Communication de Prof. Jimi P. ZACKA
(Centrafrique).
Evoquer la question de la théologie africaine dans un contexte multiculturel ou interreligieux requiert, à mon avis, une réflexion particulière. Car, l’Afrique est un continent marqué par une grande pluralité ethnique, culturelle et religieuse, tant pour l’Eglise que pour la société. Il s'agit donc de nous méfier de toute généralisation hâtive, tant sur le diagnostic des problèmes et des questions, que pour les suggestions de solutions. Une rencontre comme le présent colloque ne peut que donner de grandes orientations et des lignes générales.
En fait, la théologie en Afrique se
présente très différemment d’un pays à l’autre. Même au sein d’un même pays,
elle est différente, voire opposée d’une église à l’autre. A l’évidence,
évoquer les questions multiculturelle et interreligieuse aujourd’hui, implique la prise en compte des
situations spécifiques aux différentes zones du continent africain :
Afrique du Nord, Afrique subsaharienne, Afrique australe. C'est pourquoi, il est parfois judicieux de parler des "théologies africaines" au lieu d'orienter notre discours sur la "Théologie Africaine".
Cela dit, n’ayant pas la pertinence de prétendre offrir une réflexion se rapportant à toute l’Afrique, je limite modestement mon propos à l’Afrique subsaharienne. Encore faudra-t-il préciser que je prendrai ici le risque d’une vue cavalière des choses, partielle dans le traitement du thème, sélective par le choix des questions à traiter, incomplète par sa limitation à l’Afrique centrale.
Cela dit, n’ayant pas la pertinence de prétendre offrir une réflexion se rapportant à toute l’Afrique, je limite modestement mon propos à l’Afrique subsaharienne. Encore faudra-t-il préciser que je prendrai ici le risque d’une vue cavalière des choses, partielle dans le traitement du thème, sélective par le choix des questions à traiter, incomplète par sa limitation à l’Afrique centrale.
A l’instar de son histoire récente,
profondément marquée par l’oppression, l’injustice et toutes sortes de
souffrances, l’Afrique (subsaharienne) est aujourd’hui mise en défi par de multiples problèmes :
famine endémique, instabilité politique, guerres fratricides, exclusion
sociale, indigence sociale, corruption effrénée, marginalisation politique et
économique. Outre cela, il faut souligner qu'une des implications de ces tragédies dans la vie des populations
est la perte d’identité culturelle, due à l'emprise de la "mondialisation", qui s'accroît de jour en jour.
De ce fait, la réflexion sur la question
multiculturelle et interreligieuse constitue un réel problème et mérite d’être
prise en compte. Face à ces réalités, il est d’une importance capitale que
l’Eglise, à tous les niveaux, joue son rôle d’éveilleur de la conscience morale
en vue de la guérison des maux qui affectent la société africaine. Elle est
ainsi interpellée à la recherche de
l’unité et de l’harmonie sociale face aux divisions tribales, ethniques et religieuses
ainsi qu’aux antagonismes sociopolitiques. D’où le profond sentiment de s’interroger si l’Eglise africaine est
bien armée pour répondre aux multiples défis lancés par nos sociétés africaines.
De toutes les façons, la théologie africaine ne
peut trouver aucun alibi pour se soustraire aux interrogations les plus
fondamentales qui troublent profondément le chrétien africain dans son milieu : le
christianisme est-il vraiment une religion essentiellement différente et spécifique parmi tant d’autres religions qui bourgeonnent sur le sol africain ?
Quelle attitude les chrétiens africains et les missions chrétiennes
devraient-ils adopter vis-à-vis des
adeptes d’autres religions ? Et si la théologie produite en Afrique a encore un
rôle à jouer dans la culture africaine, comment
prend-t-elle part à ce débat collectif d’une société à la recherche d’un
nouveau vivre ensemble ? Autant de questions qui donnent sens et mettent en
valeur l’opportunité et la nécessité du thème proposé, à savoir : « Comment la théologie produite en Afrique
prend en compte les contextes multiculturel et interreligieux qui sont les
nôtres aujourd’hui ? ».
Précisons
que la question qui préoccupe particulièrement les Eglises africaines n’est pas
celle de l’athéisme, de la sécularisation ou de la laïcisation de la société,
mais celle des autres religions, celle de leur pluralité, de leur diversité, de
leur concurrence ou de leur collaboration, celle de la signification à leur
donner et de la valeur à leur reconnaître. C’est-à-dire, comment faut-il
établir la relation entre la foi chrétienne et les autres religions, du moins
statiquement et socio-religieusement parlant : la RTA et l’Islam ? Il
s’agit là de la question du rapport entre la fidélité de la foi chrétienne et la
mise en œuvre d’une sociabilité dépassant les frontières religieuse, culturelle
et ethnique. Et puisque au sein de la société africaine, la religion chrétienne
est un discours parmi tant d’autres, elle doit être nécessairement à l’écoute
des autres discours qui animent également la même société.
C’est ainsi que le théologien congolais
Poucouta dit avec une justesse remarquable qu’il est nécessaire que l’Eglise
dialogue avec toute culture et toute religion. Mais, l’Eglise doit prendre le
Christ comme norme à l’instar du dialogue des premières communautés chrétiennes
avec les cultures de l’époque, ce qui a donné naissance au Nouveau Testament[1].
Dans cette perspective, il y a un autre
aspect de la question : la théologie en Afrique est-elle capable de prendre
en compte les autres religions et cultures en vue de créer des conditions
favorables à un nouveau vivre ensemble du point de vue religieux et social ? Autrement dit, pour le peuple
africain, comment vivre en chrétien dans cette Afrique marquée par une grande
pluralité ethnique, culturelle, et religieuse et par l’emprise croissante de la
mondialisation ? Ces questions restent, bien sûr, ouvertes, et confiées à
la réflexion de chacun de nous.
En ce qui me concerne, je vais tenter d'articuler mon propos en trois parties : il s’agira d’abord de rendre compte de la manière
dont la théologie africaine prend conscience de la question de la
multiculturalité et du dialogue interreligieux. Dit autrement, cette réflexion va démontrer comment la
question des relations interculturelles et interreligieuses est au cœur de la
théologie africaine. Dans la seconde partie, je m’efforcerai de souligner les
principaux défis que connaissent, ces années-ci, les églises en Afrique, avant
d’élaborer dans la troisième partie quelques perspectives. Le travail apparaîtra
dans cette troisième partie, non comme une tentative d’emprisonner la théologie dans des
schémas de pensée d’un milieu donné, mais comme une réflexion sur le vécu de la
foi chrétienne dans un milieu multiculturel déterminé.
Partie 1 :
Situation théologique actuelle en Afrique subsaharienne
1.1.
Le
multiculturalisme comme préoccupation théologique
La théologie africaine a
toujours pris en compte les conditions anthropologique et culturelle de l’homme
africain. Les Recherches théologiques amorcées ici et là sur le continent,
comme les colloques et semaines théologiques organisés par les Facultés de
théologie n’ont jamais cessé d’ergoter
sur les multiples défis auxquels l’Eglise africaine est confrontée. Lorsqu’on parcourt les nombreuses publications sur le sujet, il y a lieu
d’affirmer d’emblée la diversité des expressions, des courants et des tendances
dans la théologie africaine.
L’une des principales caractéristiques de ces réflexions
théologiques concerne en fait l’identité
chrétienne elle-même. Il s’agit d’amener les chrétiens africains là où ils
peuvent retrouver la parole et s’ouvrir aux interrogations de la vie dans leur propre culture. En
d’autres termes, le vécu de la foi en Afrique ne doit,
pour ainsi dire, que se définir en rapport avec une lutte émancipatrice dont la
fleur de lance est la reconquête de l’identité culturelle (écartelée), des
libertés fondamentales (méprisées) et du bien-être social (sinistré). C’est dire que la domination, l’exploitation et l’oppression que l’Afrique subit dans
l’ordre mondial ne seront jamais vaincues sur la base de nos seules valeurs déjà
déstructurées. Ainsi, la prise de conscience doit être fondée sur la conviction
suivante : la culture africaine ne peut pas être conçue comme quelque chose de
donné une fois pour toutes, mais comme un destin à construire dans la
mobilisation de toutes les forces sociales et de toutes les énergies pour une
Afrique capable de s’inscrire dans le nouvel ordre mondial. Il n’est donc pas
sûr que les valeurs africaines traditionnelles ainsi que les structures
traditionnelles de nos institutions soient les réponses les plus indiquées pour
affronter l’avenir. Le théologien congolais Kä
mana l’a si bien souligné en ces termes : « le combat de l’avenir
devient planétaire. Le mythe de l’identité culturelle racialisée ne peut
convenir à un tel enjeu »[2].
C’est dans cette
perspective que lors de la conférence panafricaine d’Accra en 1977[3], des penseurs chrétiens
africains ont saisi l’occasion de s’interroger sur la méthodologie des approches
des thèmes théologiques. A l’issue de ce colloque, l’option libération
a été retenue comme une nouvelle voie de la réflexion théologique. Il n’est pas sans intérêt de souligner que le communiqué final de
cette conférence précise que la théologie africaine, par rapport à l’avenir
envisagé (la libération), se posera «en théologie en situation, comme une
expérience de lutte contre toutes les formes d’oppression et de ségrégation,
comme un lieu d’engagement d’où toute tendance sexiste est exclue»[4].
En marge de cette conférence, l’Association œcuménique des
théologiens africains (AOTA) a été créée. Cette nouvelle association –
ayant pour objectif principal d’encourager et de resserrer la coopération entre
les théologiens de différentes langues, régions et confessions chrétiennes
d’Afrique et adoptant une méthodologie interdisciplinaire – a donné une
nouvelle voie à la théologie africaine. Divisés en tendances «libérationniste[5]» et «culturaliste[6]», les penseurs chrétiens
africains vont nettement se démarquer de l’approche latino-américaine de la libération en prenant conscience que
les crises religieuses, sociales, politiques et culturelles de l’Afrique ont un
lien avec les crises mondiales. En fait,
cette mobilisation a permis de créer des lieux d’échanges avec d’autres
théologiens du monde en vue de trouver des réponses à la crise d’identité
culturelle de l’homme africain. De même, des penseurs chrétiens africains aussi
illustres que E. Mveng, F. Eboussi
Boulaga, M. Hebga, J.M.
Ela, et O. Bimwenyi pour ne citer qu’eux[7], n’ont cessé de
s’interroger sur de nouvelles orientations théologiques pouvant résoudre cette
crise.
Dans la même optique, plutôt que de parler de la
théologie de libération, Kä Mana[8],
en Afrique francophone, et Jesse Mugambi, en Afrique anglophone vont prôner la
théologie de la reconstruction, ou
encore de la renaissance[9].
Dans le domaine politique aussi, ce thème est devenu important; son grand
promoteur n’est autre que Thabo Mbeki, ancien président de l’Afrique du Sud
depuis 1999[10].
En théologie, en 1998, le thème a dominé les débats du Conseil Oecuménique des Eglises. Plus près de nous, en 2001, une
réunion de la Fraternité Théologique
Africaine a cherché, lors d’une conférence à Grand Bassam, à élaborer une
vision chrétienne de la renaissance africaine. L’enjeu de cette théologie était
de mobiliser les Eglises contre la crise globale qui frappait la société
africaine trente ans après les indépendances.
Le mouvement de la théologie de la reconstruction
a ainsi, en quelques années, changé le paysage de la théologie en Afrique et
fournit aujourd’hui aux communautés chrétiennes une nouvelle grille de lecture
de leur situation et de leurs responsabilités dans la société. Après les grandes
quêtes de l’identité culturelle et le combat pour la libération, ce mouvement
montre qu’il est nécessaire de penser notre présent en termes de nouveaux choix
économiques, politiques, sociaux et culturels à faire et en termes de nouvelles
fondations morales et spirituelles à poser et d’invention de nouvelles
stratégies pour bâtir l’avenir. Sans renier les préoccupations passées, il
s’agit de les intégrer dans la perspective de l’invention du futur, la
reconstruction étant en fait le commencement d’un processus de restructuration
des mentalités et des attitudes. Les enjeux de ce mouvement sont éminemment
missionnaires: l’intégration de l’évangile dans tous les domaines décisifs pour
l’avenir du continent. C’est pourquoi on pense la nouvelle évangélisation en
termes de reconstruction africaine: une reconstruction fondée essentiellement
sur le socle de l’évangile[11].
De cette perspective, les pionniers de la théologie
africaine pensent qu’il faut redéfinir les valeurs culturelles dans un contexte nouveau, et abandonner
les incantations sur l’âme noire. Ecoutons par exemple Messi Metogo qui dit : « La
théologie culturelle cherche les fondements du discours théologique
africain exclusivement dans les valeurs de civilisation de l’Afrique
traditionnelle contenues dans les coutumes, les cosmogonies, les contes, les
devinettes, les proverbes, les épopées, etc. Elle considère ces valeurs comme
une acquisition pour toujours, à l’abri des vicissitudes de l’histoire. C’est
un discours théologique sans prise sur la réalité africaine actuelle, qui
néglige les problèmes économiques et politiques ou déclare qu’ils sont
indissociables des problèmes religieux[12]».
Dans un éditorial de l’hebdomadaire catholique de Kinshasa, Afrique Chrétienne, Louis Kalonji, à
propos d’une vaste campagne de retour aux sources africaines, appelée campagne
d’authenticité, rappelait les conditions d’une véritable authenticité :
Cette
entreprise est bien plus complexe qu’il n’y
paraît à première vue…Notre monde n’étant plus celui de nos ancêtres,
leur conception de la vie ne saurait non plus être la nôtre. Il est important
que nous sachions cela clairement pour que nous ne perdions pas notre temps à
bavarder d’une négritude un peu dépassée…La question n’est pas de brandir des
slogans sur notre originalité mais de bien mettre en œuvre aux yeux du monde
cette originalité et ces valeurs. Nous ne le ferons que si nous sommes autant
sensibles à nos lacunes, à nos faiblesses qu’à nos richesses et à nos
possibilités…Nous ne réussirons pas cela en déterrant les vieilles conceptions
de la vie qui ont fait la faiblesse de nos ancêtres devant la
colonisation…C’est au contraire en cherchant une nouvelle force de vie pour
notre monde de demain[13].
Un autre exemple. De deux récents ouvrages de théologiens
africains de haut niveau, Jean Marc Ela et Bénézet Bujo[14],
il ressort que la pensée chrétienne africaine ne peut se laisser enfermer dans
un système unique; elle doit prendre conscience des limites du système
occidental, et s’ouvrir à d’autres systèmes[15].
Du point de vue épistémologique, ces théologiens africains ont eu le mérite
d’avoir mis en application le principe du pluralisme théologique et d’avoir
montré que « chaque nouvelle génération, chaque nouveau peuple doit repenser
le christianisme à sa façon »[16]. Comme le dit un proverbe
béninois "Quand le rythme du tambour
a changé, les pas du danseur changent". L’objectif est donc de
dénoncer un type de christianisme, une manière de faire la théologie en terre
africaine, de passer d’une attitude négative à la reconnaissance des richesses
contenues dans les différentes cultures humaines.
Autrement dit, l’enjeu de la théologie
chrétienne dans ce nouveau contexte de l’histoire africaine est décisif : il
faut passer de la critique du système de l’Afrique coloniale et néocoloniale à
la tâche concrète de la construction de l’Afrique postcoloniale. Aux
philosophies de l’authenticité, de l’identité culturelle viennent se joindre
désormais des préoccupations nouvelles, celles de démocratie, de liberté, de
paix véritable, de justice et de droits de l’homme comme conditions pour la
construction d’une Afrique nouvelle, la promotion de son développement
économique et l’amélioration de ses structures sociales et culturelles dans le
contexte mondialisé d’aujourd’hui. Le décor est ainsi planté pour le
développement résolu d’une théologie africaine moderne. Il s’agit donc d’admettre
que la pluralité des cultures implique une pluralité de théologies, ce qui
signifie pour les Eglises d’Afrique un adieu à une théologie à dimension
monophonique. Ainsi, la foi chrétienne doit être repensée, reformulée et vécue
sous une forme nouvelle dans le vécu de l’homme africain.
Fort de ce
qui précède, David Bosch spécialiste sud
africain de la mission, a raison d’affirmer que « toutes les théologies, y
compris celles de l’occident, ont besoin les unes des autres ; elles
s’influencent, se mettent en question, s’enrichissent et se vivifient
mutuellement et cela peut avoir le gros avantage pour les théologies occidentales
de les libérer de leur " captivité babylonienne" séculaire[17] ».
De même, l’Eglise africaine a besoin d’un « échange de théologies »,
impliquant qu’elle doit vivre au quotidien la coexistence avec des adeptes
d’autres religions. Le voyage à sens unique, monologique, est terminé, de même
que le militantisme sous toutes ses formes[18].
Il s’agit d’en finir avec ce nouvel impérialisme théologique qui consiste à
universaliser sa propre position théologique, à prétendre qu’elle est
applicable à tout le monde et à exiger que les autres s’y soumettent[19].
Si la théologie occidentale n’est pas exempte de cette tendance, les théologies
contextuelles du tiers-monde, y compris la théologie africaine, ne le sont pas
non plus[20].
Cela dit, en
dépit du caractère pragmatique de ces diverses réflexions théologiques évoquées
plus haut, le christianisme africain imbu de l’héritage missionnaire, s’adapte de façon très contrastée aux différentes
mutations qu’il subit. Citons un exemple. En même temps que grandit l'intérêt
pour les autres religions et les autres cultures, les Eglises catholiques en
Afrique font entendre de plus en plus souvent des mises-en-garde, des
avertissements, voire des protestations qui expriment réticences, réserves, qui
signalent les dangers d'une trop grande ouverture. Du côté protestant, se manifestent
de fortes méfiances dans les églises réformées, méthodistes et luthériennes,
tandis que dénonciations et condamnations prédominent dans les mouvements évangéliques,
baptistes et pentecôtistes.
Toutes ces
circonstances font que l’Eglise africaine d’aujourd’hui affronte des défis
absolument sans précédent. Il règne encore beaucoup de confusion et d’incertitude
dans ses expressions théologiques et à l’heure actuelle de la mondialisation,
il reste encore bien du terrain à défricher. C’est dire que l’Eglise africaine
est aujourd’hui dans un état d’impréparation totale face aux défis
multiculturel et interreligieux. En conséquence, nous assistons aujourd’hui à
des conflits interethniques ou interreligieux dans certains pays africains tels
que le Nigéria et la Centrafrique, à des génocides au Rwanda, au Burundi, au
Congo démocratique et en Côte d’ivoire et à des frustrations de toutes sortes
liées aux événements violents. Selon le théologien rwandais T. Gatwa, les Eglises au Rwanda ont montré
leur incapacité à dépasser en leur propre sein les problèmes ethniques, ce qui
les rend incapables d’apporter en cette matière une réponse de société. Expliquant
les événements tragiques du Rwanda et Burundi, une note spéciale de l’organisme
Pro mundi vita rapporte :
Si nous considérons la masse des chrétiens, il
faut constater que beaucoup parmi les rebelles, comme parmi ceux qui exercèrent
la répression et les représailles, comme les grands leaders du pays sont des
baptisés. Et un bon nombre sont des baptisés pratiquants. Très peu se sont
conduits en chrétiens. Nous ne portons pas ici de jugement sur la culpabilité
subjective. La peur de l’autre et l’instinct de conservation ont joué un grand
rôle chez beaucoup. Il n’y avait pas seulement le meurtre, la violence, la
cruauté parfois bestiale ; il y avait le vol et la spoliation sur grande
échelle ; l’abandon des veuves et des enfants, les calomnies mortelles,
les mensonges et les tromperies éhontées. Mais à côté de ces rebelles et de ces
vengeurs, il y avait la grande masse des chrétiens qui n’ont trempé ni dans la
révolte ni dans la répression injuste. Chez beaucoup parmi eux cependant s’est
fixée au fond du cœur une haine profonde, une amertume, un découragement
morose, ou du moins une insécurité vis-à-vis de tout homme de l’autre groupe ethnique
mais aussi vis-à-vis de ceux de son propre groupe…[21].
Au regard de
ce tableau sombre, T. Gatwa souligne que les Eglises au Rwanda ont failli à leur mission et ne sont plus en mesure de
prononcer une parole prophétique tant qu’elles ne feront pas la vérité sur
elles-mêmes. Sans être vouée aux gémonies, en d'autres termes, l’Eglise est mise devant sa
responsabilité historique qui, dans les faits, est grande. Sans la condamner, Gatwa incite ainsi l’Eglise au Rwanda à une prise de conscience pour qu’elle
joue pleinement son rôle de lumière des nations. De même, Duncan Forrester
dénonce les relations ambigües entre l'Eglise/Pouvoir et préconise des précautions nécessaires à prendre lorsque les responsables
chrétiens fréquentent régulièrement le pouvoir politique. Il écrit avec raison que : « Le
théologien devrait être proches des puissants et des experts, mais ne pas se
sentir "chez lui" parmi eux ; familier avec les corridors du
pouvoir, mais sans y être à l’aise. Parce que la théologie, c’est à la fois
dire la vérité au pouvoir, et être la voix des sans-voix et des marginalisés,
des victimes qui en dernier ressort ont une place spéciale dans le royaume de
Dieu[22] ».
Cette remarque dénonce l’absence de défi théologique vis-à-vis du système
politique, culturel ou socio-économique et est perçue comme résultant de
l’absence de pensée théologique mûre au sein du christianisme africain. En
effet, l’Eglise africaine n’apparaît plus aujourd’hui comme un guide moral
d’une nation multiculturelle mais comme un support servile du pouvoir politique.
En effet, la
longue et difficile marche vers la prise de conscience du multiculturalisme et
du dialogue interreligieux interpelle les chrétiens d’Afrique subsaharienne à
militer fortement en faveur d’un dialogue interreligieux. Mais au-delà de cette interpellation, il y a l’urgence de
reconnaître, aujourd’hui, que parler de l’inculturation,
de reconstruction, de renaissance n’aura de sens pour le
chrétien africain que lorsque la mise en valeur de ces concepts viendra le
rencontrer dans son vécu. Car, dans plusieurs pays africains, l’Eglise a mis
l’accent sur des célébrations liturgiques, culturelles et folkloriques, mais à
la suite de ces authentiques cérémonies, rien n’a vraiment changé dans la vie
des africains. C’est-à- dire que l’Evangile n’a pas atteint en profondeur les
autres dimensions de la vie du peuple. Et beaucoup de problèmes restent sans
solution. Il s’agit donc d’enraciner l’Evangile au cœur des conditions sociales
et culturelles. Autrement dit, pour ne parler que de l’Afrique sub-saharienne,
l’inculturation doit, au point de vue
théologique, dire pour qui et pour quoi l’on fait de la théologie et
l’on construit l’Eglise. Elle doit donc toucher aussi bien l’ensemble
d’institutions politiques, économiques et socioculturelles que les anti-valeurs
sociales et les ambiguïtés religieuses qui ne cessent de ruiner les espérances
des africains. En d’autres mots, « le principe de l’incarnation de
l’évangile ou inculturation du message va bien au-delà de l’habillement, des
gestes, de la musique et de l’architecture qui sont des symboles culturels.
Sans doute, leur importance dans le culte et la liturgie est indéniable. Mais,
ce que les Eglises d’Afrique veulent, c’est d’abord leur identité propre
affermie à partir de la proclamation de l’événement du salut en Christ et dans
la vie de son Eglise »[23].
Ainsi, l’inculturation n’est pas, me
semble-t-il, avant tout que chant, musique, danse autour de l’autel ; il y
a d’abord autre chose, et de bien supérieur à la liturgie en valeur : un
langage de la foi, une interprétation personnelle de la parole divine dans le
vécu de l’homme africain. Une telle expression doit aider le chrétien africain à réaliser quotidiennement
que Dieu n’est pas le Dieu de l’abstrait, fruit d’une laborieuse imagination. L’observateur
sympathique que j’essaie d’être, affirme que la théologie africaine ne doit pas
être retombée dans l’abstraction qu’elle dénonçait dans la théologie
occidentale. Elle ne doit pas s’élaborer loin de la vie des africains. Elle
doit devenir davantage la théologie qui s’éprouve à travers l’effort d’un
peuple aux prises avec les réalités d’aujourd’hui. Car, l’Eglise africaine a
besoin d’une théologie libératrice qui s’exerce dans une réalité concrète. Il
faut donc trouver une nouvelle expression de foi qui s’accorde avec la réalité
d’un monde en gestation, qui l’éclaire et lui donne son sens. De ce fait, les
différents courants théologiques en Afrique se doivent de prendre conscience de
vivre à une époque de profonde mutation entraînant tout un ensemble de
conséquences au niveau de la vie des personnes et des groupes qui ont misé leur
vie sur le témoignage de l’évangile. En effet, l’enjeu décisif de la théologie
africaine d’aujourd’hui peut donc se formuler ainsi : comment l’Evangile
peut-il pénétrer plus profondément la vie des peuples d’Afrique, la vie
culturelle, la vie religieuse mais aussi la vie sociale, la vie politique, la
vie économique ?
Répondre à
cette question, c’est l’affirmation fondamentale du Nouveau testament selon
laquelle « en Jésus-Christ, vous êtes tous fils de Dieu par la foi…Il n’y
a plus ni juif ni grec…car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ
Jésus » (Gal 3.26-28)[24].
A cet effet, le théologien doit se décentrer
de lui-même et de sa propre tradition religieuse, théologique ou culturelle. En
rapport avec la même problématique, mais dans le domaine plus précis du
dialogue interreligieux, J. Depuis soutient que le dialogue vrai, authentique,
est un enrichissement mutuel entre la tradition chrétienne et les autres
traditions religieuses. La collaboration et le dialogue ne sont possibles que
si toutes les traditions religieuses travaillent à la reconstruction de la
paix :
Le monde
pluriethnique, pluriculturel et plurireligieux du temps présent exige
toutefois, de tous côtés, un saut de qualité proportionné à la situation, si
nous voulons à l’avenir des rapports mutuels ouverts et positifs entre les
peuples, entre les cultures et les religions du monde, c’est-à-dire des rapports
de dialogue et de collaboration, en un mot, de rencontre, au lieu de
confrontation d’un passé désormais révolu… Ce dont il s’agit c’est d’une
conversion des uns vers les autres qui puisse ouvrir la voie à des rapports
sincères et féconds. Il ne faudrait rien de moins qu’une réelle conversion des
personnes pour réaliser une paix authentique entre les religions du monde,
condition nécessaire et essentielle de la paix entre les peuples[25].
A nous d’y
substituer, la rencontre pour le dialogue des chrétiens et les adeptes d’autres
religions est une nécessité inéluctable pour la paix en Afrique.
1.2.
Le
dialogue interreligieux comme élément régulateur en Afrique noire
Car, en
Afrique, le dialogue a été souvent une affaire de famille. Des personnes
appartenant à de diverses religions, vivaient ensemble dans la même famille. En
outre, dans une vraie famille africaine, les joies, les difficultés et les
épreuves étaient partagées dans un dialogue confiant. Ceci offrait déjà un terrain
favorable au dialogue interreligieux. D’ailleurs, l’expérience de dialogue
entre les religions relèvait du quotidien en Afrique, dans tous les domaines et à
tous les niveaux, malgré quelques conflits dans certains pays. La plupart des
cas, chrétiens, animistes et musulmans vivaient et travaillaient ensemble. C’est
dire qu’en Afrique, la religion n’était pas une chose à part, séparée des autres
activités de l’existence. C’était un style de vie.
Le
dialogue se basait sur la vie et sur la solidarité. Ainsi, chaque personne
exprimait les idéaux de sa religion : avoir l’amour du prochain, être
honnête, partager avec ceux qui sont en difficulté, mettre ses biens au service
de la communauté, contribuer aux prises de décisions pour le bien-être social,
etc. La tradition africaine offrait ainsi un contexte socioculturel qui donnait aux
animistes, aux chrétiens et aux musulmans l’opportunité de se comprendre et de
vivre ensemble.
Le dialogue est en effet un véhicule nécessaire dans l’éducation, dans la gestion publique, dans la lutte contre la pauvreté et pour instaurer le sens moral dans la vie publique et privée. Dans sa capacité de dialoguer, l'Afrique s’ouvre aujourd’hui à tous les courants d'opinion et, avec la mondialisation, ces courants semblent converger vers une Afrique sortie de l'indifférence et devenue un acteur à part entière sur la scène internationale. En fait, la RTA, l’Islam et le Christianisme, constituent l’héritage religieux de l’Afrique auquel se sont ajoutées d’autres religions entres autre les religions orientales. Cette pluralité religieuse croissante traduit le fait que l’africain a une identité plurielle. C’est aussi dire que l’Afrique est un continent religieux, de même que son peuple. En effet, le dialogue interreligieux fait partie intégrante de la condition humaine, il est un chemin de grandeur humaine et du bonheur des hommes et il est urgent de l’entreprendre et de l’étendre face au besoin de l’Afrique de réconciliation, de justice et de paix.
Le dialogue est en effet un véhicule nécessaire dans l’éducation, dans la gestion publique, dans la lutte contre la pauvreté et pour instaurer le sens moral dans la vie publique et privée. Dans sa capacité de dialoguer, l'Afrique s’ouvre aujourd’hui à tous les courants d'opinion et, avec la mondialisation, ces courants semblent converger vers une Afrique sortie de l'indifférence et devenue un acteur à part entière sur la scène internationale. En fait, la RTA, l’Islam et le Christianisme, constituent l’héritage religieux de l’Afrique auquel se sont ajoutées d’autres religions entres autre les religions orientales. Cette pluralité religieuse croissante traduit le fait que l’africain a une identité plurielle. C’est aussi dire que l’Afrique est un continent religieux, de même que son peuple. En effet, le dialogue interreligieux fait partie intégrante de la condition humaine, il est un chemin de grandeur humaine et du bonheur des hommes et il est urgent de l’entreprendre et de l’étendre face au besoin de l’Afrique de réconciliation, de justice et de paix.
Ainsi,
sur le plan politique, le dialogue interreligieux en Afrique a toujours été un
moyen privilégié pour promouvoir la coexistence sociale. En tant que vecteur
puissant de la cohésion sociale, ce dialogue est au service de la
réconciliation, de la justice et de la paix. A l’évidence, des manifestations
interreligieuses sont parfois organisées par les instances politiques ou religieuses
comme une contribution à la consolidation de la paix[26].
Souvent, l’engagement chrétien dans de telles célébrations dépend du contexte
politique, de l’attitude des autres et des options théologiques. Il peut s’agir
aussi de l’invitation d’une communauté par une autre. Il peut s’agir d’une
célébration préparée et organisée en commun, avec des prières consécutives ou
simultanées, par exemple pour la paix ou
pour la réconciliation. Dans de telles célébrations, les adeptes des
différentes religions se retrouvent pour prier en même temps, dans un même
lieu. La rencontre de cette nature revêt une double fonction : d’une part,
elle est signe du respect de foi de
l’autre et l’expression d’un souci commun pour des problèmes préoccupant la
société, pour un événement tragique affectant chacune et chacun dans son âme ou
pour une célébration de reconnaissance de toute une population. D’autre part,
cela peut être une contribution importante à la réconciliation : on s’accepte
mutuellement pour prier ensemble dans un même lieu malgré les différences dans
les accents théologiques. Il y a également des occasions plus intimes et peut
être plus authentiques encore, où prier ensemble est l’occasion de partager des
soucis, des deuils, des joies et d’espoirs[27].
Notons aussi l’organisation des concerts interreligieux qui s’inscrivent dans
la stratégie de rapprochement et dynamisation des différentes religions. De
fois, des émissions radiodiffusées sur les thématiques du dialogue
interreligieux sont organisées.
En ce qui concerne les rapports
islamo-chrétiens, ils sont apparemment bons dans la plupart des pays africains, et les
conflits sont parfois une exception. Mais, il importe d’abord de distinguer trois
types de présence musulmane en Afrique subsaharienne : les pays où l’Islam
est fortement majoritaire (Sénégal, Niger, Nigéria, Tchad…) ; les pays où
la communauté est assez considérable, parfois en nombre équivalent ou
légèrement supérieur à la communauté chrétienne (Burkina Faso, Cameroun, Côte
d’ivoire, Tanzanie…) ; les pays où les musulmans représentent une minorité
quantitativement négligeable (Gabon, Centrafrique, Congo Brazzaville, Congo
démocratique, Rwanda, etc…). De plus, il serait difficile de donner une
définition à l’Islam africain. Car, il y a différentes sortes d’Islam en
Afrique. Il faut à cet effet une approche différenciée pour chaque situation. Dans
l’ensemble, le christianisme et l’Islam sont deux religions qui sont
généralement familières, particulièrement là où les deux croyances coexistent
dans le même groupe ethnique, ou encore à l’intérieur du même cercle familial[28].
C’est dire qu’il n’y a pas de lourd
contentieux entre le christianisme et l’Islam : les rivalités ne se sont
jamais dégénérées en croisades organisées. Ainsi, l’islam populaire et la convivialité
africaine favorisent un dialogue de vie qui ne tient pas compte de
l’appartenance religieuse et qui laisse entendre que toutes les religions se
valent[29].
Il se traduit dans les liens d’entraide et de solidarité entretenus dans la vie
quotidienne. En fait, des initiatives communes sont souvent prises au niveau
local pour des intérêts généraux : par exemple, élaborer des projets pour
le bien-être social, resserrer les liens qui unissent les membres de la
communauté, retrouver la communion avec les ancêtres, etc.
Toutefois, par souci de vérité et d’objectivité,
il ne serait pas honnête de fermer les yeux sur les nombreux cas de difficultés
réelles et sérieuses dans la pratique de ces relations au niveau national ou
continental. Ce dialogue de vie ne fait pas disparaître la méfiance et les
rivalités entre les deux religions. La plupart du temps, les difficultés
trouvent leur origine dans des influences venant de l’extérieur ou dans la
manière dont on stigmatise l’islam. Les attentats du 11 Septembre 2001, par
exemple, font craindre à certains que tout dialogue avec l’islam soit
impossible. Pour preuve, en mai 2011 en Centrafrique, un soulèvement populaire à Bangui, suscité par
le meurtre de deux enfants, n’eut pas seulement pour cible l’auteur présumé,
mais aussi la communauté musulmane. Les musulmans furent accusés de s’être
ligués avec une bande de ravisseurs d’enfants impliqués dans des rituels
sanguinaires pour l’enrichissement facile. Cet incident a pu préparer un terreau fertile aux conflits interreligieux. Car, certains dirigeants politiques
et groupes partisans musulmans ou chrétiens ne cessent de manipuler aujourd’hui les sentiments religieux afin d'atteindre leurs objectifs.
Par ailleurs, nul ne peut ignorer le "radicalisme évangélique" se caractérisant par des
enseignements bibliques qui sont dispensés par les Eglises missionnaires. Celles-ci présentent le
christianisme comme exclusif, supérieur, définitif, normatif et absolu, et considéré souvent comme la
seule religion bénéficiant du droit divin d’exister et de se propager[30].
A cet effet, les prédicateurs d’Evangile stigmatisent d'autres religions et jettent assez souvent l’anathème sur les
positions théologiques, la légitimité et la valeur de l’islam. Pour eux, cette
religion est le principal ennemi du christianisme, une menace qui devrait être
anéantie avant qu’il ne provoque l’anéantissement de l’Eglise. A l’inverse, dans d'autres pays musulmans, l’islam est animé par une intolérance qui n’hésite pas
à aller jusqu’aux meurtres ou aux massacres des chrétiens. En effet, dans ces
pays hostiles aux communautés chrétiennes, les chrétiens sont souvent
considérés comme des citoyens de second ordre. D’une manière générale, cette
conception a souvent remis en cause le dialogue interreligieux. Malgré de
nombreux efforts, parfois concertés, entre chrétiens et musulmans pour aboutir
à une entente nouvelle, le dialogue s’est souvent heurté aux résistances et aux
hésitations. C’est dire qu’aujourd’hui, en Afrique, le dialogue entre le
christianisme et l’Islam est de fois réduit à une activité intellectuelle se
déroulant seulement entre les quatre murs d’une salle de conférence, à un débat
théologique où les adeptes de différentes religions tentent de démontrer une
vérité religieuse au détriment d’une autre.
Un autre point
concerne le dialogue avec les religions traditionnelles africaines. Il convient
de rappeler que les RTA jouent un rôle capital et donnent un sens et un but à
la vie des africains. Les croyances sont familiales, tribales ou régionales. La
religion se définit par un souci d’ordre et d’harmonie, et par une grande
passion pour la vie. Ainsi, la croyance
à une multitude d’esprits ou de divinités influence et affecte profondément la
vie et la survie des peuples africains. Et comme on peut le constater, les
croyances traditionnelles font partie intégrante de l’identité des peuples
africains. Elles laissent entrevoir une certaine force et une certaine unité
qui démontrent la capacité de l’homme africain en quête du sens de la vie et de
la foi. Dans ce cas, une question se pose : le christianisme peut-il
engager le dialogue avec les religions traditionnelles africaines pour que le
Christ se sente chez lui dans les sociétés africaines et que son Evangile
apporte le salut à l’Afrique entière ? La réponse est mitigée pour deux
raisons :
D’abord, la religion traditionnelle
africaine est souvent considérée comme un polythéisme ténébreux, issu de
l’imagination aussi fertile que délirante de « populations primitives
vivant dans l’angoisse et l’obscurité de l’ignorance et de l’erreur ».
Ensuite, on considère le christianisme comme la seule vraie religion parce que
la seule compatible avec la raison et par conséquent la seule capable de
promouvoir une véritable civilisation. Cette conception résulte de la hiérarchisation
des religions selon laquelle les religions traditionnelles n’ont pas de
fondateurs, sont primitives et ethniques tandis que le christianisme est une religion révélée, historique, porteur de civilisation et
appelé à un destin universel[31].
C’est ainsi qu’on s’est préoccupé uniquement d’établir la liste exhaustive des
dérives culturelles des RTA telles que : l’immoralité, la polygamie,
l’idolâtrie, la sorcellerie, la divination sans savoir que la religion
traditionnelle africaine recèle aussi un immense trésor de ressources
anthropologiques, religieuses ou spirituelles. Malgré tout, le chrétien
africain ne s’empêche pas de croire en la sorcellerie, aux mauvais esprits, aux
sacrifices pour les ancêtres, aux guérisseurs traditionnels, à la réincarnation
et à d’autres éléments appartenant aux religions traditionnelles africaines[32].
Alors que les églises occidentales nient l’existence de forces mauvaises comme
la sorcellerie et l’envoûtement, les églises africaines reconnaissent et
assurent une protection chrétienne contre ces puissances négatives en croyant profondément
que Jésus peut réellement guérir et protéger.
Tel peut être le christianisme africain rencontré dans la réalité
africaine[33].
Mais, bien qu’il
y ait de nombreux points de contact valables entre la RTA et le message de la
Bible, on constate aussi l’inconsistance entre l’enseignement biblique et sa
pratique. Par exemple, les chrétiens entendent souvent leur pasteur leur dire
que la religion traditionnelle et ses pratiques relèvent du diable et que la
Bible veut qu’ils abandonnent ces pratiques diaboliques. Pourtant, ces croyants
savent très bien que le pasteur qui, du haut de la chaire de prédication, renie
la puissance des esprits maléfiques, a, en réalité très peur de ces forces spirituelles
actives dans son vécu. Ce genre de prédication a donné, parmi les chrétiens
africains, l’impression que leur foi a très peu de rapport avec leur vie
quotidienne. Une vieille mère a résumé tous ces faits en disant à son fils
pasteur : « le
christianisme, c’est croire, mais non vivre ». C’est ainsi que pour
justifier cette vie de duplicité, certains soutiennent qu’un grand nombre de
rituels, d’amulettes et même de dieux de leur propre culture ne sont pas
vraiment mauvais.La rhétorique classique consiste à dire : "je ne commets pas de meurtre mais je me protège. Car, Dieu a dit: "qui se protège, je le protège". Ce renvoi au Dieu-protecteur justifie ces moyens de protection peu orthodoxes.
Finalement, les
chrétiens africains entendent leurs dirigeants n’exprimer que
deux points de vue. D’une part, il y a ceux qui disent que tout ce qui peut
aider l’homme d’une manière quelconque doit être bon. D’autre part,
il y a ceux qui disent que tout ce qui relève de la culture traditionnelle fait partie du
culte païen et est, par conséquent, quelque chose de mal.
Au regard de ce qui précède, force est de se dire que les Eglises africaines ont encore
beaucoup de chemin à faire aujourd’hui, notamment dans le domaine du dialogue
avec les autres religions. La mention de ce déficit me donne l’occasion d’évoquer
ici quelques défis lancés à nos églises.
Partie
II : Les défis actuels
2.1. Les écueils de l’héritage missionnaire
Mues
par un paternalisme certes bien intentionné, les missions occidentales ont créé
des conditions et imposé des normes de vie ecclésiale qui ont effectivement empêché
les jeunes Eglises africaines de parvenir à la maturité souhaitée. Les sociétés
missionnaires ont ainsi conduit bon gré mal gré les jeunes Eglises africaines à
se sentir désarmées face aux défis d’aujourd’hui. L’histoire nous enseigne que
la théologie missionnaire d’alors avait prévalu une conception statique de
l’Eglise ; le monde en dehors de l’Eglise était perçu comme une puissance
hostile. En tentant d’imposer une tradition théologique toute faite, par l’enseignement
catéchétique ou par des programmes des facultés de théologie ou des instituts
bibliques, les missionnaires sont parvenus à enseigner qu’il n’y avait que
l’Eglise, pas de monde. Autrement dit, l’Eglise était un monde en elle-même. En
dehors de l’Eglise, il n’y avait que de fausses religions. En d’autres termes, on
identifiait le royaume de Dieu (ou le sacré) à l’Eglise avant tout et l’on
considérait que le reste de la vie était une réalité séculière, profane. Le
monde était ainsi considéré non comme un défi, mais comme un obstacle. Ce qui
correspondait au repli de l’Eglise sur elle-même tout en développant un esprit
de jugement à l’égard de tous ceux qui ne partageaient pas son point de vue jusque
dans les moindres détails. Ainsi, la vie chrétienne n’était définie qu’en
termes microéthiques tels que la pratique religieuse régulière, l’abstinence
d’alcool et de tabac, la lecture de la Bible et la prière quotidienne. Cela
n’avait que des conséquences profondes pour l’Eglise. Les bons chrétiens
étaient (et sont encore souvent) définis comme ceux qui vont régulièrement à
l’Eglise et les gens qui sont à l’extérieur de la communauté, qu’ils
appartiennent à d’autres sensibilités religieuses ou non, sont des
« proies » à gagner.
Les
missionnaires, marqués pour la plupart par des doctrines conservatrices et
anti-œcuméniques ont été conduit en effet à une double erreur : premièrement, tout en voulant proposer
le message du Christ, ils imposaient en même temps une conception du monde, un
système de valeurs et de coutumes, propre à l’occident, mais qu’ils
identifiaient avec la seule civilisation valable[34].
Dès lors, ils ont laissé ce sentiment de supériorité qui caractérise l’Eglise
dans son rapport aux autres religions aujourd’hui. Deuxièmement, le
christianisme est arrivé divisé en Afrique alors que la société africaine
elle-même était relativement unie. Ceci a eu un impact négatif auprès d’une
population qui avait besoin d’exemples d’unité et d’amour.
Toutefois,
nous affirmons que les missionnaires ne sont pas les seuls responsables de tous
ces écueils évoqués plus haut, mais ils n’ont pas su mettre en place dès le
début un processus de dialogue avec les autres religions, notamment la Religion
traditionnelle africaine qui représente les racines religieuses et spirituelles
communes à tous les africains. En conséquence, il semble que jusqu’à présent
l’Eglise africaine n’ait pas engagé avec la Religion traditionnelle africaine
un dialogue dans un cadre formel. Pourtant, la religion traditionnelle
africaine mérite d’être considérée comme un partenaire nécessaire dans le
dialogue comme toute autre Religion mondiale organisée. Car, son extrême
tolérance a déjà permis la coexistence dans une même famille ou dans une même
communauté d’adeptes de plusieurs religions : adeptes de la religion
traditionnelle, protestants, catholique, musulmans. Il en résulte un dialogue
de vie informel et non verbal, sur la base d’une convivialité ou l’appartenance
à la même famille, à la même couche sociale, la recherche des solutions aux
problèmes de la communauté l’emporte sur les cloisonnements religieux[35].
2.2. Le poids des
églises « indépendantes » et des mouvements pentecôtistes
L’autre
problème spécifique à l’Afrique provient de la prolifération des Eglises dites
« indépendantes », appelées tantôt sectes ou groupes syncrétistes,
tantôt Eglises séparatistes ou dissidentes, tantôt encore mouvements messianiques ou prophétiques. Elles se démarquent des
Eglises missionnaires par une plus grande adaptation aux réalités et à la
sensibilité africaines, par une réhabilitation de l’Ancien Testament dans le
culte et dans la morale, par une sobriété et une souplesse dans l’énoncé
dogmatique, par une indépendance vis-à-vis des Eglises occidentales[36].
Parmi elles, il y a l’Eglise kimbanguiste fondée par Simon Kibangu au Congo
démocratique (dont le nom officiel est " l’Eglise de Jésus-Christ sur la terre par le prophète Simon Kimbangu")[37].
Sur un certain nombre de points
importants, ces églises interpellent vigoureusement les Eglises missionnaires
d’Afrique, du simple fait qu’elles ne cessent d’attirer les chrétiens
catholiques et protestants déçus ou défaits par un christianisme ayant pris des
formes aliénantes. Elles ont particulièrement une volonté d’africanisation se
manifestant par un messianisme attribué au fondateur vénéré comme un envoyé de
Dieu, investi de la mission d’apporter le salut aux noirs dans un contexte
historique précis[38].
Toutefois, ces églises surgies du génie africain, même si elles recèlent encore
des ambiguïtés et des limites, elles semblent répondre partiellement aux
aspirations profondes de l’Africain d’aujourd’hui en adoptant, comme nous
l’avons déjà dit, un certain nombre de
mythes, de croyances et d’attitudes venus des religions traditionnelles.
Cette
brève analyse des Eglises dites « indépendantes » serait incomplète
sans la mention d’un autre courant qu’on aurait bien tort de ne pas considérer
comme un défi dans les contextes multiculturel et interreligieux en Afrique :
le mouvement pentecôtiste. Le christianisme pentecôtiste s’avère aujourd’hui
être un mouvement qui repose sur la « conversion individuelle » et qui
donne aux adeptes l’impression d’avoir trouvé un sens nouveau à leur vie. A
travers la conversion, naît un individualisme vécu sous le mode de
l’authenticité. Dans un monde de consommation de masse, la conversion est un
moment de rupture dans la vie du « croyant ». A cet égard, les
pentecôtistes opposent à un mode de vie communautaire jugé corrompu un nouvel
esprit faisant référence à une nouvelle éthique soulignant l’importance de la
« sainteté » et de la « droiture », exigeant de se retirer
du « monde », de rompre avec un passé immoral et de casser toute
relation avec des non-croyants[39].
Ainsi, ils s’opposent alors au reste de
la société, aux anciennes formes de solidarité sociale et aux valeurs perçues
comme dominantes dans les Eglises jugées plus
conventionnelles. Le projet pentecôtiste africain se donne en effet le
défi d’apporter de l’ordre à un univers moral, matériel et culturel chaotique. Ce
projet exige une critique explicite des Eglises issues des missions, du passé
colonial et postcolonial ainsi que des pratiques culturelles locales réunies
sous la catégorie de « traditions ». La diabolisation des autres
religions est au cœur du message de conversion et de son succès, comme l’est
aussi la déconstruction des formes anciennes de sociabilité et de solidarité. Dans
la doctrine pentecôtiste, la division manichéenne entre les sauvés et les
incrédules, entre identification au Christ et identification à Satan, trouve sa
traduction dans le rejet des autres confessions religieuses, des pratiques
culturelles et sociales et simultanément dans la libération de celles-ci. Ainsi,
on ne peut que souligner le caractère exclusif du pentecôtisme africain. Si les
Eglises missionnaires acceptent de communiquer parfois avec d’autres formes
religieuses, les pentecôtistes préconisent une séparation radicale d’avec toute
autre confession religieuse. A cet égard, le pentecôtisme africain se présente
comme porteur d’une modernité de rupture et de rationalisation. Les
pentecôtistes revendiquent, par opposition aux églises des missions qu’ils
considèrent comme des églises « mortes » ou « charnelles »,
le statut exclusif de vrais chrétiens en raison disent-ils de la manifestation
du Saint-Esprit dans leur communauté. Ainsi, animés par la certitude d’être
plus spirituels que telle ou telle autre confession religieuse et hantés par le
souci de préserver cette pureté ou cette sainteté, ils se mettent à l’écart du
reste des autres églises chrétiennes.
Partie
III : Perspectives d’avenir
Au terme de cette modeste
communication, une double question se présente : Quelle mission pour l’Eglise
africaine dans une société multiculturelle ? Comment affirmer une vérité
chrétienne dans un univers de pluralité religieuse ? Il nous semble que
des éléments de réponse pourraient être donnés dans un certain nombre de
domaines.
3.1
En matière d’expression théologique, le projet d’une théologie africaine doit
se poursuivre avec dynamisme et un engagement soutenu, tout en respectant les principes
de compatibilité avec l’Evangile et de communion avec l’Eglise universelle. De
nouveaux horizons s’ouvriraient si plus d’efforts étaient fournis pour enseigner
la théologie indiquant les thèmes d’étude en lien avec le contexte africain.
Ainsi, le programme de formation doit insister sur la théologie de
l’inculturation, la spiritualité africaine, l’anthropologie africaine,
l’analyse théologique et les guérisons en Afrique.
3.2.
Dans certaines situations de crises, l’Eglise a souvent été considérée comme
l’une des rares institutions auxquelles la population pouvait faire confiance[40].
Elle peut représenter une force d’espérance, si l’évangélisation prend réellement
en compte la vie des peuples dans un travail d’inculturation qui se saisit de
tous les aspects de la vie et si l’annonce de l’Evangile se fait dans un
dialogue avec les autres Eglises chrétiennes mais aussi avec les religions
traditionnelles africaines et avec l’islam. Cela permet ainsi aux Eglises africaines de
dépasser les conflits tribaux, d’éviter les exclusions mutuelles parmi les
différents clans et d’approfondir leur lien communautaire à la lumière de
l’Evangile[41].
3.3.
En outre, il convient de promouvoir une
formation biblique complète des catéchistes et des laïcs en général. Car,
engagés dans le quotidien aux côtés de leurs frères et sœurs, les laïcs
témoignent de la possibilité du renouvellement de la personne humaine et de la
société africaine par le Ressuscité. Par leur présence, par leur témoignage
quotidien (gestes, paroles, écrits…), ils enracinent l’Evangile dans la
société, ses structures, ses valeurs et leur donne un souffle évangélique. Ils
sont les véritables responsables de l’enracinement du message chrétien en
terres d’Afrique. La formation théologique et biblique des laïcs les amène à
éviter des tentations fondamentaliste ou concordiste. Il s’agit d’une formation
qui permet d’entrer en dialogue avec la société ambiante. Comme le relève
A. Quenum :
Les
diverses peurs qui paralysent les Africains, les tétanisent, inhibent leur sens
de la créativité et créent un espace de méfiance entre les individus et les
groupes sont les manifestations d’une forme de pauvreté à combattre autrement
que par les exorcismes. On ne peut édifier une société d’équilibre
psychologique et de paix en voyant le diable partout. On ne peut davantage
réduire la mission chrétienne d’évangélisation à un vaste champ de chasse au
diable, comme on le constate aujourd’hui. Une société qui passe son temps à
faire la chasse au démon partout est une société qui ne pourra
"chasser" de ses demeures les vraies causes de ses misères humaines
et spirituelles[42].
Dans
cette perspective, la formation biblique et théologique est une responsabilité
existentielle, compromettante, vivifiante. Il s’agit de susciter la
responsabilité créatrice et œcuménique de l’ensemble du peuple de Dieu pour
l’engendrement d’une Afrique nouvelle.
3.4.
En ce qui concerne le dialogue entre chrétiens et musulmans, les chrétiens sont
invités à pratiquer avec eux un dialogue de vie dans le domaine de la famille,
du travail, de l’école, et de la vie publique, de manière à promouvoir les
relations d’une société juste où un vrai pluralisme garantit toute liberté et
spécialement la liberté religieuse. Cela suppose la liberté des personnes en
public, comme aussi la liberté de changer de religion, de se réunir pour
l’exercice du culte commun, d’ériger des structures en conséquence, d’agir
aussi en matière d’éducation et de charité. Pour favoriser un tel propos, il
est souhaitable que soient créés des commissions et des instituts
interreligieux au niveau local, régional ou national ; qu’ils soient aptes
à former, à être informés sur l’évolution positive du dialogue interreligieux,
dans le respect réciproque des valeurs spirituelles de chaque interlocuteur.
CONCLUSION
En somme, comme l’écrit Georges
Casalis, la chose la plus importante pour les théologiens et ceux qui
réfléchissent sur la foi « n’est pas l’élaboration de théories nouvelles,
fussent-elles révolutionnaires, mais l’aptitude à analyser des situations
concrètes, ecclésiales et humaines, le contexte social donnant à l’ecclésial sa
vraie dimension, et à risquer la mise en référence de l’analyse avec l’Evangile. Seule la
réflexion à partir du vécu, élucidé, compris, assumé, peut donner naissance à
une réflexion théologique enracinée dans la réalité et apte, par conséquent, à
devenir une instance critique susceptible de réorienter le vécu »[43].
Au fond, ce qui est demandé à l’Eglise africaine, c’est d’être non seulement
comme une réalité divine au milieu du peuple mais aussi comme une structure
sociale à côté des autres structures de la société. Faisant partie de l’Eglise
universelle, exemple unique de communauté multi-raciale, multi-nationale et
multi-culturelle qui est la nouvelle humanité de Dieu, elle ne peut vivre en
vase clos. Car, si Christ a renversé le mur de séparation, ce n’est pas à
l’Eglise africaine de le reconstruire à force de chauvinisme, de racisme, de
tribalisme, de classes sociales ou de castes. Elle doit au contraire développer
la communion avec d’autres églises, par la prière, par la solidarité et la
coopération dans divers domaines. Ce faisant, la théologie d’une Eglise doit se
dégager dans une communauté de foi suscitée par l’Ecriture, en interaction avec
d’autres théologies du passé et présent et en se confrontant à la culture
locale et à ses besoins.
En guise de conclusion, je me
permets de citer un proverbe africain qui illustre la profondeur culturelle de
la pensée traditionnelle africaine sur la diversité religieuse, le
multiculturalisme, le vivre ensemble : « Dans
la forêt, quand les branches des arbres se querellent, leurs racines
s'embrassent ». Les branches, c'est la diversité, les singularités qui
distinguent et séparent. Les racines qui s'embrassent, c'est l'intangible, les
valeurs universelles profondes qui unissent. Le défi pour la vitalité de
l'arbre entier, la société, consiste à ne pas couper, éliminer, masquer la
diversité des branches, des communautés de la société mais de nourrir le tronc
par le « vivre ensemble », par la dialectique de l'unité dans la diversité, et
de faire en sorte que les racines qui s'embrassent puissent nourrir les
branches qui se querellent. Ce proverbe, expression de la culture populaire,
illustre la prégnance de la question du multiculturalisme et de la pluralité
religieuse en Afrique et l'urgence de la
revisiter au regard de ses tensions actuelles.
Je vous remercie de votre aimable attention !
Prof. Jimi ZACKA
Théologien, Anthropologue
Je vous remercie de votre aimable attention !
Prof. Jimi ZACKA
Théologien, Anthropologue
P.S. : La rédaction de Thephila.com prévient les lecteurs contre toute
utilisation de ses textes ne mentionnant pas la source et le nom de l’auteur de
l’article comme cela a pu arriver.
[1] Paulin Poucouta est un prêtre catholique congolais du diocèse de Pointe-Noire, docteur en théologie biblique et docteur en histoire des religions.
[2] Kä
Mana, L’Afrique va-t-elle
mourir ? Essai d’éthique politique, Paris, Karthala, 1993, p.72-75.
[3] Ce colloque s’est donné comme
perspectives d’avenir en somme l’engagement pour la libération du peuple en
souffrance à travers une théologie ayant comme caractéristiques : une théologie en situation, une théologie libération et une théologie de lutte contre le sexisme.
Cf. K. Appiah et al, Libération ou adaptation ? La Théologie africaine s’interroge. Le
colloque d’Accra. Paris : L’harmattan, 1977, p. 230-232.
[5] La tendance
« libérationiste » est dominée par Jean-Marc Ela. Cette tendance
tente de replacer l’Eglise au coeur des questions sociopolitiques. Pour J.M.
Ela, Le cri de l’homme africain.
Questions aux chrétiens et aux Eglises d’Afrique, Paris : L’harmattan,
1980, p.150, 153., la mission de la théologie, dans ce contexte, « n’est
autre chose qu’une reflexion à partir de l’expérience vécue…La théologie est un
travail de déchiffrage du sens de la Révélation dans le contexte historique où
nous prenons conscience de nous-mêmes et de notre situation dans le
monde ».
[6] La tendance
« culturaliste » est prônée par E. Mveng qui part du principe
que toute théologie est contextuelle. Ainsi, la libération, telle qu’elle est
envisagée en Amérique Latine, n’a rien à voir avec la réalité africaine.
L’africain, dépouillé de son âme, apparaît, dans son contexte, comme un
« non-être ». Autrement dit, « l’africain est pauvre parce qu’il
n’est pas et non pas parce qu’il n’a pas. Alors que la pauvreté dont il est
question en Amérique latine est matérielle, celle qu’on vit en Afrique est,
d’abord et surtout anthropologique ». Lire E.Mveng, « Eglises et
solidarité pour les pauvres en Afrique : la paupérisation
anthropologique », dans
[7] J.M. ELA, Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui
libère, Paris, Khartala, 2003 ; E.MVENG, L’Afrique dans l’Eglise. Paroles d’un croyant, Paris, L’Harmattan,
1985 ; O. BIMWENYI KWESI, Discours théologique négro-africain. Problème des
fondements, Paris, Présence africaine, 1981 ; F. EBOUSSI BOULAGA, Christianisme sans
fétiche. Révélation et domination, Paris, Présence africaine, 1981 ; M. HEBGA, Emancipation d’Eglises sous tutelle. Essai sur
l’ère post-missionnaire, Paris, Présence africaine, 1976.
[8] G. KÄ MANA, La nouvelle évangélisation en Afrique,
Paris/Yaoundé, Khartala/Clé, 2000 ; IDEM, Théologie
africaine pour temps de crise. Christianisme et reconstruction de l’Afrique,
Paris, Khartala, 1993.
[9]
G. Kä Mana s’est imposé
comme chef de file avec ses ouvrages : Foi
chrétienne, crise africaine et reconstruction de l’Afrique. Sens et enjeux des
Théologies africaines contemporaines, Nairobi, Lomé, Yaoundé : CETA,
HAHO, CLE, 1992 ; Ethique écologique
et reconstruction de l’Afrique, Bafoussam/ Yaoundé : CIPCRE / CLE, 1997
et plusieurs autres ouvrages et articles sur ce thème.
[10]
Cf. La Renaissance africaine et sa
prospective, sous la direction de José DO-NASCIMENTO et MAWAWA MÂWA-KIESE,
Paris, Ed. Paris, 2001, pp.349.
[11] G. Kä Mana, La nouvelle
évangélisation en Afrique, Paris et Yaoundé : Karthala & CLE,
2000.
[12] E. Messi Metogo, Théologie
africaine et ethnophilosophie. Problèmes de méthode en théologie africaine,
Paris : L’harmattan, 1985, p.55.
[13] Cité par l’Effort camerounais du 05 mars 1972.
[14] B. Bujo et J. Ilunga Muya,
éd. Théologie africaine au XXI°siècle.
Quelques figures., Vol.1, Fribourg :
Presse Universitaire, 2002, pp. 7-8 ;
[16]A.Vanneste,
« Acquis et défis de la théologie africaine », Théologie africaine. Bilans et perspectives, actes de la dix-septième
Semaine théologique de Kinshasa, 2-8 avril 1989, pp. 185-198, p.188.
[17]
D. Bosch, Dynamique de la mission chrétienne. Histoire
et avenir des modèles missionnaires, Paris/ Genève/ Lomé : Karthala,
Labor & Fides, Haho, 1995, p. .
[18] Ibid, p.
[19] Ibid, p.610- 611
[21] Note spéciale de Pro Mundi vita sur le Burundi, n°25, pp.
16-17.
[22]
D. Forrester, Theology and Politics, Oxford: Basil Blackwell, 1988, p. 163.
[24]
Cf. A. Rakotoharintsifa,
« Sola fide en Afrique : la théologie face au repli
identitaire », Sola fide, mélanges offerts à Jean Ansaldi, sous la
direction de Elian Cuvillier,
Genève : Labor & fides, 2004, pp. 237-246, p.245.
[25] J. Dupuis, La rencontre
du Christianisme et des religions, Paris, Cerf, 2002, pp.19-33.
[26] Par exemple, un colloque
interreligieux a été organisé par RFCE-RCA à Bangui (RCA) du 04 au 07 Février
2010 sur le thème « Le dialogue interreligieux pour la consolidation de la
Paix en RCA et dans la sous-région ».
[27]
J. Matthey, « La
liturgie au cœur de la mission. Un point de vue protestant. », Perspectives Missionnaires 45-46, 2003,
p.93.
[28] Lire à cet effet, L. Moreau, « L’islam, religion
africaine », Lumière & Vie 163, Juillet-Aoùt 1983, p.52, pp.49-62.
[29] Ibid,
p.59.
[30] Cf. Bosch, p.
[31]
E. Messi Metogo, Dialogue avec les religions traditionnelles
et l’Islam en Afrique Noire,
[32] Lire à cet effet, J. P. Zacka, Possessions démoniaques et exorcisme dans les Eglises Pentecôtistes
d’Afrique Centrale,
Yaoundé : CLE, 2010, pp. 47-54.
[33] Cf. Ibid
[34] Comme Bosch, op.cit. p. 398
le souligne avec raison, « lorsque l’on examine les normes
culturelles occidentales imposées de mille manières et plus ou moins
ouvertement aux croyants du Tiers monde, il est important de noter le phénomène
suivant : qu’ils soient libéraux ou conservateurs, les cercles missionnaires
partagèrent la conviction que seul le christianisme pouvait constituer la base
d’une civilisation viable ».
[35] Messi
Metogo, op.cit., p.1
[36] Cf. S. Semporé, « Le défi des églises afro-chrétiennes »,
Lumière&Vie, n° 159, Sept-Oct,
1982, pp. 43-59.
[37] Nous soulignons que l’Eglise
kimbanguiste fut la première église afro-chrétienne à s’être affiliée au
Conseil œcuménique des Eglises en 1971 comme membre de plein droit.
[38] Semporé,
op. cit., p. 44.
[39] Lire en effet Zacka, op.cit., p.97.
[40] Récemment, durant de graves
crises nationales, l’estime et la confiance des populations de certains pays
africains ont fait appel à des membres de la hiérarchie ecclésiale comme
médiateurs impartiaux et pacificateurs prudents. Des évêques, au Bénin ( Mgr De
Souza), au Congo (Mgr Kombo), au Gabon (Mgr M’ve), au Congo démocratique
ex-Zaïre (Mgr Mosengo) se sont retrouvés président de la Conférence nationale
et actuellement en RCA (Mgr Pomodimo) joue le rôle du médiateur nationale.
Justement parce qu’ils apparaissaient comme intègres, se situant au dessus des
partis politiques et des intérêts particuliers.
[42] A. Quenum, « L’inculturation : une chance ou un piège
pour l’avenir », dans Le Synode
africain 10 ans après. L’Eglise- Famille. Intérêt, bilan et perspectives. Revue
de l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (Rucao), n° 20, Abidjan, 2004, p.62-63.
[43] Propos recueillis par Cathérine Parias, parus dans témoignage chrétien du 08 février 1973.
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