vient du latin "rumor" qui signifie "bruit vague, bruit qui court, nouvelle sans certitude garantie". La rumeur est sans doute le plus vieux média du monde. Elle semble avoir un bel avenir, même dans les sociétés apparemment les plus avancées et les plus rationnelles.  Les nouveaux moyens de communication - médias de masse, Internet, réseaux sociaux, téléphone lui donnent aujourd'hui une folle vitesse de propagation. En fin de compte, la rumeur est boulimique ; elle s'alimente de tout ce qui passe à côté d'elle. Pourquoi nous interpelle-t-elle tous ?

     Difficile de saisir ce que sont vraiment les rumeurs. Le plus troublant est que la croyance en des rumeurs n'est pas le privilège des naïfs, des crédules, bref, des autres. Elle nous concerne tous. Elle alimente les conversations du peuple profane comme celles des chrétiens, de la rue comme des instances du pouvoir. La rumeur fait bien partie de notre quotidien et, de ce fait, elle cristallise de nombreuses idées reçues. Les chrétiens n'échappent pas à cet écueil surtout quand il s'agit d’accuser les autres. Ne dit-on pas que Socrate se plaignait des ragots forgés contre lui et que Jésus fut victime non pas de ses paroles et actes mais de ce qui se disait sur lui ?

     Lors de son procès, les chefs d’inculpation ont donc mentionné certains aspects controversés du ministère de Jésus, mais avec une grande confusion et une mauvaise foi[1]. L’opinion était partagée à son sujet. Les uns le tenaient pour « un homme de bien », d’autres pour un imposteur qui égarait une multitude[2]. L’évangéliste Jean révèle aussi qu’en conséquence de ces rumeurs, les autorités juives étaient anxieuses de l’avenir politique de leur nation. Elles craignaient en effet que l’activité de Jésus encourage le peuple tout entier à mettre sa foi en lui[3]. Voilà pourquoi les chefs des juifs, qui ne possédaient pas l’autorité de mettre un accusé à mort dans l’empire romain[4], ont emmené Jésus devant Pilate avec ces accusations : « Nous avons cet homme en train de pousser notre peuple à la révolte. Il empêche de payer l’impôt à l’empereur. Il dit qu’il est lui-même le messie, le roi »[5]

     La crucifixion de Jésus résulte donc des accusations mensongères dues aux rumeurs. C’est là où l’on note que  les rumeurs ont souvent un contenu aversif. Elles sont presque toujours négatives. Les plus fréquentes sont les rumeurs d'agression qui ciblent une personne ou un groupe social dans un seul souci de nuire. L’on constate aussi que lorsque l'on transmet un message à une personne, on peut constater que lorsque le message est relayé, ce dernier se modifie dans le sens d'une perte de détails voir d'une reconstruction différente. L'interprétation du récepteur peut amener des éléments qui se rajoutent à l'histoire. Il arrive qu'à la fin, l'histoire ne soit plus du tout la même. C’est le cas de Pilate. 

     Il est vrai que dans l’Eglise, nous n’échappons pas aux phénomènes des rumeurs. Car, Satan se livre à la même besogne.  Et souvent,  il est à l’affût de ce qui ne va pas ou de ce qui semble ne pas aller pour le transformer en rumeurs au sein de l’Eglise. En effet, il est tellement plus facile de voir la paille qui est chez les autres et de ne pas voir la poutre qui est dans le sien.

     Pourtant, lorsque notre vie chrétienne est reliée à l’Ecriture Sainte, elle ne devrait pas obéir aux lois qui régissent les rumeurs. C’est pourquoi, d’ailleurs, Dieu interdit formellement aux enfants d’Israël de se livrer à des rumeurs : « Tu ne répandras point de faux bruit. Tu ne te joindras point au méchant pour faire un faux témoignage[6] ». Le but est de répandre un fait établi par des témoins oculaires et non de répandre une histoire floue et sans fondement. 

     La rumeur est mortifère, destructrice de la foi. Elle véhicule des calomnies, des mensonges, des critiques, des murmures et des outrages. Afin de mettre les chrétiens à l’abri des rumeurs, l’apôtre Paul leur recommande donc à s’occuper de leurs propres affaires[7]. L’apôtre Jacques, quant à lui, attire l’attention des chrétiens sur la manière de faire usage de leur parole : « la langue est un petit membre, et elle se vante de grandes choses. Voici, comme un petit feu peut embraser une grande forêt!  La langue aussi est un feu; c'est le monde de l'iniquité. [8]»

     La rumeur, finalement, c’est quoi ? On peut le comprendre sous une forme métaphorique. La rumeur est assimilable à la situation dans laquelle un seul chien se met à aboyer à une ombre et que dix mille autres chiens en font une réalité.

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Poème de Victor Hugo sur la rumeur
Le Mot
 
Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites !
Tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdîtes.
TOUT, la haine et le deuil ! Et ne m'objectez pas
Que vos amis sont sûrs et que vous parlez bas.
Ecoutez bien ceci :
                                         Tête-à-tête, en pantoufle,
Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dites à l'oreille du plus mystérieux
De vos amis de coeur ou si vous aimez mieux,
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d'une cave à trente pieds sous terre,
Un mot désagréable à quelque individu.

Ce MOT - que vous croyez que l'on n'a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre -
Court à peine lâché, part, bondit, sort de l'ombre;
Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin,
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle ;
Au besoin, il prendrait des ailes, comme l'aigle !
Il vous échappe, il fuit, rien ne l'arrêtera ;
Il suit le quai, franchit la place, et cætera
Passe l'eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez le citoyen dont vous avez parlé.
Il sait le numéro, l'étage ; il a la clé,
Il monte l'escalier, ouvre la porte, passe, entre, arrive
Et railleur, regardant l'homme en face dit :
« Me voilà ! Je sors de la bouche d'un tel. »

Et c'est fait. Vous avez un ennemi mortel. 

Victor Hugo, Toute la Lyre


Prof. Jimi ZACKA
Exégète, Anthropologue

[1] Cf. Simon Légasse, Le Procès de Jésus, L’Histoire, Paris : Cerf, coll.divina, 2012.
[2] Jn 7.22 ;
[3] Jn 11.45-53
[4] Jn 18.31. Certains pensent que ce verset ne fait référence qu’au supplice de la crucifixion et non à la peine de mort en général.
[5] Cf.  Lc 23.2 ; Mt 27.11 ; Mc 15.2.
[6] Ex.23.1
[7] 1 Thes.4.11
[8] Jc 3. 5-6

dimanche 23 octobre 2016

LE MÉPRIS DE L’AUTRE, UN PÉCHÉ SUBTIL DU RELIGIEUX (Lc 18, 9-14)



Le mépris est une émotion négative que l’on ressent  à l'égard d'un individu ou groupe d'individus perçu comme inférieur ou sans intérêt. Il se définit aussi comme l'état d'être déshonoré, détesté ou disgracié. Il faut aussi noter que le mépris est une feinte qui sert de camouflage pour cacher d’autres émotions. En fait il s'agit d'une attitude qui dissimule parfois aussi d'autres émotions comme la jalousie, l’orgueil... Celui qui adopte une attitude méprisante à l'égard d'un autre fait comme s'il était "au-dessus", supérieur. L'attitude méprisante est également une réaction de défense: « j'adopte une attitude méprisante parce que j'ai peur de laisser voir ce que je ressens vraiment. »

Ce que nous lisons en Lc 18.9-14 nous fait découvrir l’ampleur de l’attitude méprisante que tant de chrétiens manifestent à l’égard des autres. Cette condescendance cachée qu’expriment de prétendus chrétiens semble devenir aujourd'hui la norme du vécu. Pourtant, c'est un péché très subtil, difficile à s’en apercevoir.

   Ce texte (Lc 18.9,14) très connu nous offre une parabole qui ne comporte ni piège textuel, ni noeud exégétique. Son scénario est tellement réduit et sa signification si fortement soulignée, qu'on ne voit pas quel problème une telle parabole pourrait bien soulever. Pourtant, l'évangéliste Luc introduit la parabole en indiquant la cible: des personnes caractérisées par deux traits: la bonne conscience et le mépris d'autrui. Il essaie en même temps de comparer deux comportements devant Dieu :

1. celui d’un homme satisfait de lui-même et qui se croit supérieur en piété par rapport aux autres.
2. celui d’un homme qui n’est pas satisfait de lui-même et qui demande le pardon de Dieu.

 La « bonne conscience » du pharisien conduit au mépris des autres par le détournement de la Parole de Dieu. En rendant grâces à Dieu, cet homme étale sa complaisance envers lui-même. Sa prière comporte 2 accents distincts : la différence (v. 11), les oeuvres méritoires (v. 12). En soulignant sa différence, le pharisien accomplit un tri : d'une part, il y a lui (et, sans doute, ceux qui lui sont proches, bien qu'ils ne soient pas évoqués !) ; d'autre part, il y a « les autres hommes », c'est-à-dire ceux qui restent quand on a mis à part le premier lot. Et ces autres hommes sont qualifiés par trois traits qui martèlent leur condition : ils sont « voleurs, malfaisants, adultères ». La liste des turpitudes pourrait évidemment être allongée. Elle n'est qu'exemplative, croquant à peu de frais le portrait de l'homme pécheur.

     Or, l’homme pécheur, il est là, justement à côté du pharisien et il l'a aperçu. Le péager appartient bien à la deuxième catégorie d'hommes, les pécheurs notoires et avérés. Le pharisien, dans sa prière,  remercie Dieu de l'avoir préservé de tomber dans cette catégorie.

     Par contre, l’attitude du péager rappelle en effet celle de l’homme pécheur conscient. Il se tient à distance de l'homme moral et religieux, ou dans un sens absolu ; il reste en retrait, il n'ose s'avancer. Les deux sens sont d'ailleurs compatibles. « il ne voulait même pas lever les yeux au ciel » : ce geste de prière est bien connu dans la Bible (voir Psaumes 121/1, 123/1, Marc 6/41, 7/34). Le fait de baisser les yeux indique une humiliation. « il se frappait la poitrine », geste qui traduit une attitude mentale facile à comprendre, geste de détresse et d'auto-accusation (voir Luc 23/48). La prière du péager correspond à son attitude : c'est un appel à l'aide. Littéralement : « O Dieu, prends pitié de moi le pécheur ». Le verbe " ilaskomai" au passif, signifie « être favorable envers un fautif », donc se montrer accueillant et propice à son égard. Telle est la requête que le péager adresse à Dieu : sois propice !… Prends pitié !... Ce n'est pas exactement une demande de pardon, qui devrait normalement s'accompagner d'un engagement à réparer les fautes commises, comme dans le cas de Zachée (Luc 19/1-10). 

Ce qui est intéressant, c'est de remarquer le comportement de Dieu comme juge. Le portrait du péager est celui d'un homme écrasé par le poids de sa culpabilité et qui implore la pitié divine. C’est l’humilité à l’extérieur et à l’intérieur de lui-même. C'est un triste personnage. Mais il ne l'ignore pas, ni ne cherche aucune excuse. Il ne connaît d'autre secours que la grâce de Dieu, et c'est elle qu'il sollicite.

     La conclusion de ces deux prières sera introduite par un ton solennel « je vous dis » de Jésus. Elle comporte deux volets : Le péager est justifié, le pharisien non. Le verbe dikaioô, « justifier », est cher à l'apôtre Paul, mais il figure également dans d'autres couches du Nouveau Testament, notamment dans l'évangile de Luc et les Actes. Ici, le sens est simple ; cet homme est accepté par Dieu. Car, évidemment, le participe passif « justifié », a Dieu pour sujet implicite. Jésus fait connaître le verdict de Dieu. Et ce verdict est l'accueil du péager, le pécheur notoire. C'est donc un verdict de grâce.

     Ici, notre parabole n'entend ni exhorter à la prière, ni orienter celle-ci. La prière y apparaît comme le révélateur d'une attitude devant Dieu et devant autrui. La prière est le geste religieux le plus simple dans lequel un homme extériorise la façon dont il se comprend par rapport à Dieu et à autrui. A ce titre, la prière fait office de révélateur théologique. La parabole évoque trois types de jugement : 

1. le jugement que chacun porte sur soi-même
2. le jugement que chacun porte sur autrui
3. le jugement que Dieu porte sur chacun, déjouant le jugement humain.

Et l'économie globale de la parabole nous fait comprendre que le dernier mot appartient à Dieu. Elle vise à faire connaître le jugement de Dieu, ce jugement selon lequel il accueille et gracie le pécheur humilié.

    Du coup, l'on s'interroge: à quoi sert de mépriser son prochain que l'on juge à la place de Dieu à cause de ses erreurs ? N'est-ce pas ce que Paul nous révèle en Rm 14. 4 " Qui es-tu, toi qui juges un serviteur d'autrui? S'il se tient debout, ou s'il tombe, cela regarde son maître..."

     Au final, Il s'agit de comprendre aujourd'hui que ce texte nous parle. Qu'il nous parle pour nous débarrasser de nos illusions, du mépris que nous entretenons à l’égard des autres, du bric-à-brac de nos bonnes oeuvres et de nos bonnes intentions, et nous rendre lucides sur nous-mêmes. Qu'il nous parle de la façon dont Dieu a décidé, parce qu'il est "un Dieu autrement" qui prend sa distance vis-à-vis de notre condescendance honteuse à l'égard des autres.

   Peu importe, la place que nous voulons nous fabriquer pour nous placer au-dessus des autres, de l'honneur que nous voulons nous offrir pour soumettre les autres à nos ordres, de l'autosatisfaction du salut que nous nous attribuons.

    Il appartient donc  à Dieu  de nous évaluer, de nous estimer, de nous accueillir, de nous justifier au-delà de ce que nous prétendons être par rapport aux autres. Au-delà de nos prétentions, de nos préjugés ou nos clichés sur les autres, Dieu nous écoute, nous regarde, nous évalue, nous juge mais pas comme nous le souhaitons, ni comme nous jugeons les autres.

   C'est pourquoi, si notre nature d’orgueil nous pousse à juger l'autre, à le mépriser souvent trop rapidement et trop facilement, en tant que chrétien authentique -- si nous le sommes vraiment--  nous devons sans cesse veiller à cette mauvaise attitude et nous en remettre à la grâce dont nous sommes bénéficiaires.

    Car, pour Dieu, il n’est réplique si odieuse que le mépris silencieux. En d'autres termes, le  mépris est  le plus mystérieux de nos sentiments que Dieu déteste.


Prof. Jimi ZACKA
          Exégète