dimanche 19 novembre 2017

COMPETITIONS / RIVALITES A CORINTHE : 1 Cor 3.4



 LE MONDE DE COMPETITIONS

Réputée mesurer la grandeur des individus non à travers leurs origines mais en fonction de leurs mérites, la compétition s'impose aujourd’hui comme le principe de classement dominant parmi les hommes, au point d'envahir toutes les dimensions de notre quotidien. Concurrences, performances, prééminence, tout semble devenir des facteurs déterminants de construire une identité séduisante. La compétition est ainsi devenue un mode de distinction, mieux encore un désir mimétique (je veux absolument devenir comme lui). A ce propos, un effort de définition pour mieux explorer le sens du mot « compétition » semble nécessaire.

DEFINITION DE COMPETITION 
 
     Le Larousse en ligne[1]et le Dictionnaire étymologique du français[2] s’accordent sur un point : l’entrée du mot compétition dans la langue française se fait au 18e siècle par l’anglais competition, lui-même dérivé du latin competitio qui signifie "candidature rivale". Selon le Larousse (édition de 1905), c’est la « revendication d’un même objet ». Mais  soixante ans plus tard, la 9e édition (1992-) fait apparaître un enrichissement du vocabulaire, notamment celui-ci :« Rivalité entre des personnes ou des groupes de personnes en vue d'obtenir une dignité, une charge, une fonction et, par ext., un avantage ». La compétition, dans un sens, est une rivalité âpre et ardente, c’est une forme d’entrer en rivalité avec quelqu’un d’autre. 
     Il convient de souligner que le mot « compétition » n’est pas dans la Bible et Jésus n’en parle même pas dans l’Évangile, pourtant la Bible est riche d’exemples de rivalités, voire même parmi les disciples de Jésus. À l’instar de l’Église de Corinthe, d’autres Églises ne sont pas à l’abri des rivalités sévissant parmi les chrétiens ou les responsables. 

 COMPETITIONS ET RIVALITES A CORINTHE

     Paul consacre le début de la première Lettre aux Corinthiens à tenter de redresser une situation conflictuelle issue des rivalités  : il y a des divisions parmi les Corinthiens, des sortes de rivalités qui s'appuient sur des raisons infondées. On se réclame de Paul, d'Apollos ou de Cephas (c'est-à-dire Pierre) comme s'il y avait là matière à se supplanter.  C'est pour ce motif probablement qu'Apollos, en 16,12, ne veut pas revenir tout de suite à Corinthe, il craindrait d'alimenter les rivalités. Actes 18,24, nous apprend qu'Apollos est éloquent. Paul en regard, semble ne pas être très éloquent si l'on en croit 1Co 1,17 ou 2,1-4 et aussi 2Co 10,10. Certains sont du parti d'Apollos, serait-ce un groupe d'intellectuels ? Certains sont du parti de Paul, serait-ce un attachement excessif parce qu'il est le premier à leur avoir apporté l’Évangile ? Certains sont du parti de Pierre, serait-ce un indice que son autorité était universellement reconnue ?
     À cause de ces préférences, provoquées par l'immaturité des Chrétiens de Corinthe, les rivalités ont été amplifiées dans l'Église de  Corinthe. Que les Corinthiens soient prêts à élever un responsable au-dessus d'un autre montre qu'ils n'ont pas compris ce qu'est un responsable dans l'Église. Ainsi donc, Paul les corrige: "Qu'est-ce donc qu'Apollos, et qu'est-ce que Paul? Des serviteurs, par le moyen desquels vous avez cru, selon que le Seigneur l'a donné à chacun." L'idée que Paul veut faire passer dans les versets 5 à 9, c'est que les responsables dans l'Église de Corinthe étaient égaux. Ils n'étaient pas en rivalité, ni en compétition. Ils cherchaient le même but - proclamer le message de la croix, enseigner et former l'Église. Ils travaillaient ensemble pour y arriver, mais c'est Dieu qui a agi dans les cœurs des hommes pour faire croître l'Église.L'un "plante", l'autre "arrose". La complémentarité dans le corps du Christ est effective. Seul Dieu qui récompense chacun de ses serviteurs.

COMPETITIONS ET RIVALITES ENTRE LES EGLISES D'AUJOURD'HUI
     Malheureusement, il est notoire de constater que les rivalités prennent de l'ampleur entre les différentes confessions religieuses aujourd’hui. En effet, c’est au quotidien que fidèles et Pasteurs se mènent une guerre sans merci, sur l’interprétation des saintes écritures, sur les biens matériels, sur les promotions, sur les connaissances (diplômes), etc. Des différends qui entraînent souvent des dissensions, des divisions, ou de froideur dans les relations. 
      Notons que la rivalité vient souvent du mimétisme (imiter l'autre pour être égal à lui) dont les effets pervers sont la haine, la jalousie ou l'envie. En effet, c'est ce que remarque finement René Giscard "Seul l'être qui nous empêche de satisfaire un désir qu'il nous a lui-même suggéré  est vraiment objet de haine. Celui qui hait se hait d'abord lui-même en raison de l'admiration sécrète qui recèle sa haine"
      Mais, pour l’apôtre Paul, dépasser les individualités et les rivalités est un signe de la présence du Saint-Esprit en soi. Car, dans l'unité du Père, Fils et Saint-Esprit, il n'y a aucune compétition. A cet effet, nous nous devons de reconnaître que Dieu nous a choisis pour ne pas être dans  un triomphalisme nous conduisant à entrer en compétition avec les autres,  c’est une gratitude de Dieu qui nous permet de jouer spécifiquement notre rôle dans le Corps du Christ avec humilité (1 Cor 12.12-30). La rivalité mimétique n'est qu'un jeu du diable pour détruire l’Église du Christ.

Prof. Jimi Zacka, PhD
Bibliste et Anthropologue









[1] http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/comp%C3%A9tition
[2] Jacqueline Picoche, Roberts, Paris, 1990