mardi 24 novembre 2015

L'AUTORITE ET LA SOUMISSION


1.     
1. Valeur de l’autorité

L'autorité et la soumission n'impliquent aucune  différence de nature ou de valeur. Celui qui se soumet est l'égal de celui qui exerce l'autorité. La différence vient de la vocation. Ces personnes n'ont pas la même fonction au sein de l'organisme envisagé, ni la même place au sein de la structure correspondante. La raison d'être de ce rapport d'autorité et de soumission vise uniquement le bon fonctionnement et la coordination de l'ensemble. Le remettre en question, c'est introduire le désordre, l'anarchie et le chaos. La responsabilité de fixer les objectifs et les moyens de les atteindre revient à celui qui exerce l'autorité. Mais cela implique une concertation avec ceux qui exercent la soumission, car ceux-ci doivent comprendre les objectifs pour contribuer à les réaliser dans les meilleures conditions. Dans une chaîne d'autorités, les objectifs du chef deviennent les objectifs personnels de ceux qui lui sont soumis, qui les transmettent à leur tour à ceux qui sont sous leur autorité, et ainsi de suite. Autrement dit, les objectifs de la tête deviennent ceux de tout le corps qui s'y conforme au mieux pour coordonner toute son action. Dès lors, on comprend qu'autorité et soumission riment avec loyauté  et collaboration.

     Il est bon de remarquer que par nature, l'autorité est légitime. Soit parce qu'on l'a reçue d'une autorité supérieure reconnue de tous, soit parce qu'elle est associée à la fonction assumée, soit pour les deux raisons à la fois. L'autorité du mari sur sa femme, par exemple, a été décidée par Dieu (Eph5.23), car a priori cela aurait aussi bien pu être l'inverse. Par contre, l'autorité des parents sur les enfants est naturelle (Eph 6.1), car elle est liée à la fonction parentale. Enfin, l'autorité des anciens dans l'Eglise est, à la fois, liée à la fonction de "surveillant", à l'investissement venant de Dieu, et à la reconnaissance de l'Eglise (Hb 13.17; 1P 5.5). Mais nous vivons dans un monde plein de revendications, d'injustices et d'ambitions. L'exercice d'un pouvoir est donc bien loin d'y être toujours légitime. Lorsqu'il y a conquête du pouvoir, fût-ce par des voies légales, on ne parle plus "d'autorité", mais de "domination". La légalité, c'est la conformité à la loi. La légitimité, c'est la conformité à la justice.

 On peut  aussi être légitimement dans l'illégalité. Juridiquement, c'est le cas de la légitime défense, par exemple. Bibliquement, c'est quand il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes (Ac 5.29). Et l'on sait que Hitler avait conquis le pouvoir en toute légalité. Mais, son autorité est tombée dans l'illégalité.  On peut être ainsi légalement dans l'illégitimité. Juridiquement, c'est le cas des faux bilans, des taxes injustes, etc.. Bibliquement, c'est le cas du divorce et de l'avortement. La chose étant dite, cela ne nous autorise pas à condamner qui que ce soit.

2. La domination et l'obéissance

 Le caractère illégitime de la domination implique deux conséquences immédiates. Tout d'abord, la seule réponse favorable que la domination puisse engendrer, c'est l'obéissance. Certainement pas la soumission, puisque par définition, la légitimité de la domination n'est jamais reconnue par les subalternes. En effet, l'obéissance implique la stricte observance des ordres reçus, sans plus. L'obéissance ne s'attache qu'à "la lettre" du commandement. Elle exécute les directives, mais sans excès de zèle superflu. Par contre, la soumission implique le partage des objectifs, dans lesquels s'inscrivent les ordres reçus. La soumission s'attache à l'esprit du commandement. Elle dépasse la directive, pour discerner l'objectif qui le sous-tend. On pourrait dire que celui qui obéit n'est qu'un exécutant. Tandis que celui qui se soumet est un collaborateur. Cette différence est parfaitement confirmée par la comparaison de Colossiens 3:18 ("Femmes, soyez soumises à votre mari") et Colossiens 3:20 ("Enfants, obéissez à vos parents"). Ces deux textes montrent bien l'égalité des statuts qu'implique la soumission, et la différence des statuts qu'implique l'obéissance. Cela nous amène au deuxième problème soulevé par la domination. A savoir que, n'étant pas reconnue, la domination doit s'imposer par la force. Elle engendre donc un système extrêmement contraignant de pressions morales et parfois physiques. La domination transforme toute relation en rapport de forces. Elle introduit la "loi de la jungle" dans les relations humaines. Manger ou être mangé ! Dominer ou être dominé ! C'est pourquoi je l'ai définie comme une perversion de l'autorité instaurée par Dieu.
 Bibliquement, la recherche du pouvoir est toujours le fruit du péché car le seul détenteur légitime du pouvoir, c'est Dieu. L'autorité vise donc le bien d'autrui, en conformité avec le plan de Dieu. Elle se manifeste par la sauvegarde de l'harmonie au sein de la création, et par le maintien de l'ordre établi entre ses créatures. Par contre, la domination vise un intérêt égoïste, au mépris du plan de Dieu. Elle se manifeste par l'imposition d'un pouvoir personnel aux autres créatures, sans vrai souci de la création. La domination est fondée sur la force. Elle a le pouvoir de contraindre. C'est pourquoi, elle s'inscrit dans le désordre du péché et de la chute. L'autorité est fondée sur la légitimité. Elle prolonge la volonté de Dieu, au travers des droits qu'Il accorde. C'est pourquoi, elle s'inscrit dans l'ordre naturel de la création.
 3. Droits et devoirs

Mais il n'est point de droits sans devoirs, ni de devoirs sans droits. Si l'autorité implique le droit de prendre des décisions, elle impose aussi le devoir de donner l'exemple. C'est pourquoi, l'apôtre Pierre exhorte les anciens à "faire paître le troupeau de Dieu, non par contrainte, mais volontairement; non en le dominant (= en le tyrannisant), mais en devenant les modèles du troupeau" (1 Pierre 5:3). L'exercice de l'autorité ne se limite donc pas au droit de décider et de diriger dans le cadre de certaines responsabilités. Il s'étend au devoir d'être un modèle, particulièrement dans le domaine de ces responsabilités. D'un autre côté, la pratique de la soumission ne se limite pas au devoir de partager les objectifs d'un responsable. La volonté de les mener à bonne fin, implique le droit d'intervenir pour suggérer des modifications, chaque fois que c'est nécessaire. On comprend que l'ordre établi par Dieu puisse paraître injuste à ceux qui doivent s'y soumettre, si leurs droits ne sont pas reconnus, ainsi que les devoirs de ceux qui exercent l'autorité. Car, si celui qui exerce l'autorité ne satisfait pas à l'obligation d'être un modèle, son autorité s'en trouve invalidée. Et, si son autorité ne perd pas sa légalité, elle perd bien sa légitimité. Autrement dit, son pouvoir devient domination. Domination qui ne peut qu'être mal perçue par ceux sur qui elle s'exerce. D'un autre côté, il arrive que la soumission soit pratiquée à contrecœur ou dans un esprit légaliste. Parce qu'on y est obligé, parce qu'il faut bien. Dans ce cas, la soumission est vécue comme une contrainte et devient de la simple obéissance.

 Là où l'esprit de collaboration a disparu, il ne faut pas s'étonner d'être ravalé au rang des subalternes et de se voir refuser le droit d'interférer sur les décisions à prendre. L'harmonie d'un rapport d'autorité et de soumission s'inscrit donc dans une double préoccupation : le souci de chacun d'assumer ses devoirs personnels, tout en reconnaissant les droits de l'autre. D'un point de vue chrétien, l'idéal bien sûr, sera de pouvoir renoncer à ses droits, tout en continuant à assurer ses devoirs, pour encourager l'autre à assumer les siens. C'est dans le sacrifice de sa propre vie que le disciple rejoint par la foi l'amour parfait de son Maître.
C'est dans cette perspective que l'apôtre Paul nous exhorte en ces termes :

"Ayez un même amour, une même âme, une seule pensée. Ne faites rien par rivalité ou par vaine gloire, mais dans l'humilité, estimez les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres" (Philippiens 2:3-4).

Dr. Jimi P. ZACKA
Exégète, Anthropologue