jeudi 17 juillet 2014

LA THEOLOGIE AFRICAINE DANS LE CONTEXTE MULTICULTUREL ET INTERRELIGIEUX. BILANS ET PERSPECTIVES.



               (Colloque théologique du 07- 10 Septembre 2011  à Montpellier)
Communication de Prof. Jimi P. ZACKA (Centrafrique).

INTRODUCTION 

Evoquer la question de la théologie africaine dans un contexte multiculturel ou interreligieux requiert, à mon avis,  une réflexion particulière. Car, l’Afrique est un continent marqué par une grande pluralité ethnique, culturelle et religieuse, tant pour l’Eglise que pour la société. Il s'agit donc de nous méfier de toute généralisation hâtive, tant sur le diagnostic des problèmes et des questions, que pour les suggestions de solutions. Une rencontre comme le présent colloque ne peut que donner de grandes orientations et des lignes générales.
En fait, la théologie en Afrique se présente très différemment d’un pays à l’autre. Même au sein d’un même pays, elle est différente, voire opposée d’une église à l’autre. A l’évidence, évoquer les questions multiculturelle et interreligieuse  aujourd’hui, implique la prise en compte des situations spécifiques aux différentes zones du continent africain : Afrique du Nord, Afrique subsaharienne, Afrique australe. C'est pourquoi, il est parfois judicieux de parler des "théologies africaines" au lieu d'orienter notre discours sur la "Théologie Africaine". 
Cela dit, n’ayant pas la pertinence de prétendre offrir une réflexion se rapportant à toute l’Afrique, je limite modestement mon propos à l’Afrique subsaharienne. Encore faudra-t-il préciser que je prendrai ici le risque d’une vue cavalière des choses, partielle dans le traitement du thème, sélective par le choix des questions à traiter, incomplète par sa limitation à l’Afrique centrale.
A l’instar de son histoire récente, profondément marquée par l’oppression, l’injustice et toutes sortes de souffrances, l’Afrique (subsaharienne) est aujourd’hui mise en défi par de multiples problèmes : famine endémique, instabilité politique, guerres fratricides, exclusion sociale, indigence sociale, corruption effrénée, marginalisation politique et économique. Outre cela, il faut souligner qu'une des implications de ces tragédies dans la vie des populations est la perte d’identité culturelle, due à l'emprise de la  "mondialisation",  qui s'accroît de jour en jour.
De ce fait, la réflexion sur la question multiculturelle et interreligieuse constitue un réel problème et mérite d’être prise en compte. Face à ces réalités, il est d’une importance capitale que l’Eglise, à tous les niveaux, joue son rôle d’éveilleur de la conscience morale en vue de la guérison des maux qui affectent la société africaine. Elle est ainsi interpellée à  la recherche de l’unité et de l’harmonie sociale face aux divisions tribales, ethniques et religieuses ainsi qu’aux antagonismes sociopolitiques. D’où le profond sentiment  de s’interroger si l’Eglise africaine est bien armée pour répondre aux multiples défis lancés par nos sociétés africaines.   
De toutes les façons, la théologie africaine ne peut trouver aucun alibi pour se soustraire aux interrogations les plus fondamentales qui troublent profondément le chrétien africain dans son milieu : le christianisme est-il vraiment une religion essentiellement différente et spécifique parmi tant d’autres religions qui bourgeonnent sur le sol africain ? Quelle attitude les chrétiens africains et les missions chrétiennes devraient-ils  adopter vis-à-vis des adeptes d’autres religions ? Et si la théologie produite en Afrique a encore un rôle à jouer dans la culture africaine, comment  prend-t-elle part à ce débat collectif d’une société à la recherche d’un nouveau vivre ensemble ? Autant de questions qui donnent sens et mettent en valeur l’opportunité et la nécessité du thème proposé, à savoir : « Comment la théologie produite en Afrique prend en compte les contextes multiculturel et interreligieux qui sont les nôtres aujourd’hui ? ».
            Précisons que la question qui préoccupe particulièrement les Eglises africaines n’est pas celle de l’athéisme, de la sécularisation ou de la laïcisation de la société, mais celle des autres religions, celle de leur pluralité, de leur diversité, de leur concurrence ou de leur collaboration, celle de la signification à leur donner et de la valeur à leur reconnaître. C’est-à-dire, comment faut-il établir la relation entre la foi chrétienne et les autres religions, du moins statiquement et socio-religieusement parlant : la RTA et l’Islam ? Il s’agit là de la question du rapport entre la fidélité de la foi chrétienne et la mise en œuvre d’une sociabilité dépassant les frontières religieuse, culturelle et ethnique. Et puisque au sein de la société africaine, la religion chrétienne est un discours parmi tant d’autres, elle doit être nécessairement à l’écoute des autres discours qui animent également la même société.
C’est ainsi que le théologien congolais Poucouta dit avec une justesse remarquable qu’il est nécessaire que l’Eglise dialogue avec toute culture et toute religion. Mais, l’Eglise doit prendre le Christ comme norme à l’instar du dialogue des premières communautés chrétiennes avec les cultures de l’époque, ce qui a donné naissance au Nouveau Testament[1].
Dans cette perspective, il y a un autre aspect de la question : la théologie en Afrique est-elle capable de prendre en compte les autres religions et cultures en vue de créer des conditions favorables à un nouveau vivre ensemble du point de vue religieux et social ? Autrement dit, pour le peuple africain, comment vivre en chrétien dans cette Afrique marquée par une grande pluralité ethnique, culturelle, et religieuse et par l’emprise croissante de la mondialisation ? Ces questions restent, bien sûr, ouvertes, et confiées à la réflexion de chacun de nous.  
En ce qui me concerne, je vais tenter d'articuler mon propos en trois parties : il s’agira d’abord de rendre compte de la manière dont la théologie africaine prend conscience de la question de la multiculturalité et du dialogue interreligieux. Dit autrement, cette réflexion va démontrer comment la question des relations interculturelles et interreligieuses est au cœur de la théologie africaine. Dans la seconde partie, je m’efforcerai de souligner les principaux défis que connaissent, ces années-ci, les églises en Afrique, avant d’élaborer dans la troisième partie quelques perspectives. Le travail apparaîtra dans cette troisième partie, non comme une tentative d’emprisonner la théologie dans des schémas de pensée d’un milieu donné, mais comme une réflexion sur le vécu de la foi chrétienne dans un milieu multiculturel déterminé.
Partie 1 : Situation théologique actuelle en Afrique subsaharienne

1.1.            Le multiculturalisme comme préoccupation théologique   
                                                  
     La théologie africaine  a toujours pris en compte les conditions anthropologique et culturelle de l’homme africain. Les Recherches théologiques amorcées ici et là sur le continent, comme les colloques et semaines théologiques organisés par les Facultés de théologie n’ont  jamais cessé d’ergoter sur les multiples défis auxquels l’Eglise africaine est confrontée. Lorsqu’on parcourt les nombreuses publications sur le sujet, il y a lieu d’affirmer d’emblée la diversité des expressions, des courants et des tendances dans la théologie africaine.   
L’une des principales caractéristiques de ces réflexions théologiques  concerne en fait l’identité chrétienne elle-même. Il s’agit d’amener les chrétiens africains là où ils peuvent retrouver la parole et s’ouvrir aux interrogations de la vie dans leur propre culture. En d’autres termes, le vécu de la foi en Afrique ne doit, pour ainsi dire, que se définir en rapport avec une lutte émancipatrice dont la fleur de lance est la reconquête de l’identité culturelle (écartelée), des libertés fondamentales (méprisées) et du bien-être social (sinistré). C’est dire que la domination, l’exploitation et l’oppression que l’Afrique subit dans l’ordre mondial ne seront jamais vaincues sur la base de nos seules valeurs déjà déstructurées. Ainsi, la prise de conscience doit être fondée sur la conviction suivante : la culture africaine ne peut pas être conçue comme quelque chose de donné une fois pour toutes, mais comme un destin à construire dans la mobilisation de toutes les forces sociales et de toutes les énergies pour une Afrique capable de s’inscrire dans le nouvel ordre mondial. Il n’est donc pas sûr que les valeurs africaines traditionnelles ainsi que les structures traditionnelles de nos institutions soient les réponses les plus indiquées pour affronter l’avenir.  Le théologien congolais Kä mana l’a si bien souligné en ces termes : « le combat de l’avenir devient planétaire. Le mythe de l’identité culturelle racialisée ne peut convenir à un tel enjeu »[2].
 C’est dans cette perspective que lors de la conférence panafricaine d’Accra en 1977[3], des penseurs chrétiens africains ont saisi l’occasion de s’interroger sur la méthodologie des approches des thèmes théologiques. A l’issue de ce colloque,  l’option libération a été retenue comme une nouvelle voie de la réflexion théologique. Il n’est pas sans intérêt de souligner que le communiqué final de cette conférence précise que la théologie africaine, par rapport à l’avenir envisagé (la libération), se posera «en théologie en situation, comme une expérience de lutte contre toutes les formes d’oppression et de ségrégation, comme un lieu d’engagement d’où toute tendance sexiste est exclue»[4]. 
En marge de cette conférence, l’Association œcuménique des théologiens africains (AOTA) a été créée. Cette nouvelle association – ayant pour objectif principal d’encourager et de resserrer la coopération entre les théologiens de différentes langues, régions et confessions chrétiennes d’Afrique et adoptant une méthodologie interdisciplinaire – a donné une nouvelle voie à la théologie africaine. Divisés en tendances «libérationniste[5]» et «culturaliste[6]», les penseurs chrétiens africains vont nettement se démarquer de l’approche latino-américaine de la libération en prenant conscience que les crises religieuses, sociales, politiques et culturelles de l’Afrique ont un lien avec les crises mondiales.  En fait, cette mobilisation a permis de créer des lieux d’échanges avec d’autres théologiens du monde en vue de trouver des réponses à la crise d’identité culturelle de l’homme africain. De même, des penseurs chrétiens africains aussi illustres que E. Mveng,  F. Eboussi Boulaga,  M. Hebga,   J.M. Ela, et O. Bimwenyi  pour ne citer qu’eux[7], n’ont cessé de s’interroger sur de nouvelles orientations théologiques pouvant résoudre cette crise.
Dans la même optique, plutôt que de parler de la théologie de libération,  Kä Mana[8], en Afrique francophone, et Jesse Mugambi, en Afrique anglophone vont prôner la théologie de la reconstruction, ou encore de la renaissance[9]. Dans le domaine politique aussi, ce thème est devenu important; son grand promoteur n’est autre que Thabo Mbeki, ancien président de l’Afrique du Sud depuis 1999[10]. En théologie, en 1998, le thème a dominé les débats du Conseil Oecuménique des Eglises. Plus près de nous, en 2001, une réunion de la Fraternité Théologique Africaine a cherché, lors d’une conférence à Grand Bassam, à élaborer une vision chrétienne de la renaissance africaine. L’enjeu de cette théologie était de mobiliser les Eglises contre la crise globale qui frappait la société africaine trente ans après les indépendances.  Le mouvement de la théologie de la reconstruction a ainsi, en quelques années, changé le paysage de la théologie en Afrique et fournit aujourd’hui aux communautés chrétiennes une nouvelle grille de lecture de leur situation et de leurs responsabilités dans la société. Après les grandes quêtes de l’identité culturelle et le combat pour la libération, ce mouvement montre qu’il est nécessaire de penser notre présent en termes de nouveaux choix économiques, politiques, sociaux et culturels à faire et en termes de nouvelles fondations morales et spirituelles à poser et d’invention de nouvelles stratégies pour bâtir l’avenir. Sans renier les préoccupations passées, il s’agit de les intégrer dans la perspective de l’invention du futur, la reconstruction étant en fait le commencement d’un processus de restructuration des mentalités et des attitudes. Les enjeux de ce mouvement sont éminemment missionnaires: l’intégration de l’évangile dans tous les domaines décisifs pour l’avenir du continent. C’est pourquoi on pense la nouvelle évangélisation en termes de reconstruction africaine: une reconstruction fondée essentiellement sur le socle de l’évangile[11].
De cette perspective, les pionniers de la théologie africaine  pensent qu’il faut redéfinir les valeurs culturelles dans un contexte nouveau, et abandonner les incantations sur l’âme noire. Ecoutons par exemple Messi Metogo qui dit : « La théologie culturelle cherche les fondements du discours théologique africain exclusivement dans les valeurs de civilisation de l’Afrique traditionnelle contenues dans les coutumes, les cosmogonies, les contes, les devinettes, les proverbes, les épopées, etc. Elle considère ces valeurs comme une acquisition pour toujours, à l’abri des vicissitudes de l’histoire. C’est un discours théologique sans prise sur la réalité africaine actuelle, qui néglige les problèmes économiques et politiques ou déclare qu’ils sont indissociables des problèmes religieux[12]». Dans un éditorial de l’hebdomadaire catholique de Kinshasa, Afrique Chrétienne, Louis Kalonji, à propos d’une vaste campagne de retour aux sources africaines, appelée campagne d’authenticité, rappelait les conditions d’une véritable authenticité :
Cette entreprise est bien plus complexe qu’il n’y  paraît à première vue…Notre monde n’étant plus celui de nos ancêtres, leur conception de la vie ne saurait non plus être la nôtre. Il est important que nous sachions cela clairement pour que nous ne perdions pas notre temps à bavarder d’une négritude un peu dépassée…La question n’est pas de brandir des slogans sur notre originalité mais de bien mettre en œuvre aux yeux du monde cette originalité et ces valeurs. Nous ne le ferons que si nous sommes autant sensibles à nos lacunes, à nos faiblesses qu’à nos richesses et à nos possibilités…Nous ne réussirons pas cela en déterrant les vieilles conceptions de la vie qui ont fait la faiblesse de nos ancêtres devant la colonisation…C’est au contraire en cherchant une nouvelle force de vie pour notre monde de demain[13].  
 Un autre exemple.  De deux récents ouvrages de théologiens africains de haut niveau, Jean Marc Ela et Bénézet Bujo[14], il ressort que la pensée chrétienne africaine ne peut se laisser enfermer dans un système unique; elle doit prendre conscience des limites du système occidental, et s’ouvrir à d’autres systèmes[15].  
Du point de vue épistémologique, ces théologiens africains ont eu le mérite d’avoir mis en application le principe du pluralisme théologique et d’avoir montré que « chaque nouvelle génération, chaque nouveau peuple doit repenser le christianisme à sa façon »[16]. Comme le dit un proverbe béninois "Quand le rythme du tambour a changé, les pas du danseur changent". L’objectif est donc de dénoncer un type de christianisme, une manière de faire la théologie en terre africaine, de passer d’une attitude négative à la reconnaissance des richesses contenues dans les différentes cultures humaines.
Autrement dit, l’enjeu de la théologie chrétienne dans ce nouveau contexte de l’histoire africaine est décisif : il faut passer de la critique du système de l’Afrique coloniale et néocoloniale à la tâche concrète de la construction de l’Afrique postcoloniale. Aux philosophies de l’authenticité, de l’identité culturelle viennent se joindre désormais des préoccupations nouvelles, celles de démocratie, de liberté, de paix véritable, de justice et de droits de l’homme comme conditions pour la construction d’une Afrique nouvelle, la promotion de son développement économique et l’amélioration de ses structures sociales et culturelles dans le contexte mondialisé d’aujourd’hui. Le décor est ainsi planté pour le développement résolu d’une théologie africaine moderne. Il s’agit donc d’admettre que la pluralité des cultures implique une pluralité de théologies, ce qui signifie pour les Eglises d’Afrique un adieu à une théologie à dimension monophonique. Ainsi, la foi chrétienne doit être repensée, reformulée et vécue sous une forme nouvelle dans le vécu de l’homme africain.
Fort de ce qui précède,  David Bosch spécialiste sud africain de la mission, a raison d’affirmer que « toutes les théologies, y compris celles de l’occident, ont besoin les unes des autres ; elles s’influencent, se mettent en question, s’enrichissent et se vivifient mutuellement et cela peut avoir le gros avantage pour les théologies occidentales de les libérer de leur " captivité babylonienne" séculaire[17] ». De même, l’Eglise africaine a besoin d’un « échange de théologies », impliquant qu’elle doit vivre au quotidien la coexistence avec des adeptes d’autres religions. Le voyage à sens unique, monologique, est terminé, de même que le militantisme sous toutes ses formes[18]. Il s’agit d’en finir avec ce nouvel impérialisme théologique qui consiste à universaliser sa propre position théologique, à prétendre qu’elle est applicable à tout le monde et à exiger que les autres s’y soumettent[19]. Si la théologie occidentale n’est pas exempte de cette tendance, les théologies contextuelles du tiers-monde, y compris la théologie africaine, ne le sont pas non plus[20].  
Cela dit, en dépit du caractère pragmatique de ces diverses réflexions théologiques évoquées plus haut, le christianisme africain imbu de l’héritage missionnaire,  s’adapte de façon très contrastée aux différentes mutations qu’il subit. Citons un exemple. En même temps que grandit l'intérêt pour les autres religions et les autres cultures, les Eglises catholiques en Afrique font entendre de plus en plus souvent des mises-en-garde, des avertissements, voire des protestations qui expriment réticences, réserves, qui signalent les dangers d'une trop grande ouverture. Du côté protestant, se manifestent de fortes méfiances dans les églises réformées, méthodistes et luthériennes, tandis que dénonciations et condamnations prédominent dans les mouvements évangéliques, baptistes et pentecôtistes.  
Toutes ces circonstances font que l’Eglise africaine d’aujourd’hui affronte des défis absolument sans précédent. Il règne encore beaucoup de confusion et d’incertitude dans ses expressions théologiques et à l’heure actuelle de la mondialisation, il reste encore bien du terrain à défricher. C’est dire que l’Eglise africaine est aujourd’hui dans un état d’impréparation totale face aux défis multiculturel et interreligieux. En conséquence, nous assistons aujourd’hui à des conflits interethniques ou interreligieux dans certains pays africains tels que le Nigéria et la Centrafrique, à des génocides au Rwanda, au Burundi, au Congo démocratique et en Côte d’ivoire et à des frustrations de toutes sortes liées aux événements violents. Selon le théologien rwandais T. Gatwa, les Eglises au Rwanda ont montré leur incapacité à dépasser en leur propre sein les problèmes ethniques, ce qui les rend incapables d’apporter en cette matière une réponse de société. Expliquant les événements tragiques du Rwanda et Burundi, une note spéciale de l’organisme Pro mundi vita rapporte :
 Si nous considérons la masse des chrétiens, il faut constater que beaucoup parmi les rebelles, comme parmi ceux qui exercèrent la répression et les représailles, comme les grands leaders du pays sont des baptisés. Et un bon nombre sont des baptisés pratiquants. Très peu se sont conduits en chrétiens. Nous ne portons pas ici de jugement sur la culpabilité subjective. La peur de l’autre et l’instinct de conservation ont joué un grand rôle chez beaucoup. Il n’y avait pas seulement le meurtre, la violence, la cruauté parfois bestiale ; il y avait le vol et la spoliation sur grande échelle ; l’abandon des veuves et des enfants, les calomnies mortelles, les mensonges et les tromperies éhontées. Mais à côté de ces rebelles et de ces vengeurs, il y avait la grande masse des chrétiens qui n’ont trempé ni dans la révolte ni dans la répression injuste. Chez beaucoup parmi eux cependant s’est fixée au fond du cœur une haine profonde, une amertume, un découragement morose, ou du moins une insécurité vis-à-vis de tout homme de l’autre groupe ethnique mais aussi vis-à-vis de ceux de son propre groupe…[21].

Au regard de ce tableau sombre, T. Gatwa souligne que les Eglises au Rwanda ont failli à leur mission et ne sont plus en mesure de prononcer une parole prophétique tant qu’elles ne feront pas la vérité sur elles-mêmes. Sans être vouée aux gémonies, en d'autres termes, l’Eglise est mise devant sa responsabilité historique qui, dans les faits, est grande. Sans la condamner, Gatwa incite ainsi l’Eglise au Rwanda à une prise de conscience pour qu’elle joue pleinement son rôle de lumière des nations. De même, Duncan Forrester dénonce les relations ambigües entre l'Eglise/Pouvoir et préconise des précautions nécessaires à prendre lorsque les responsables chrétiens fréquentent régulièrement le pouvoir politique. Il écrit avec raison que : « Le théologien devrait être proches des puissants et des experts, mais ne pas se sentir "chez lui" parmi eux ; familier avec les corridors du pouvoir, mais sans y être à l’aise. Parce que la théologie, c’est à la fois dire la vérité au pouvoir, et être la voix des sans-voix et des marginalisés, des victimes qui en dernier ressort ont une place spéciale dans le royaume de Dieu[22] ». Cette remarque dénonce l’absence de défi théologique vis-à-vis du système politique, culturel ou socio-économique et est perçue comme résultant de l’absence de pensée théologique mûre au sein du christianisme africain. En effet, l’Eglise africaine n’apparaît plus aujourd’hui comme un guide moral d’une nation multiculturelle mais comme un support servile du pouvoir politique.
En effet, la longue et difficile marche vers la prise de conscience du multiculturalisme et du dialogue interreligieux interpelle les chrétiens d’Afrique subsaharienne à militer fortement en faveur d’un dialogue interreligieux. Mais au-delà de cette interpellation, il y a l’urgence de reconnaître, aujourd’hui, que parler de l’inculturation, de reconstruction, de renaissance n’aura de sens pour le chrétien africain que lorsque la mise en valeur de ces concepts viendra le rencontrer dans son vécu. Car, dans plusieurs pays africains, l’Eglise a mis l’accent sur des célébrations liturgiques, culturelles et folkloriques, mais à la suite de ces authentiques cérémonies, rien n’a vraiment changé dans la vie des africains. C’est-à- dire que l’Evangile n’a pas atteint en profondeur les autres dimensions de la vie du peuple. Et beaucoup de problèmes restent sans solution. Il s’agit donc d’enraciner l’Evangile au cœur des conditions sociales et culturelles. Autrement dit, pour ne parler que de l’Afrique sub-saharienne, l’inculturation doit, au point de vue théologique, dire pour qui et pour quoi l’on fait de la théologie et l’on construit l’Eglise. Elle doit donc toucher aussi bien l’ensemble d’institutions politiques, économiques et socioculturelles que les anti-valeurs sociales et les ambiguïtés religieuses qui ne cessent de ruiner les espérances des africains. En d’autres mots, « le principe de l’incarnation de l’évangile ou inculturation du message va bien au-delà de l’habillement, des gestes, de la musique et de l’architecture qui sont des symboles culturels. Sans doute, leur importance dans le culte et la liturgie est indéniable. Mais, ce que les Eglises d’Afrique veulent, c’est d’abord leur identité propre affermie à partir de la proclamation de l’événement du salut en Christ et dans la vie de son Eglise »[23].  
Ainsi, l’inculturation n’est pas, me semble-t-il, avant tout que chant, musique, danse autour de l’autel ; il y a d’abord autre chose, et de bien supérieur à la liturgie en valeur : un langage de la foi, une interprétation personnelle de la parole divine dans le vécu de l’homme africain. Une telle expression doit aider le  chrétien africain à réaliser quotidiennement que Dieu n’est pas le Dieu de l’abstrait, fruit d’une laborieuse imagination. L’observateur sympathique que j’essaie d’être, affirme que la théologie africaine ne doit pas être retombée dans l’abstraction qu’elle dénonçait dans la théologie occidentale. Elle ne doit pas s’élaborer loin de la vie des africains. Elle doit devenir davantage la théologie qui s’éprouve à travers l’effort d’un peuple aux prises avec les réalités d’aujourd’hui. Car, l’Eglise africaine a besoin d’une théologie libératrice qui s’exerce dans une réalité concrète. Il faut donc trouver une nouvelle expression de foi qui s’accorde avec la réalité d’un monde en gestation, qui l’éclaire et lui donne son sens. De ce fait, les différents courants théologiques en Afrique se doivent de prendre conscience de vivre à une époque de profonde mutation entraînant tout un ensemble de conséquences au niveau de la vie des personnes et des groupes qui ont misé leur vie sur le témoignage de l’évangile. En effet, l’enjeu décisif de la théologie africaine d’aujourd’hui peut donc se formuler ainsi : comment l’Evangile peut-il pénétrer plus profondément la vie des peuples d’Afrique, la vie culturelle, la vie religieuse mais aussi la vie sociale, la vie politique, la vie économique ?
Répondre à cette question, c’est l’affirmation fondamentale du Nouveau testament selon laquelle « en Jésus-Christ, vous êtes tous fils de Dieu par la foi…Il n’y a plus ni juif ni grec…car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Gal 3.26-28)[24].
 A cet effet, le théologien doit se décentrer de lui-même et de sa propre tradition religieuse, théologique ou culturelle. En rapport avec la même problématique, mais dans le domaine plus précis du dialogue interreligieux, J. Depuis soutient que le dialogue vrai, authentique, est un enrichissement mutuel entre la tradition chrétienne et les autres traditions religieuses. La collaboration et le dialogue ne sont possibles que si toutes les traditions religieuses travaillent à la reconstruction de la paix : 
Le monde pluriethnique, pluriculturel et plurireligieux du temps présent exige toutefois, de tous côtés, un saut de qualité proportionné à la situation, si nous voulons à l’avenir des rapports mutuels ouverts et positifs entre les peuples, entre les cultures et les religions du monde, c’est-à-dire des rapports de dialogue et de collaboration, en un mot, de rencontre, au lieu de confrontation d’un passé désormais révolu… Ce dont il s’agit c’est d’une conversion des uns vers les autres qui puisse ouvrir la voie à des rapports sincères et féconds. Il ne faudrait rien de moins qu’une réelle conversion des personnes pour réaliser une paix authentique entre les religions du monde, condition nécessaire et essentielle de la paix entre les peuples[25].

A nous d’y substituer, la rencontre pour le dialogue des chrétiens et les adeptes d’autres religions est une nécessité inéluctable pour la paix en Afrique.      

1.2.            Le dialogue interreligieux comme élément régulateur en Afrique noire

Car, en Afrique, le dialogue a été souvent une affaire de famille. Des personnes appartenant à de diverses religions, vivaient ensemble dans la même famille. En outre, dans une vraie famille africaine, les joies, les difficultés et les épreuves étaient partagées dans un dialogue confiant. Ceci offrait déjà un terrain favorable au dialogue interreligieux. D’ailleurs, l’expérience de dialogue entre les religions relèvait du quotidien en Afrique, dans tous les domaines et à tous les niveaux, malgré quelques conflits dans certains pays. La plupart des cas, chrétiens, animistes et musulmans vivaient et travaillaient ensemble. C’est dire qu’en Afrique, la religion n’était pas une chose à part, séparée des autres activités de l’existence. C’était un style de vie.
Le dialogue se basait sur la vie et sur la solidarité. Ainsi, chaque personne exprimait les idéaux de sa religion : avoir l’amour du prochain, être honnête, partager avec ceux qui sont en difficulté, mettre ses biens au service de la communauté, contribuer aux prises de décisions pour le bien-être social, etc. La tradition africaine offrait ainsi un contexte socioculturel qui donnait aux animistes, aux chrétiens et aux musulmans l’opportunité de se comprendre et de vivre ensemble. 
Le dialogue est en effet un véhicule nécessaire dans l’éducation, dans la gestion publique, dans la lutte contre la pauvreté et pour instaurer le sens moral dans la vie publique et privée. Dans sa capacité de dialoguer, l'Afrique s’ouvre aujourd’hui à tous les courants d'opinion et, avec la mondialisation, ces courants semblent converger vers une Afrique sortie de l'indifférence et devenue un acteur à part entière sur la scène internationale. En fait, la RTA, l’Islam et le Christianisme, constituent l’héritage religieux de l’Afrique auquel se sont ajoutées d’autres religions entres autre les religions orientales. Cette pluralité religieuse croissante traduit le fait que l’africain a une identité plurielle.  C’est aussi dire que l’Afrique est un continent religieux, de même que son peuple. En effet, le dialogue interreligieux fait partie intégrante de la condition humaine, il est un chemin de grandeur humaine et du bonheur des hommes et il est urgent de l’entreprendre et de l’étendre face au besoin de l’Afrique de réconciliation, de justice et de paix.  
Ainsi, sur le plan politique, le dialogue interreligieux en Afrique a toujours été un moyen privilégié pour promouvoir la coexistence sociale. En tant que vecteur puissant de la cohésion sociale, ce dialogue est au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. A l’évidence, des manifestations interreligieuses sont parfois organisées par les instances politiques ou religieuses comme une contribution à la consolidation de la paix[26]. Souvent, l’engagement chrétien dans de telles célébrations dépend du contexte politique, de l’attitude des autres et des options théologiques. Il peut s’agir aussi de l’invitation d’une communauté par une autre. Il peut s’agir d’une célébration préparée et organisée en commun, avec des prières consécutives ou simultanées, par exemple pour la paix  ou pour la réconciliation. Dans de telles célébrations, les adeptes des différentes religions se retrouvent pour prier en même temps, dans un même lieu. La rencontre de cette nature revêt une double fonction : d’une part, elle est signe du respect  de foi de l’autre et l’expression d’un souci commun pour des problèmes préoccupant la société, pour un événement tragique affectant chacune et chacun dans son âme ou pour une célébration de reconnaissance de toute une population. D’autre part, cela peut être une contribution importante à la réconciliation : on s’accepte mutuellement pour prier ensemble dans un même lieu malgré les différences dans les accents théologiques. Il y a également des occasions plus intimes et peut être plus authentiques encore, où prier ensemble est l’occasion de partager des soucis, des deuils, des joies et d’espoirs[27]. Notons aussi l’organisation des concerts interreligieux qui s’inscrivent dans la stratégie de rapprochement et dynamisation des différentes religions. De fois, des émissions radiodiffusées sur les thématiques du dialogue interreligieux sont organisées.  
            En ce qui concerne les rapports islamo-chrétiens, ils sont apparemment  bons dans la plupart des pays africains, et les conflits sont parfois une exception. Mais, il importe d’abord de distinguer trois  types de présence musulmane en Afrique subsaharienne : les pays où l’Islam est fortement majoritaire (Sénégal, Niger, Nigéria, Tchad…) ; les pays où la communauté est assez considérable, parfois en nombre équivalent ou légèrement supérieur à la communauté chrétienne (Burkina Faso, Cameroun, Côte d’ivoire, Tanzanie…) ; les pays où les musulmans représentent une minorité quantitativement négligeable (Gabon, Centrafrique, Congo Brazzaville, Congo démocratique, Rwanda, etc…). De plus, il serait difficile de donner une définition à l’Islam africain. Car, il y a différentes sortes d’Islam en Afrique. Il faut à cet effet une approche différenciée pour chaque situation. Dans l’ensemble, le christianisme et l’Islam sont deux religions qui sont généralement familières, particulièrement là où les deux croyances coexistent dans le même groupe ethnique, ou encore à l’intérieur du même cercle familial[28].  C’est dire qu’il n’y a pas de lourd contentieux entre le christianisme et l’Islam : les rivalités ne se sont jamais dégénérées en croisades organisées. Ainsi, l’islam populaire et la convivialité africaine favorisent un dialogue de vie qui ne tient pas compte de l’appartenance religieuse et qui laisse entendre que toutes les religions se valent[29]. Il se traduit dans les liens d’entraide et de solidarité entretenus dans la vie quotidienne. En fait, des initiatives communes sont souvent prises au niveau local pour des intérêts généraux : par exemple, élaborer des projets pour le bien-être social, resserrer les liens qui unissent les membres de la communauté, retrouver la communion avec les ancêtres, etc.  
 Toutefois, par souci de vérité et d’objectivité, il ne serait pas honnête de fermer les yeux sur les nombreux cas de difficultés réelles et sérieuses dans la pratique de ces relations au niveau national ou continental. Ce dialogue de vie ne fait pas disparaître la méfiance et les rivalités entre les deux religions. La plupart du temps, les difficultés trouvent leur origine dans des influences venant de l’extérieur ou dans la manière dont on stigmatise l’islam. Les attentats du 11 Septembre 2001, par exemple, font craindre à certains que tout dialogue avec l’islam soit impossible. Pour preuve, en mai 2011 en Centrafrique, un soulèvement populaire à Bangui, suscité par le meurtre de deux enfants, n’eut pas seulement pour cible l’auteur présumé, mais aussi la communauté musulmane. Les musulmans furent accusés de s’être ligués avec une bande de ravisseurs d’enfants impliqués dans des rituels sanguinaires pour l’enrichissement facile. Cet incident a pu préparer un terreau fertile aux conflits interreligieux. Car, certains dirigeants politiques et groupes partisans musulmans ou chrétiens ne cessent de manipuler aujourd’hui les sentiments religieux afin d'atteindre leurs objectifs.  
Par ailleurs, nul ne peut ignorer le "radicalisme évangélique" se caractérisant par des enseignements bibliques qui sont dispensés par les Eglises missionnaires. Celles-ci présentent le christianisme comme exclusif, supérieur, définitif, normatif et absolu, et considéré souvent comme la seule religion bénéficiant du droit divin d’exister et de se propager[30]. A cet effet, les prédicateurs d’Evangile stigmatisent d'autres religions et jettent assez souvent l’anathème sur les positions théologiques, la légitimité et la valeur de l’islam. Pour eux, cette religion est le principal ennemi du christianisme, une menace qui devrait être anéantie avant qu’il ne provoque l’anéantissement de l’Eglise. A l’inverse, dans d'autres pays musulmans, l’islam est animé par une intolérance qui n’hésite pas à aller jusqu’aux meurtres ou aux massacres des chrétiens. En effet, dans ces pays hostiles aux communautés chrétiennes, les chrétiens sont souvent considérés comme des citoyens de second ordre. D’une manière générale, cette conception a souvent remis en cause le dialogue interreligieux. Malgré de nombreux efforts, parfois concertés, entre chrétiens et musulmans pour aboutir à une entente nouvelle, le dialogue s’est souvent heurté aux résistances et aux hésitations. C’est dire qu’aujourd’hui, en Afrique, le dialogue entre le christianisme et l’Islam est de fois réduit à une activité intellectuelle se déroulant seulement entre les quatre murs d’une salle de conférence, à un débat théologique où les adeptes de différentes religions tentent de démontrer une vérité religieuse au détriment d’une autre.
Un autre point concerne le dialogue avec les religions traditionnelles africaines. Il convient de rappeler que les RTA jouent un rôle capital et donnent un sens et un but à la vie des africains. Les croyances sont familiales, tribales ou régionales. La religion se définit par un souci d’ordre et d’harmonie, et par une grande passion pour la vie.  Ainsi, la croyance à une multitude d’esprits ou de divinités influence et affecte profondément la vie et la survie des peuples africains. Et comme on peut le constater, les croyances traditionnelles font partie intégrante de l’identité des peuples africains. Elles laissent entrevoir une certaine force et une certaine unité qui démontrent la capacité de l’homme africain en quête du sens de la vie et de la foi. Dans ce cas, une question se pose : le christianisme peut-il engager le dialogue avec les religions traditionnelles africaines pour que le Christ se sente chez lui dans les sociétés africaines et que son Evangile apporte le salut à l’Afrique entière ? La réponse est mitigée pour deux raisons :
            D’abord, la religion traditionnelle africaine est souvent considérée comme un polythéisme ténébreux, issu de l’imagination aussi fertile que délirante de « populations primitives vivant dans l’angoisse et l’obscurité de l’ignorance et de l’erreur ». Ensuite, on considère le christianisme comme la seule vraie religion parce que la seule compatible avec la raison et par conséquent la seule capable de promouvoir une véritable civilisation. Cette conception résulte de la hiérarchisation des religions selon laquelle les religions traditionnelles n’ont pas de fondateurs, sont primitives et ethniques tandis que le christianisme  est une religion révélée, historique, porteur de civilisation et appelé à un destin universel[31]. C’est ainsi qu’on s’est préoccupé uniquement d’établir la liste exhaustive des dérives culturelles des RTA telles que : l’immoralité, la polygamie, l’idolâtrie, la sorcellerie, la divination sans savoir que la religion traditionnelle africaine recèle aussi un immense trésor de ressources anthropologiques, religieuses ou spirituelles. Malgré tout, le chrétien africain ne s’empêche pas de croire en la sorcellerie, aux mauvais esprits, aux sacrifices pour les ancêtres, aux guérisseurs traditionnels, à la réincarnation et à d’autres éléments appartenant aux religions traditionnelles africaines[32]. Alors que les églises occidentales nient l’existence de forces mauvaises comme la sorcellerie et l’envoûtement, les églises africaines reconnaissent et assurent une protection chrétienne contre ces puissances négatives en croyant profondément que Jésus peut réellement guérir et protéger.  Tel peut être le christianisme africain rencontré dans la réalité africaine[33].  
Mais, bien qu’il y ait de nombreux points de contact valables entre la RTA et le message de la Bible, on constate aussi l’inconsistance entre l’enseignement biblique et sa pratique. Par exemple, les chrétiens entendent souvent leur pasteur leur dire que la religion traditionnelle et ses pratiques relèvent du diable et que la Bible veut qu’ils abandonnent ces pratiques diaboliques. Pourtant, ces croyants savent très bien que le pasteur qui, du haut de la chaire de prédication, renie la puissance des esprits maléfiques, a, en réalité très peur de ces forces spirituelles actives dans son vécu. Ce genre de prédication a donné, parmi les chrétiens africains, l’impression que leur foi a très peu de rapport avec leur vie quotidienne. Une vieille mère a résumé tous ces faits en disant à son fils pasteur : « le christianisme, c’est croire, mais non vivre ». C’est ainsi que pour justifier cette vie de duplicité, certains soutiennent qu’un grand nombre de rituels, d’amulettes et même de dieux de leur propre culture ne sont pas vraiment mauvais.La rhétorique classique consiste à dire : "je ne commets pas de meurtre mais je me protège. Car, Dieu a dit: "qui se protège, je le protège". Ce renvoi au Dieu-protecteur justifie ces moyens de protection peu orthodoxes.
Finalement, les chrétiens africains entendent leurs dirigeants n’exprimer que deux points de vue. D’une part, il y a ceux qui disent que tout ce qui peut aider l’homme d’une manière quelconque doit être bon. D’autre part, il y a ceux qui disent que tout ce qui relève de la culture traditionnelle fait partie du culte païen et est, par conséquent, quelque chose de mal.     
Au regard de ce qui précède, force est de se dire que les Eglises africaines ont encore beaucoup de chemin à faire aujourd’hui, notamment dans le domaine du dialogue avec les autres religions. La mention de ce déficit me donne l’occasion d’évoquer ici quelques défis lancés à nos églises.

Partie II :   Les défis actuels

2.1.  Les écueils de l’héritage missionnaire  

Mues par un paternalisme certes bien intentionné, les missions occidentales ont créé des conditions et imposé des normes de vie ecclésiale qui ont effectivement empêché les jeunes Eglises africaines de parvenir à la maturité souhaitée. Les sociétés missionnaires ont ainsi conduit bon gré mal gré les jeunes Eglises africaines à se sentir désarmées face aux défis d’aujourd’hui. L’histoire nous enseigne que la théologie missionnaire d’alors avait prévalu une conception statique de l’Eglise ; le monde en dehors de l’Eglise était perçu comme une puissance hostile. En tentant d’imposer une tradition théologique toute faite, par l’enseignement catéchétique ou par des programmes des facultés de théologie ou des instituts bibliques, les missionnaires sont parvenus à enseigner qu’il n’y avait que l’Eglise, pas de monde. Autrement dit, l’Eglise était un monde en elle-même. En dehors de l’Eglise, il n’y avait que de fausses religions. En d’autres termes, on identifiait le royaume de Dieu (ou le sacré) à l’Eglise avant tout et l’on considérait que le reste de la vie était une réalité séculière, profane. Le monde était ainsi considéré non comme un défi, mais comme un obstacle. Ce qui correspondait au repli de l’Eglise sur elle-même tout en développant un esprit de jugement à l’égard de tous ceux qui ne partageaient pas son point de vue jusque dans les moindres détails. Ainsi, la vie chrétienne n’était définie qu’en termes microéthiques tels que la pratique religieuse régulière, l’abstinence d’alcool et de tabac, la lecture de la Bible et la prière quotidienne. Cela n’avait que des conséquences profondes pour l’Eglise. Les bons chrétiens étaient (et sont encore souvent) définis comme ceux qui vont régulièrement à l’Eglise et les gens qui sont à l’extérieur de la communauté, qu’ils appartiennent à d’autres sensibilités religieuses ou non, sont des « proies » à gagner.  
Les missionnaires, marqués pour la plupart par des doctrines conservatrices et anti-œcuméniques ont été conduit en effet à une double erreur : premièrement, tout en voulant proposer le message du Christ, ils imposaient en même temps une conception du monde, un système de valeurs et de coutumes, propre à l’occident, mais qu’ils identifiaient avec la seule civilisation valable[34]. Dès lors, ils ont laissé ce sentiment de supériorité qui caractérise l’Eglise dans son rapport aux autres religions aujourd’hui. Deuxièmement,  le christianisme est arrivé divisé en Afrique alors que la société africaine elle-même était relativement unie. Ceci a eu un impact négatif auprès d’une population qui avait besoin d’exemples d’unité et d’amour.
Toutefois, nous affirmons que les missionnaires ne sont pas les seuls responsables de tous ces écueils évoqués plus haut, mais ils n’ont pas su mettre en place dès le début un processus de dialogue avec les autres religions, notamment la Religion traditionnelle africaine qui représente les racines religieuses et spirituelles communes à tous les africains. En conséquence, il semble que jusqu’à présent l’Eglise africaine n’ait pas engagé avec la Religion traditionnelle africaine un dialogue dans un cadre formel. Pourtant, la religion traditionnelle africaine mérite d’être considérée comme un partenaire nécessaire dans le dialogue comme toute autre Religion mondiale organisée. Car, son extrême tolérance a déjà permis la coexistence dans une même famille ou dans une même communauté d’adeptes de plusieurs religions : adeptes de la religion traditionnelle, protestants, catholique, musulmans. Il en résulte un dialogue de vie informel et non verbal, sur la base d’une convivialité ou l’appartenance à la même famille, à la même couche sociale, la recherche des solutions aux problèmes de la communauté l’emporte sur les cloisonnements religieux[35].

2.2. Le poids des églises « indépendantes » et des mouvements pentecôtistes

L’autre problème spécifique à l’Afrique provient de la prolifération des Eglises dites « indépendantes », appelées tantôt sectes ou groupes syncrétistes, tantôt Eglises séparatistes ou dissidentes, tantôt encore mouvements messianiques ou prophétiques. Elles se démarquent des Eglises missionnaires par une plus grande adaptation aux réalités et à la sensibilité africaines, par une réhabilitation de l’Ancien Testament dans le culte et dans la morale, par une sobriété et une souplesse dans l’énoncé dogmatique, par une indépendance vis-à-vis des Eglises occidentales[36]. Parmi elles, il y a l’Eglise kimbanguiste fondée par Simon Kibangu au Congo démocratique (dont le nom officiel est " l’Eglise de Jésus-Christ sur la terre par le prophète Simon Kimbangu")[37]. Sur un certain nombre de  points importants, ces églises interpellent vigoureusement les Eglises missionnaires d’Afrique, du simple fait qu’elles ne cessent d’attirer les chrétiens catholiques et protestants déçus ou défaits par un christianisme ayant pris des formes aliénantes. Elles ont particulièrement une volonté d’africanisation se manifestant par un messianisme attribué au fondateur vénéré comme un envoyé de Dieu, investi de la mission d’apporter le salut aux noirs dans un contexte historique précis[38]. Toutefois, ces églises surgies du génie africain, même si elles recèlent encore des ambiguïtés et des limites, elles semblent répondre partiellement aux aspirations profondes de l’Africain d’aujourd’hui en adoptant, comme nous l’avons déjà dit,  un certain nombre de mythes, de croyances et d’attitudes venus des religions traditionnelles.
Cette brève analyse des Eglises dites « indépendantes » serait incomplète sans la mention d’un autre courant qu’on aurait bien tort de ne pas considérer comme un défi dans les contextes multiculturel et interreligieux en Afrique : le mouvement pentecôtiste. Le christianisme pentecôtiste s’avère aujourd’hui être un mouvement qui repose sur la « conversion individuelle » et qui donne aux adeptes l’impression d’avoir trouvé un sens nouveau à leur vie. A travers la conversion, naît un individualisme vécu sous le mode de l’authenticité. Dans un monde de consommation de masse, la conversion est un moment de rupture dans la vie du « croyant ». A cet égard, les pentecôtistes opposent à un mode de vie communautaire jugé corrompu un nouvel esprit faisant référence à une nouvelle éthique soulignant l’importance de la « sainteté » et de la « droiture », exigeant de se retirer du « monde », de rompre avec un passé immoral et de casser toute relation avec des non-croyants[39].  Ainsi, ils s’opposent alors au reste de la société, aux anciennes formes de solidarité sociale et aux valeurs perçues comme dominantes dans les Eglises jugées plus  conventionnelles. Le projet pentecôtiste africain se donne en effet le défi d’apporter de l’ordre à un univers moral, matériel et culturel chaotique. Ce projet exige une critique explicite des Eglises issues des missions, du passé colonial et postcolonial ainsi que des pratiques culturelles locales réunies sous la catégorie de « traditions ». La diabolisation des autres religions est au cœur du message de conversion et de son succès, comme l’est aussi la déconstruction des formes anciennes de sociabilité et de solidarité. Dans la doctrine pentecôtiste, la division manichéenne entre les sauvés et les incrédules, entre identification au Christ et identification à Satan, trouve sa traduction dans le rejet des autres confessions religieuses, des pratiques culturelles et sociales et simultanément dans la libération de celles-ci. Ainsi, on ne peut que souligner le caractère exclusif du pentecôtisme africain. Si les Eglises missionnaires acceptent de communiquer parfois avec d’autres formes religieuses, les pentecôtistes préconisent une séparation radicale d’avec toute autre confession religieuse. A cet égard, le pentecôtisme africain se présente comme porteur d’une modernité de rupture et de rationalisation. Les pentecôtistes revendiquent, par opposition aux églises des missions qu’ils considèrent comme des églises « mortes » ou « charnelles », le statut exclusif de vrais chrétiens en raison disent-ils de la manifestation du Saint-Esprit dans leur communauté. Ainsi, animés par la certitude d’être plus spirituels que telle ou telle autre confession religieuse et hantés par le souci de préserver cette pureté ou cette sainteté, ils se mettent à l’écart du reste des autres églises chrétiennes.  

Partie III :   Perspectives d’avenir

            Au terme de cette modeste communication, une double question se présente : Quelle mission pour l’Eglise africaine dans une société multiculturelle ? Comment affirmer une vérité chrétienne dans un univers de pluralité religieuse ? Il nous semble que des éléments de réponse pourraient être donnés dans un certain nombre de domaines.
3.1 En matière d’expression théologique, le projet d’une théologie africaine doit se poursuivre avec dynamisme et un engagement soutenu, tout en respectant les principes de compatibilité avec l’Evangile et de communion avec l’Eglise universelle. De nouveaux horizons s’ouvriraient si plus d’efforts étaient fournis pour enseigner la théologie indiquant les thèmes d’étude en lien avec le contexte africain. Ainsi, le programme de formation doit insister sur la théologie de l’inculturation, la spiritualité africaine, l’anthropologie africaine, l’analyse théologique et les guérisons en Afrique. 
3.2. Dans certaines situations de crises, l’Eglise a souvent été considérée comme l’une des rares institutions auxquelles la population pouvait faire confiance[40]. Elle peut représenter une force d’espérance, si l’évangélisation prend réellement en compte la vie des peuples dans un travail d’inculturation qui se saisit de tous les aspects de la vie et si l’annonce de l’Evangile se fait dans un dialogue avec les autres Eglises chrétiennes mais aussi avec les religions traditionnelles africaines et avec l’islam.  Cela permet ainsi aux Eglises africaines de dépasser les conflits tribaux, d’éviter les exclusions mutuelles parmi les différents clans et d’approfondir leur lien communautaire à la lumière de l’Evangile[41].
3.3.  En outre, il convient de promouvoir une formation biblique complète des catéchistes et des laïcs en général. Car, engagés dans le quotidien aux côtés de leurs frères et sœurs, les laïcs témoignent de la possibilité du renouvellement de la personne humaine et de la société africaine par le Ressuscité. Par leur présence, par leur témoignage quotidien (gestes, paroles, écrits…), ils enracinent l’Evangile dans la société, ses structures, ses valeurs et leur donne un souffle évangélique. Ils sont les véritables responsables de l’enracinement du message chrétien en terres d’Afrique. La formation théologique et biblique des laïcs les amène à éviter des tentations fondamentaliste ou concordiste. Il s’agit d’une formation qui permet d’entrer en dialogue avec la société ambiante. Comme le relève A. Quenum :
Les diverses peurs qui paralysent les Africains, les tétanisent, inhibent leur sens de la créativité et créent un espace de méfiance entre les individus et les groupes sont les manifestations d’une forme de pauvreté à combattre autrement que par les exorcismes. On ne peut édifier une société d’équilibre psychologique et de paix en voyant le diable partout. On ne peut davantage réduire la mission chrétienne d’évangélisation à un vaste champ de chasse au diable, comme on le constate aujourd’hui. Une société qui passe son temps à faire la chasse au démon partout est une société qui ne pourra "chasser" de ses demeures les vraies causes de ses misères humaines et spirituelles[42].

Dans cette perspective, la formation biblique et théologique est une responsabilité existentielle, compromettante, vivifiante. Il s’agit de susciter la responsabilité créatrice et œcuménique de l’ensemble du peuple de Dieu pour l’engendrement d’une Afrique nouvelle.
3.4. En ce qui concerne le dialogue entre chrétiens et musulmans, les chrétiens sont invités à pratiquer avec eux un dialogue de vie dans le domaine de la famille, du travail, de l’école, et de la vie publique, de manière à promouvoir les relations d’une société juste où un vrai pluralisme garantit toute liberté et spécialement la liberté religieuse. Cela suppose la liberté des personnes en public, comme aussi la liberté de changer de religion, de se réunir pour l’exercice du culte commun, d’ériger des structures en conséquence, d’agir aussi en matière d’éducation et de charité. Pour favoriser un tel propos, il est souhaitable que soient créés des commissions et des instituts interreligieux au niveau local, régional ou national ; qu’ils soient aptes à former, à être informés sur l’évolution positive du dialogue interreligieux, dans le respect réciproque des valeurs spirituelles de chaque interlocuteur.  

CONCLUSION
En somme, comme l’écrit Georges Casalis, la chose la plus importante pour les théologiens et ceux qui réfléchissent sur la foi « n’est pas l’élaboration de théories nouvelles, fussent-elles révolutionnaires, mais l’aptitude à analyser des situations concrètes, ecclésiales et humaines, le contexte social donnant à l’ecclésial sa vraie dimension, et à risquer la mise en référence  de l’analyse avec l’Evangile. Seule la réflexion à partir du vécu, élucidé, compris, assumé, peut donner naissance à une réflexion théologique enracinée dans la réalité et apte, par conséquent, à devenir une instance critique susceptible de réorienter le vécu »[43]. Au fond, ce qui est demandé à l’Eglise africaine, c’est d’être non seulement comme une réalité divine au milieu du peuple mais aussi comme une structure sociale à côté des autres structures de la société. Faisant partie de l’Eglise universelle, exemple unique de communauté multi-raciale, multi-nationale et multi-culturelle qui est la nouvelle humanité de Dieu, elle ne peut vivre en vase clos. Car, si Christ a renversé le mur de séparation, ce n’est pas à l’Eglise africaine de le reconstruire à force de chauvinisme, de racisme, de tribalisme, de classes sociales ou de castes. Elle doit au contraire développer la communion avec d’autres églises, par la prière, par la solidarité et la coopération dans divers domaines. Ce faisant, la théologie d’une Eglise doit se dégager dans une communauté de foi suscitée par l’Ecriture, en interaction avec d’autres théologies du passé et présent et en se confrontant à la culture locale et à ses besoins.
En guise de conclusion, je me permets de citer un proverbe africain qui illustre la profondeur culturelle de la pensée traditionnelle africaine sur la diversité religieuse, le multiculturalisme, le vivre ensemble : « Dans la forêt, quand les branches des arbres se querellent, leurs racines s'embrassent ». Les branches, c'est la diversité, les singularités qui distinguent et séparent. Les racines qui s'embrassent, c'est l'intangible, les valeurs universelles profondes qui unissent. Le défi pour la vitalité de l'arbre entier, la société, consiste à ne pas couper, éliminer, masquer la diversité des branches, des communautés de la société mais de nourrir le tronc par le « vivre ensemble », par la dialectique de l'unité dans la diversité, et de faire en sorte que les racines qui s'embrassent puissent nourrir les branches qui se querellent. Ce proverbe, expression de la culture populaire, illustre la prégnance de la question du multiculturalisme et de la pluralité religieuse  en Afrique et l'urgence de la revisiter au regard de ses tensions actuelles.   

Je vous remercie de votre aimable attention !


Prof.  Jimi ZACKA

Théologien, Anthropologue



P.S. : La rédaction de Thephila.com prévient les lecteurs contre toute utilisation de ses textes ne mentionnant pas la source et le nom de l’auteur de l’article comme cela a pu arriver.
 


[1]  Paulin Poucouta est un prêtre catholique congolais du diocèse de Pointe-Noire, docteur en théologie biblique et docteur en histoire des religions.
[2] Kä Mana, L’Afrique va-t-elle mourir ? Essai d’éthique politique, Paris, Karthala, 1993, p.72-75.
[3] Ce colloque s’est donné comme perspectives d’avenir en somme l’engagement pour la libération du peuple en souffrance à travers une théologie ayant comme caractéristiques : une théologie en situation, une théologie libération et une théologie de lutte contre le sexisme. Cf. K. Appiah et al, Libération ou adaptation ? La Théologie africaine s’interroge. Le colloque d’Accra. Paris : L’harmattan, 1977, p. 230-232.
[4]
[5] La tendance « libérationiste » est dominée par Jean-Marc Ela. Cette tendance tente de replacer l’Eglise au coeur des questions sociopolitiques. Pour J.M. Ela, Le cri de l’homme africain. Questions aux chrétiens et aux Eglises d’Afrique, Paris : L’harmattan, 1980, p.150, 153., la mission de la théologie, dans ce contexte, « n’est autre chose qu’une reflexion à partir de l’expérience vécue…La théologie est un travail de déchiffrage du sens de la Révélation dans le contexte historique où nous prenons conscience de nous-mêmes et de notre situation dans le monde ».   
[6] La tendance « culturaliste » est prônée par E. Mveng qui part du principe que toute théologie est contextuelle. Ainsi, la libération, telle qu’elle est envisagée en Amérique Latine, n’a rien à voir avec la réalité africaine. L’africain, dépouillé de son âme, apparaît, dans son contexte, comme un « non-être ». Autrement dit, « l’africain est pauvre parce qu’il n’est pas et non pas parce qu’il n’a pas. Alors que la pauvreté dont il est question en Amérique latine est matérielle, celle qu’on vit en Afrique est, d’abord et surtout anthropologique ». Lire E.Mveng, « Eglises et solidarité pour les pauvres en Afrique : la paupérisation anthropologique », dans
[7] J.M. ELA, Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère, Paris, Khartala, 2003 ; E.MVENG, L’Afrique dans l’Eglise. Paroles d’un croyant, Paris, L’Harmattan, 1985 ; O. BIMWENYI KWESI, Discours théologique négro-africain. Problème des fondements, Paris, Présence africaine, 1981 ; F. EBOUSSI BOULAGA, Christianisme sans fétiche. Révélation et domination, Paris, Présence africaine, 1981 ; M. HEBGA, Emancipation d’Eglises sous tutelle. Essai sur l’ère post-missionnaire, Paris, Présence africaine, 1976.
[8] G. KÄ MANA, La nouvelle évangélisation en Afrique, Paris/Yaoundé, Khartala/Clé, 2000 ; IDEM, Théologie africaine pour temps de crise. Christianisme et reconstruction de l’Afrique, Paris, Khartala, 1993.
[9]  G. Kä Mana s’est imposé comme chef de file avec ses ouvrages : Foi chrétienne, crise africaine et reconstruction de l’Afrique. Sens et enjeux des Théologies africaines contemporaines, Nairobi, Lomé, Yaoundé : CETA, HAHO, CLE, 1992 ; Ethique écologique et reconstruction de l’Afrique, Bafoussam/ Yaoundé : CIPCRE / CLE, 1997 et plusieurs autres ouvrages et articles sur ce thème.
[10]  Cf. La Renaissance africaine et sa prospective, sous la direction de José DO-NASCIMENTO et MAWAWA MÂWA-KIESE, Paris, Ed. Paris, 2001, pp.349.
[11] G. Kä Mana, La nouvelle évangélisation en Afrique, Paris et Yaoundé : Karthala & CLE, 2000.
[12] E. Messi Metogo, Théologie africaine et ethnophilosophie. Problèmes de méthode en théologie africaine, Paris : L’harmattan, 1985, p.55.
[13] Cité par l’Effort camerounais du 05 mars 1972.
[14] B. Bujo et J. Ilunga Muya, éd. Théologie africaine au XXI°siècle. Quelques figures., Vol.1, Fribourg : Presse Universitaire, 2002, pp. 7-8 ;
[15]   
[16]A.Vanneste, « Acquis et défis de la théologie africaine », Théologie africaine. Bilans et perspectives, actes de la dix-septième Semaine théologique de Kinshasa, 2-8 avril 1989, pp. 185-198, p.188.
[17]  D. Bosch, Dynamique de la mission chrétienne. Histoire et avenir des modèles missionnaires, Paris/ Genève/ Lomé : Karthala, Labor & Fides, Haho, 1995, p.  .
[18] Ibid, p.
[19] Ibid, p.610- 611
[20] 
[21] Note spéciale de Pro Mundi vita sur le Burundi, n°25, pp. 16-17.
[22] D. Forrester, Theology and Politics, Oxford: Basil Blackwell, 1988, p. 163.
[24]  Cf. A. Rakotoharintsifa, « Sola fide en Afrique : la théologie face au repli identitaire », Sola fide, mélanges offerts à Jean Ansaldi, sous la direction de Elian Cuvillier, Genève : Labor & fides, 2004, pp. 237-246, p.245.
[25] J. Dupuis, La rencontre du Christianisme et des religions, Paris, Cerf, 2002, pp.19-33.
[26] Par exemple, un colloque interreligieux a été organisé par RFCE-RCA à Bangui (RCA) du 04 au 07 Février 2010 sur le thème « Le dialogue interreligieux pour la consolidation de la Paix en RCA et dans la sous-région ».
[27]  J. Matthey, « La liturgie au cœur de la mission. Un point de vue protestant. », Perspectives Missionnaires 45-46, 2003, p.93.
[28] Lire à cet effet, L. Moreau, « L’islam, religion africaine », Lumière & Vie 163, Juillet-Aoùt 1983, p.52, pp.49-62.
[29]  Ibid, p.59.
[30] Cf. Bosch, p.
[31]  E. Messi Metogo, Dialogue avec les religions traditionnelles et l’Islam en Afrique Noire,
[32] Lire à cet effet, J. P. Zacka, Possessions démoniaques et exorcisme dans les Eglises Pentecôtistes d’Afrique Centrale, Yaoundé : CLE, 2010, pp. 47-54.
[33] Cf. Ibid
[34] Comme Bosch, op.cit. p. 398 le souligne avec raison, « lorsque l’on examine les normes culturelles occidentales imposées de mille manières et plus ou moins ouvertement aux croyants du Tiers monde, il est important de noter le phénomène suivant : qu’ils soient libéraux ou conservateurs, les cercles missionnaires partagèrent la conviction que seul le christianisme pouvait constituer la base d’une civilisation viable ». 
[35] Messi Metogo, op.cit., p.1
[36] Cf. S. Semporé, « Le défi des églises afro-chrétiennes », Lumière&Vie, n° 159, Sept-Oct, 1982, pp. 43-59.
[37] Nous soulignons que l’Eglise kimbanguiste fut la première église afro-chrétienne à s’être affiliée au Conseil œcuménique des Eglises en 1971 comme membre de plein droit.
[38] Semporé, op. cit.,  p. 44.
[39] Lire en effet Zacka, op.cit., p.97.
[40] Récemment, durant de graves crises nationales, l’estime et la confiance des populations de certains pays africains ont fait appel à des membres de la hiérarchie ecclésiale comme médiateurs impartiaux et pacificateurs prudents. Des évêques, au Bénin ( Mgr De Souza), au Congo (Mgr Kombo), au Gabon (Mgr M’ve), au Congo démocratique ex-Zaïre (Mgr Mosengo) se sont retrouvés président de la Conférence nationale et actuellement en RCA (Mgr Pomodimo) joue le rôle du médiateur nationale. Justement parce qu’ils apparaissaient comme intègres, se situant au dessus des partis politiques et des intérêts particuliers.
[41]Cf. A. Rakotoharintsifa, op.cit., p. 246.
[42] A. Quenum, « L’inculturation : une chance ou un piège pour l’avenir », dans Le Synode africain 10 ans après. L’Eglise- Famille. Intérêt, bilan et perspectives. Revue de l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (Rucao), n° 20, Abidjan, 2004, p.62-63.
[43] Propos recueillis par Cathérine Parias, parus dans témoignage chrétien du 08 février 1973.

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