vendredi 13 octobre 2017

EN QUOI LE CHRETIEN, EST-IL "LUMIERE" DU MONDE ? (MATTHIEU 5.14)


En quoi le chrétien est-il "lumière du monde"? C'est quoi "être lumière du monde"? Telles sont les questions qui me taraudent tout le temps. Dans Matthieu 5. 14,  "Jésus dit : vous êtes la lumière du monde". Pourtant, nous n’avons pas tellement l’impression d’être, individuellement, indispensable au progrès de l’humanité tout entière ou à la beauté de l’univers. En d'autres mots, nous ne semblons pas devenir la "lumière"  voulue par le Christ pour éclairer ce monde ténébreux. 

Jésus dit quand même, à chacun de nous individuellement : vous êtes, tu es, je suis la "lumière du monde". Il le dit parce qu’il le croit, et il le croit parce que c’est une évidence pour lui. Et pour que cela soit une évidence pour Lui, il faut que cela soit une réalité fondamentale pour nous. Il y a en chaque personne un génie propre et un point de vue original. Cela fait que personne d’autre ne pourrait apporter au monde ce que nous chrétiens, individuellement, pouvons lui apporter. C'est une responsabilité d'apporter sa propre "lumière" au monde.
En d'autres termes, si les chrétiens veulent être pris au sérieux comme partenaires pour la construction de la paix dans les sociétés actuelles, ils devront s’interroger sur leurs manières de vivre entre eux et avec d’autres. Par exemple, si les chrétiens demandent au monde de vivre le pardon, il faut qu’on puisse trouver des exemples de pardon dans les communautés chrétiennes. S’ils demandent au monde de pratiquer la fraternité, il faut qu’on puisse trouver des signes de la fraternité dans les communautés chrétiennes. L’Église apparaît ainsi comme lieu du paradigme social sur le plan éthique et moral. 

Une Église de Dieu dans laquelle on aimerait avoir, à la manière de la Trinité, l’amour comme dessaisissement de soi, serait une partenaire crédible pour la construction de la paix dans la société. A quoi sert de critiquer la société si nous-mêmes sommes incapables de vivre ce que nous reprochons aux autres? Pourquoi reprocher aux autres l'incohérence de leurs paroles si nous-mêmes ne comprenons pas ce que Jésus nous reproche: "Que votre oui soit oui et votre non soit non" (Mt 5.37).

Savoir dire "oui" et "non" est le but fondamental de l'enseignement de Jésus qui consiste à permettre aux êtres humains de se réveiller spirituellement, voir clair en eux, à partir de là de s'améliorer, et de devenir ainsi de véritables êtres humains, capables, en tant que tels, de s'élever vers la Lumière.

 Malheureusement, aujourd'hui, les chrétiens sont dans le célèbre jeu de "ni oui ni non". Cela consiste à ne jamais prononcer ces deux mots pendant un certain laps de temps sous peine d'être disqualifié par les sociétés de ce monde. L'enjeu est de chercher à plaire aux hommes.

Pourtant, la question est toujours de savoir ajuster une prise de position nécessaire de la part de l’Église ou de ses représentants en matière politique et une prise de distance tout aussi nécessaire par rapport à la politique partisane.
Par exemple, le chef religieux a le droit de faire savoir sa position, non seulement comme citoyen, mais surtout comme leader référent de la société. De plus, l’Église se doit de prendre une position claire quant à certains principes non négociables — la bonne gouvernance, la démocratie, la justice —, qui sont constamment réaffirmés dans la doctrine sociale de l’Église.

Quand Jésus nous dit “ Vous êtes le sel et la lumière du monde ”, il ne nous fait pas la morale, comme s’il disait : recevez la lumière de Dieu et transmettez-là. Mais Jésus affirme, comme un état de fait, que nous sommes la lumière du monde. 

La lumière dissipe les ténèbres, elle réchauffe tout ce qu’elle touche, elle libère les formes. Tout cela  survient à la vitesse de l’éclair. Être la lumière du monde, ça veut dire pour les chrétiens diffuser partout la lumière qui vient d’en haut. Ça veut dire combattre les ténèbres nées du mal et du péché, causées souvent par l’ignorance, les préjugés et l’égoïsme. Plus nous regardons le visage de Jésus, un peu comme une toile impressionniste, plus nous voyons la lumière et plus sommes transfigurés par elle. 

C'est aussi notre apport personnel dans notre société. Jésus ne dit pas « que la lumière de Dieu brillera à travers vous » mais il dit « que VOTRE lumière brille sur ceux qui vous entourent » pour embellir la vie grâce au rayonnement de  l'amour de Dieu. 

C’est la lumière, éclatante ou voilée, de notre être intérieur qui monte à la surface et qui se livre à autrui. 

Lorsque Jésus parle à ses disciples, il voit cette lumière, il voit le fond de leur coeur monter sur leur visage. Ses disciples sont si heureux de l’écouter, ils sont tellement pris par sa parole et pris aussi au meilleur d’eux-mêmes, que leur visage en est tout illuminé. «  Tu as les paroles de la vie éternelle ! » criera Pierre dans un grand élan. Ce n’est pas là, lumière passagère d’un feu de paille, non, ces disciples aiment la parole de leur maître. Cette parole suscite leur désir de la mettre en pratique. Cela ne leur semble pas au-dessus de leurs moyens ; comme dit l’Écriture (Deutéronome 30, 14) : «  La parole est tout près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur pour que tu la mettes en pratique ».

C'est dire que l’Église ne doit pas se constituer en une donneuse de leçon, ni s'engluer dans un rôle de moralisateur, mais doit vivre et dire la Parole du Christ afin d'être capable de changer le monde. Elle est appelée à être une référence sociale par ce qu'elle-même dit et vit. C'est cela, être "lumière du monde".

D'ailleurs, la lecture du prophète Esaïe 58,7-10, nous rappelle que Dieu ne se satisfait pas d’un culte purement extérieur; il exige aussi la sincérité du cœur. Esaïe précise le genre de jeûne que le Seigneur attend de nous. Il incite ses auditeurs à « faire disparaître le joug, le geste de menace, la parole malfaisante » pour « donner de bon cœur à celui qui a faim et combler les désirs du malheureux ». Car ainsi « ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi » dit-il.

Ainsi, par leurs gestes, les disciples sont censés exercer une influence positive sur le monde. Ils ne peuvent pas plus passer inaperçus qu’une ville sise sur une montagne. Si leurs bonnes œuvres ne font pas le poids, ils sont aussi inutiles qu’un sel dénaturé ou une lampe dont on a masqué la lumière.  

En nous invitant à être « lumière », Jésus nous invite à le rendre présent dans le monde. La présence de la lumière ne peut rester cachée, et son absence sera aussitôt remarquée ; de même, il est impossible de nier la bonté de ceux et celles qui font le bien. Les bonnes œuvres pratiquées par la main ouverte ont un éclat resplendissant qui poussent les gens à rendre gloire à Dieu pour la sainteté qui transparaît en ses créatures.C'est en cela que la lumière de la foi scintille comme des étoiles au regard de ceux qui sont perdus dans les ténèbres de ce monde.



 Prof.  Jimi ZACKA, PhD
Exégète, Anthropologue