dimanche 8 janvier 2023

« FEMME, VOICI TON FILS (…) VOICI TA MERE »  EN RÉSONANCE TESTAMENTAIRE AVEC LA PARENTALITÉ[1] AFRICAINE[2]. Lecture comparative de Jean 19.26-27  Jimi ZACKA

Introduction

Quelle résonance faut-il accorder à la troisième parole de Jésus sur la croix : « Femme, voici ton fils. (…) Voici ta mère. » (Jn 19,26.27) ? Quel sens doit-on donner à cette parole du haut de la croix ? Je vais tenter de répondre à ces deux questions qui résonnent d’un autre sens, à partir de mes réflexions en tant que bibliste africain. L'adresse de Jésus à sa mère : « Femme, voici ton fils » et puis au « disciple qu'il aimait [3]» engage clairement l'un envers l'autre dans une nouvelle relation de parentalité. Bien sûr, cette scène peut être comprise avant tout comme un signe d'affection, l'attention de Jésus à sa mère, la plaçant sous la protection de quelqu’un d’autre, son « disciple bien-aimé » pour répondre à ses besoins. Tous les bons Juifs devaient honorer leur père et leur mère[4]. C'est ce que Jésus semble faire ici. Certes, vous pouvez aussi vous en tenir à la compréhension de cette scène de cette manière, mais je pense qu’il y a une autre résonance qui fait écho dans la tradition africaine et qui me motive à faire une autre lecture : une lecture comparative. C’est le fait de confier un proche à un tiers pour prendre soin de lui ou l’acte de confiage[5]. Cette forme de prise en charge se révèle souvent lorsqu’on est sur le point de quitter ce monde (mourir).  Ainsi, le verbe se trouve être le moyen le plus adéquat de transmettre sa dernière volonté en présence de quelques témoins tirés sur le volet. Dit autrement, la dernière volonté d’un mourant, dans ses dernières heures, est considéré comme un testament verbal[6]. Car, les dernières paroles sont souvent précieuses dans l’oralité africaine. A plus forte raison celles de Christ sur la croix.  Ainsi est-il important de saisir le sens de cette troisième parole.  

En outre, la parole testamentaire, revêtue du sacré, est un moyen adéquat de perpétuer une volonté après la mort. Il peut alors être défini comme une parole dotée du pouvoir de prendre effet aussitôt le décès du testateur. Cela traduit aussi la propension humaine à vouloir tout contrôler, même au-delà de ce monde. Le testament serait ainsi le prolongement de la personne humaine dans l’au-delà. En d’autres mots, en décidant de la façon dont la parole sera scrupuleusement respectée, cette personne continuerait de vivre. Serait-ce ici une manifestation du caractère inviolable et sacré de la parole d’un mourant.

Dans cette optique, il m’est donc important d’analyser l’une des sept paroles (la troisième) que Jésus prononce sur la croix[7]. Car, la déclaration « Femme, voici ton fils. (…) Voici ta mère. » (Jn19,25.27) a une connotation testamentaire. Deux éléments importants ressortent de ce genre de discours testamentaire. D’un côté, celui qui va mourir confie sa dernière volonté à perpétuer après sa mort. De l’autre, cette dernière volonté est une recommandation suprême du mourant reçue comme une parole sacrée dont la valeur n’est pas à négliger. En effet, la communauté doit y veiller, l’exécuter et la transmettre.  La scène de Jn 19.25-27 centrée sur Marie et le « disciple bien-aimé » les situe dans la dernière volonté de Jésus.  Mais pour quelles raisons Jésus fait-il recours à une rhétorique testamentaire pour sa mère et son « disciple bien-aimé » ? Telle est la question qui me taraude l’esprit.

Approche contextuelle de Jean 19.25-27   

Il y a trois choses qui me frappent à la lecture de ce texte. La première est que l’évangéliste Jean est le seul qui nous apprenne cette circonstance qui fait un écho testamentaire dans les dernières heures du Crucifié. Si les autres évangélistes décrivent un monde ébranlé au moment où Jésus fut crucifié, le ciel couvert de ténèbres, le soleil refusant sa lumière, le ciel ouvert au bon brigand pieusement repentant, l’évangéliste Jean nous apprend ce dont les autres n’ont pas parlé. Il s’agit de la séquence testamentaire dont Jésus fait résonner du haut de la croix, en s’adressant à sa mère et à son « disciple bien-aimé » : « Femme, voici ton fils. (…) Voici ta mère. » (Jn 19,26.27).

La deuxième chose est qu’il ne se trouve au pied de la croix que des femmes[8]. Les hommes ont fui. En Mt 26,56 et Mc 14,50-51 soulignent que « …tous les disciples l’abandonnant, s’enfuirent » et Pierre, un peu plus tard, le renie. (Mt 26,69). C’est dire que les disciples hommes avaient une autre idée sur Jésus et, à l’exception de celui que Jésus aimait, ils sont tous absents à Sa crucifixion. Pour Matthieu, Marc et Luc, les femmes se tiennent à distance de la croix, pour Jean, au pied de la croix : cela ne change pas grand-chose pour cette étude. Les femmes sont là.  

En d’autres termes, les siens sont représentés par quatre femmes et le disciple que Jésus aimait. Mais, pour mettre l’accent sur l’auditoire réceptif des dernières volontés de Jésus, l’auteur se focalise sur deux figures importantes de l’ensemble du récit : la mère de Jésus et le disciple bien-aimé. Ce qui est également intéressant dans cette scène, c’est que ces deux personnages sont anonymes (comme c’est d’ailleurs le cas dans l’ensemble de l’Évangile). On peut se demander pourquoi, mais on peut aussi dire qu’en omettant de les nommer, c’est le lien de proximité les unissant à Jésus qui est ainsi mis en exergue : « mère », « bien-aimé » sont deux termes qui marquent bien cette proximité affective. En effet, Jésus adresse son testament, du haut de la croix, aux deux intimes. Lui qui part vers Son Père, lui qui sera désormais absent, ne les laisse pas dans le désarroi, démunis. Il remet les deux dans une perspective de prise en charge et de responsabilité l’un envers l’autre. Comme il a été souligné plus haut, Jésus, en prononçant cette parole, veut tout simplement perpétuer sa volonté de les unir dans une nouvelle parentalité. Comme cela se dit en Afrique, il fait naître en effet des liens familiaux d’une singularité inédite.

La troisième chose est que la figure du père est effacée. Le lien filial prend alors la place du lien conjugal, au détriment de tout. Le terme « femme, voici ton fils » (Γύναι ίδε ο υιός σου) semble avoir une signification symbolique très forte : il résonne comme l'annonce de quelque chose de fondamentalement nouveau que Jésus instaure peu avant de rendre l’âme même si une telle déclaration n’a aucun sens à la vue humaine. Et la question est de savoir pour quelles raisons, malgré sa propre souffrance, Jésus présente son « disciple bien-aimé » à sa mère[9] comme un fils (ο υιός) chargé de la prendre en charge[10] ? « Voici ton fils » (ίδε ο υιός σου) : le terme “fils” (ο υιός) apparaît ici comme un nom. Et, nommer dans la Bible est un acte qui induit et suppose l’avènement d’un sujet inséparable de ce nom, qu’il porte et qui le porte, participant à ses prérogatives et sa destinée : comme l’illustre le rite du judaïsme biblique. L’attribution du nom « fils » au « disciple bien-aimé » l’identifie dans la filiation et la parentalité instaurées. Ainsi naît un nouveau lien, une nouvelle responsabilité, une nouvelle famille.  Ici, il s’agit d’une parenté qui n’est pas biologique mais affective et éthique. C’est comme en Afrique, on est parent parce qu’on partage le même espace social et affectif ; c’est ce qu’on appelle une parenté de fréquentation affective. On peut l’observer par l’usage fréquent du mot frère, sœur, mère, père, oncle (tonton), entre personnes qui n’ont pourtant aucun lien biologique de parenté, mais qui sont unis par une approche affective.

C’est ce que nous remarquons dans le texte. Les deux termes « ton fils » (ο υιός σου) et « ta mère[11] » (η μήτηρ σου) sont chargés de connotations affectives mais également éthiques. Ils sont également connotés des conceptions spirituelles en rapport aux liens familiaux. En d’autres mots, le « disciple bien-aimé » apparaît ici comme un fils remplaçant « le Fils aîné d’une multitude de frères » (Rm8.29). Dit autrement, le « disciple bien-aimé » devient « fils », et donc le successeur de Jésus sur terre et revêtu d’une double responsabilité suivante :

Dans un premier temps, cela peut surprendre, mais dans ce texte, le « disciple bien-aimé » reçoit, selon la parole testamentaire de Jésus, le devoir d’un fils chargé de prendre soin de la mère. Dans cette famille nouvellement constituée et qui perdurera après le départ de Jésus, le « disciple bien-aimé » se voit donc chargé de ce rôle spécifique de prendre soin de sa mère.  C’est pourquoi, d’ailleurs, la rhétorique testamentaire de Jésus fait effet d’une spontanéité d’obéissance à sa volonté. Aussitôt, filiation et résidence s’harmonisent pour répondre à la parole de Jésus : « Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui » (Έλαβεν αυτήν ο μαθητής εις τα ίδια). La résidence (εις τα ίδια) étant la seconde dimension de la structure familiale, dénote ici la spontanéité à laquelle le « disciple bien aimé » obéit à la volonté de Jésus en prenant chez lui la mère (Έλαβεν αυτήν ο μαθητής). En effet, l’obéissance du « disciple bien-aimé » peut être appréhendée en tant que vertu d’une part et en tant qu’un vœu d’autre part. Dit autrement, avant d’être un vœu, l’obéissance est d’abord et avant tout une vertu.  Par vertu, on entend « la capacité d’un individu de tendre au bien » et l’obéissance en tant que vœu consiste à se conformer à une certaine voix supérieure qui, en définitive remonte à Dieu. En obéissant à la dernière volonté du Crucifié, « le disciple bien-aimé » s’engage à un vœu, celui de prendre définitivement soin d’une mère éplorée. Il y a lieu de retenir ici que l'obéissance véritable se concrétise dans le service du prochain, à l 'égard duquel chacun doit avoir autant d 'attention qu'il en porte à soi, et cela parce que, sur tous les hommes, l'amour de Dieu étend une même sollicitude paternelle

Dans un deuxième temps, nous pouvons remarquer que tout au long de l’Évangile selon Jean, le « disciple bien-aimé » est présenté comme un intime de Jésus, présent lors des moments clefs de la mission de Jésus. Il est donc témoin, oculaire et exemplaire, de ces événements. Par exemple, il repose sur le sein de Jésus quand celui-ci annonce qui va le trahir (13.23) ; il est là lors de l’interrogatoire chez Anne (18.15) ; il est présent ici, lors de la crucifixion (19.25-27) ; puis il sera l’un des tout premiers à se rendre au tombeau vide de Jésus et à croire qu’il est ressuscité (20.8-9).

Ainsi, le « disciple bien-aimé », qui est aussi l’auteur de cet Évangile, est présenté comme un personnage parfaitement capable d’assurer la juste interprétation de tous ces événements, la juste interprétation de tout ce qui s’est déroulé pendant le ministère de Jésus. Et donc, quand Jésus le nomme « fils » à sa place, il devient l’héritier légal du testament. Il lui confie légalement cette mission d’interprétation de son œuvre. Tout comme Jésus, en tant que Fils, devait révéler qui est Dieu, c’est maintenant sur le disciple bien-aimé que repose la communication de tout ce qu’a pu révéler Jésus. Si Jésus n’est plus là, ce nouveau « fils » devra continuer l’œuvre de Jésus en l’expliquant, en témoignant, en l’interprétant correctement. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en écrivant cet Évangile où nous lisons à la fin : « C’est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites. Et nous savons que son témoignage est vrai » (Jn 21.24).

Mais qu’en est-il de la mère ? Que représente-t-elle dans ce nouveau lien ? N’est-elle qu’une simple réceptrice de la prise en charge de son nouveau « fils » ?  Le texte ne présente pas de réciprocité dans les rôles impartis par Jésus. Non. Le « disciple bien-aimé » est le seul qui est investi d’une mission, si bien qu’à la fin de la scène, reconnaissant le rôle que Jésus lui a confié, il obtempère : « il la prit chez lui » (v. 27).  Donc, si le disciple devient « fils » (ο υιός) à la suite de Jésus, la mère de Jésus demeure, elle, « mère » (η μήτηρ) chez son nouveau fils (ο υιός) selon la parole testamentaire. Cette remarque est importante, parce qu’elle remet quelque part en cause une interprétation courante de cette scène, une interprétation qui voudrait que la mère de Jésus devienne ici « mère de tous les croyants ». Or, ici, c’est le disciple bien-aimé, devenu « fils », en tant qu’héritier légal, qui agit envers la mère, c’est lui qui accueille et prend soin de la « mère » (η μήτηρ). Prendre soin de sa mère est une responsabilité éthique, morale, selon la mitsvah d’honorer ses parents[12].

Toutefois, au-delà de sa personne, la « mère » (η μήτηρ), joue un rôle implicite de toute mère juive[13] et représente toutes les figures réceptrices de la Parole de la Croix. Au-delà de la mère de Jésus, ce sont tous ceux-là, les membres de la famille de Dieu nouvellement constituée, qui sont confiés au « disciple bien-aimé », à ce témoin par excellence, digne de confiance, dont le rôle semble connoté ici d’une dimension pastorale.

Relecture de Jn 19.25-27 dans une perspective de parentalité africaine

1.       Deux clefs de lectures en résonance avec la parentalité africaine

La péricope de Jn 19.25-27 propose deux volets d’interprétations en résonance avec la parentalité africaine : le premier volet est celui de la prise en charge d’un parent âgé en regard de l’individualisme des sociétés occidentales. Car, la question de la prise en charge d’une personne âgée dans certaines traditions africaines est centrale, respectée, et fait objet de tous les égards. Cette prise en charge résulte d’une solidarité familiale robuste, établie culturellement et indéboulonnable, symbole d’une identité africaine essentialisée, s’opposant à la vieillesse occidentale incarnée par ses maisons de retraite. En effet, les termes « Femme, voici ton fils. (…) Voici ta mère. » (Jn 19,26.27) offrent des pistes de réflexion sur la pratique traditionnellement observée au sein des dynamiques familiales en Afrique. Le deuxième volet évoque le caractère testamentaire qui se profile derrière la dernière parole de Jésus caractérisée par l’impératif « Voici » (ίδε…), même s’il n’est pas explicite. On en trouve l’écho en Mc 3.34b : « Voici ma mère et mes frères… ». Jésus utilise le même « voici » pour solennellement présenter une solution non pas excluante, mais incluante. « Qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi frère, et sœur et mère ». (v. 35).  

Cet impératif « voici » (ίδε…) résonne comme un titre de consécration, de confirmation, et d’appartenance :« Voici » (v32) les êtres qui ont le plus d’importance pour Dieu, ceux qui ont un lien sacré de sang. Par « voici » (ίδε…) Jésus fait ici une révélation capitale. Il évoque une prise de distance vigoureuse par rapport aux liens du sang. Car, les liens familiaux peuvent être unis par le sang et désunis dans la vie concrète. Dit autrement, partager le même sang ne signifie pas forcément bien s’entendre ou s’aimer. Certaines relations avec des membres de sa propre famille—y compris au cœur même des fratries—peuvent être conflictuelles voire réellement nocives. D’ailleurs, les relations que Jésus a entretenues avec sa famille ont apparemment été marquées par le conflit. Ses frères « ne croyaient pas en lui », relève l’Evangile de Jean (7, 5), et ils s’inquiètent : « Il est fou », disent-ils dans l’Evangile de Marc (3, 21). Le jour de la crucifixion, de sa famille proche, seule Marie est présente. Jésus, de son côté, ne s’étonne pas de l’incrédulité des siens : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, dans sa parenté et dans sa maison », déplore-t-il (Mc 6, 4). Lui-même semble n’accorder qu’une importance secondaire aux liens du sang. « Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (Luc 14, 26).

  En effet, dans cette formule, Jésus n’exclut pas la famille biologique, bien au contraire, mais il souligne qu’il y a moyen d’être encore plus glorieux, qu’il y a un chemin qui peut apporter encore plus de fierté, qu’il y a une démarche ouvrant sur une plus grande appartenance encore. Cette manière nouvelle de faire, c’est d’être de sa famille deux fois, non seulement de sa famille de sang, mais de sa nouvelle famille créée selon la volonté de Son Père : « Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère » (Mc 3.35).

 Il propose à sa famille de sang d’embarquer aussi dans cette nouvelle relation liée au royaume de Dieu ici-et maintenant. Ainsi, dans le « voici » (ίδε…), sont indiqués tous ceux qui ont reçu le privilège de devenir enfants de Dieu[14].

En effet, les termes « femme » et « fils » provoquent une dynamique, celle d’appartenir à une nouvelle alliance, non pas celle de sang mais celle qui fait la volonté de Dieu.  Du coup, dans ce nouveau lien, cette parole testamentaire du haut de la croix, fait d’eux des héritiers des dernières volontés du Crucifié. Voici ce qui attire mon attention : cette manière de dire ses dernières volontés trouve écho dans la tradition africaine. C’est-à-dire, la parole testamentaire a, dans les traditions africaines — tout au moins celles que je connais et qui concernent toutes les régions d’Afrique Centrale — un caractère sacré lié à une origine empreinte de « forces éthériques » déposées en elle.

2.     La prise en charge dans le contexte hébraïque en rapport à la parentalité africaine

Dans la Bible, à première vue, il y a peu de références à la prise en charge proprement dite des vieillards. Mais le fait que le cinquième commandement (Exode 20.12) qui enjoint de respecter ses parents[15], se trouve à la charnière des impératifs envers le divin et des devoirs envers le prochain, semble significatif. Respecter les vieillards, c’est donc les prendre en charge ou prendre soin d’eux. On peut supposer que les parents devraient rester à proximité de leurs enfants, du moins de l’un de leurs enfants. Cette injonction, est longuement illustrée dans le Talmud (T.B. Kiddushin 33ab). Était-ce à cela que Jésus s’était-il référé pour confier sa mère au « disciple bien-aimé » ?  Car, le Talmud souligne aussi que dans la vieillesse, la femme prend de l’importance et de la valeur dans la famille[16].  

En lisant des sources extra-talmudiques, on découvre que Ben Sira (le Siracide) qui vécut au IIIème siècle avant notre ère, dans son ouvrage d’éthique, insiste sur le respect dû aux parents[17] ; il énonce que même lorsque les parents perdent leur équilibre psychique, il ne faut pas les abandonner[18]. En outre, il est prescrit que « Philon d’Alexandrie, qui vécut au Ier siècle, nous parle des Esséniens. Il précise que dans cette secte les vieux étaient traités avec le même respect et souci que ceux que les enfants ont envers leurs parents. Ils étaient pleinement pris en charge, aux frais de la communauté »[19].

 Dans les traditions africaines, prendre soin des personnes âgées est constitutif du testament oral. Car, la vieillesse revêt un caractère quasi sacré[20]. Le statut d’être vieillard fait ainsi passer le vieux de son vivant du monde visible au monde invisible. C’est une personne sage, qui, après sa mort, deviendra sacrée, inspirant crainte et respect. Comme il se conçoit dans les croyances africaines : « tout ce qui est se fait de manière visible possède une contrepartie invisible et qu’il y a une interaction. ».  Cela signifie que la prise en charge d’une personne âgée relève d’une responsabilité éthique. Ce phénomène suscite le fait qu’en prenant soin d’un « vieux » dans la famille ou en dehors de la famille, on génère une source de bénédictions[21]. C’est également l’expression de confiance placée en celle ou celui à qui cette charge est assignée par le testateur. Ceci n’est pas obligatoirement synonyme d’adoption. Il s’inscrit dans un principe moral prescrit dans les normes parentales ou familiales, et le respect de l’appliquer provient souvent d’une source testamentaire. Dans ce cas, le « vieillard » est une ressource et non pas un problème ou un poids. Les familles en prennent soin et s’en occupent parce que les signes de vieillesse sont expressifs[22] et la prise en charge devient de plus en plus prégnante.

Malheureusement, aujourd’hui face aux contraintes spatiales, financières et environnementales, et puisque les relations parentales se modernisent de plus en plus, la parentalité est-elle toujours vécue comme de la même manière ? Est-elle tentaculaire ou illimitée ?

La réponse est que l’on note désormais une restriction de l’espace de la parentalité et une segmentation des groupes communautaires. Les cas de prise en charge ne suivent plus les recommandations traditionnelles. De nombreuses familles se transfèrent des campagnes vers les villes. Leurs anciens ne veulent pas se déplacer et demeurent seuls dans les villages. On assiste paradoxalement à un délitement des solidarités familiales et à l’émergence de situations souvent préoccupantes comme l’isolement des personnes âgées, surtout en milieu rural.

Toutefois, le principe acquis demeure toujours comme vecteur d’une éthique fondamentale dans la tradition orale. Puisque la longue vie est un don du Ciel, celui /celle qui rejette cette responsabilité, c’est-à-dire, qui délaisse son père, ressemble au blasphémateur et celui qui ne prend pas soin de sa mère est maudit. En d’autres mots, mal agir envers une personne âgée, même si cela ne se voit pas dans le corps physique, même s’il n’y a aucune trace, cela s’inscrit dans le monde spirituel qui garde la mémoire de tout ce qui a été vécu. Ainsi, cette mauvaise action va continuer à agir sous forme de malédiction dans un monde plus subtil et elle peut même traverser les générations et devenir un problème, une mauvaise écriture à travers le temps. Cela est valable pour une bonne action. C’est pourquoi ; « …le bien fait à un père/une mère ne sera pas mis en oubli »[23]C’est la résonance du message dans le « Voici ta mère » de Jésus du haut de la Croix en s’adressant à son ami le « disciple bien-aimé » lorsqu’Il lui confie sa mère.

3.     Le testament oral : une tradition forte dans la parentalité africaine

Dans la tradition africaine, la mort et la vie sont intimement liées ; la mort ne se comprend qu’à l’intérieur de la dialectique avec la vie, et la vie, dans la dialectique avec la mort. Vivre la mort implique aussi des valeurs culturelles qui orientent et donnent sens aux attitudes devant sa propre mort ou la mort des autres. Ces attitudes sont commandées par les significations rituelles qu’on attribue à la mort.

Mourir, selon les croyances africaines, n’est pas disparaître mais changer de statut, c’est-à-dire, devenir esprit, ancêtre, etc., autant de croyances spirituelles que le christianisme ou qu’aucune religion importée n’a pu déraciner. On accorde ainsi plus d’attention à la dialectique qui s’articule entre la parole d’un mort et celle d’un vivant.

C’est pourquoi, le testament oral joue un rôle essentiel dans les dynamiques familiales africaines. En fait, il existe deux types de testaments : oral et écrit. Et si dans les sociétés modernes, les testaments oraux peuvent être problématiques, puisqu’ils sont beaucoup moins fiables que les testaments écrits, le testament oral, comme celui de Jésus sur la croix, a un rôle déterminant dans la civilisation orale.

3.1.            Pertinence de la verbalité dans le testament oral

Un testament oral a aussi ses formes légales contraignantes, par lesquelles il faut prouver la parole exacte du testateur. En fait, la validité est attestée par les grands détenteurs des traditions orales[24] constitués des gens qui croient que si la parole est authentiquement exacte, il convient d’être exact avec elle. Car, ce qui est derrière le testament lui-même, c’est donc bien la valeur même de l’homme qui donne sa dernière volonté, la valeur de la chaîne de transmission à laquelle il se rattache, la fidélité de la mémoire individuelle et collective et le prix attaché à la véracité de son testament. En un mot, le lien de l’homme avec la Parole. En d’autres termes, là où l’écrit n’existe pas, l’homme est lié à sa parole. Il est engagé par elle. Il est sa parole et sa parole témoigne de ce qu’il est. La cohésion même de la famille repose sur la valeur et le respect de sa parole. Dans la croyance africaine, si on aime quelqu’un et qu’il disparaît, c’est son corps de terre qui n’est plus là, mais sa parole testamentaire continue à exister et parfois, certains êtres le sentent et continuent à vivre avec lui à travers sa parole, et des souvenirs qui ont lieu d’une façon plus subtile, mais qui sont pourtant tout aussi réelles et vivantes. Les membres de la famille doivent être conscients de cette parole testamentaire et donc, non d’une façon abstraite, mais à travers son existence quotidienne.

À cet effet, pour valider le testament oral selon les rituels traditionnels, on se réunit à la fin des veillées funéraires[25]. Cette séance met toujours l’accent sur de différentes questions liées à la dernière volonté du défunt concernant la succession et l’héritage, mais aussi d’autres responsabilités.  Il y a lieu de souligner ici que la parole de ce dernier est considérée comme une parole léguée par celui qui est devenu « esprit ». Ses caractères propres sont la verbalité et la transmission.  Un document écrit est un objet : un manuscrit. Mais un document verbal peut être défini de plusieurs façons, puisqu’un témoin peut interrompre son témoignage, se corriger, se reprendre, etc. Aussi faut-il user d’un certain arbitraire pour définir le témoignage comme l’ensemble de toutes les déclarations du défunt. Le testament oral dans une famille africaine est un message transmis d’une génération à celle qui suit. Car toutes les données verbales ne sont pas des traditions. On distingue d’abord le témoignage verbal du témoignage oculaire qui possède une grande valeur parce qu’il s’agit d’une source « immédiate », non transmise, où les aléas de déformation du contenu sont minimisés.

C’est pourquoi, tout testament oral valable doit remonter d’ailleurs à un témoignage oculaire. Il faut écarter aussi la rumeur, qui est bien une transmission de message mais dont le caractère propre est de traiter de « bruits » qui courent.

C’est également dans cette optique que la Parole du Christ sur la croix n’est pas une parole en l’air. Ce n’est pas n’importe quelle parole. C’est une parole efficace, qui agit, qui a du poids.  C’est à la croix, dans un cri indéchiffrable, et non pas par un discours bien construit, que le Crucifié laisse son testament verbal à son « disciple bien-aimé » et à sa mère : « Femme, voici ton fils. (…) Voici ta mère. » (Jn 19,26.27).

Lui-même comme Parole, « Au commencement était le Verbe… et le Verbe était Dieu » (Jn 1, 1 ; cf. Gn 1, 1), enjoint par ce testament verbal à tous ceux qui croient en Lui, d’appartenir à une famille, l’Église, une communauté qui dépasse les simples liens du sang. Et ceci n’est pas anodin du tout. Jésus ne nous sauve pas, Jésus ne nous donne pas la vie, pour que nous puissions vivre nos vies de disciples chacun dans notre coin. Non, il nous donne une famille, une famille dont les membres peuvent se tenir les coudes dans l’épreuve, se soutenir mutuellement, notamment lorsque la mort les frappe.  


3.2.           Le testament oral, comme dialectique entre la vie et la mort

Parler du testament oral en Afrique révèle, comme souligné ci-haut,  l'acte de dernière volonté d’un mourant qui est, par sa structure même, un acte profondément singulier au sein de la famille ou du clan. Du côté du testateur, c'est une consolation de la mort : le testateur cherche à se rassurer devant l'angoisse de la mort, la peur de quitter les siens et ses biens, et surtout de ne pas enfreindre les principes de la tradition. De ce point de vue, le testament est une liberté pour les vivants, la liberté d'anticiper les conséquences de sa mort. Mais si on se place du côté des héritiers du défunt, le testament est en effet un ordre, une loi, un commandement[26]. Il passe par l’emploi des formules telles que suivantes : « Je lui lègue telle ou telle chose », « Remettez-la-lui », « Donnez-la-lui après ma mort », ou encore « Ceci est à lui après ma mort ». Mais si on se borne à dire « Cette chose est à lui », qui signifie « Restituez-le lui », est un aveu et non un legs. Cependant, si on dit : « Cette responsabilité est à lui dans ma succession », c’est une disposition testamentaire valable. La présence de témoins est donc primordiale pour que ce testament porte ses effets. Autrement dit, le testament est fondamentalement un acte normatif pour autrui : une loi privée pour les survivants. Tout l'enjeu du sujet dépend de ces deux aspects : d'un côté, il faut accorder une liberté testamentaire réelle à chaque personne vivante pour lui permettre de se consoler de sa condition mortelle. D'un autre côté, il faut éviter que la volonté du défunt ne dégénère en tyrannie à l'égard de ses survivants. Il est nécessaire de protéger les vivants contre les rigueurs excessives du testateur qui prétendrait régenter outre-tombe la vie de ses proches et empoisonner leur existence. En un mot, il s'agit de consoler les mourants sans affliger leurs survivants.

C’est dans cette logique que la tentation de s’opposer au testament, celle de faire ce que l’on veut au nom du droit à la liberté, quand on est sujet désigné par le défunt comme l’exécuteur testamentaire, et la tentation d’imposer son autorité et son pouvoir dans ce rôle, constituent une profanation à l’encontre de l’esprit du défunt.

Pour cette raison, toute la discipline du comportement pendant le deuil et après le deuil vise à garantir l’obéissance à la dernière volonté du défunt. La participation et la redistribution de la parole du défunt s’enracinent ainsi dans l’idée que c’est par la solidarité dans le deuil que l’on peut venir à bout de la mort, comme cela apparaît aussi dans la parole du Christ.

Le testament oral est alors présenté comme une survie de l’âme du défunt et comme une victoire de la volonté sur la mort. Le défunt, outre le fait que son testament soit un moyen de prolonger sa vie, ou plutôt d’exercer son emprise sur les vivants, apparaît comme celui qui anticipe l’apparition de problèmes – voire de les régler – dans sa famille, son clan ou sa tribu. Par conséquent, il est interdit de voir sa volonté viciée.

C’est dire qu’en Afrique, la mort et la vie sont intimement liées ; la mort ne se comprend qu’à l’intérieur de la dialectique avec la vie, et la vie, dans la dialectique avec la mort.  La parole testamentaire d’un mort implique aussi des valeurs culturelles qui orientent et donnent sens aux attitudes devant sa propre mort ou la mort des autres.

portée évangélique de la parole testamentaire de Jésus

Le Chrétien africain sait qu’il peut trouver dans la parole testamentaire de Jésus les principes régissant des liens de parentalité et les directives d’action à partir desquelles on peut promouvoir un humanisme solidaire.  En d’autres termes, toutes les situations humaines dans lesquelles les hommes et les femmes se trouvent impliqués renvoient à la dernière volonté de Jésus. Il s'agit des relations entre les humains, constamment perturbées et toujours à restaurer et à prendre soin. Rien n 'est plus urgent que de faire cesser les hostilités petites ou grandes qui séparent et isolent des frères et sœurs dans une famille. En effet, l'importance de vivre en famille est telle que même la relation à Dieu dépend en un sens de son amour : « Aime Dieu et aime ton prochain », double commandement qui n'en forme qu’un, et qui résume la parole testamentaire de Jésus (Mt 22, 37-40 ; Mc 12.31). L’amour du prochain se mesure à l’amour qu’on se porte à soi-même. Et, dans la Bible, l’amour n’a rien à voir avec le sentiment livré aux variations saisonnières de l’affectivité : il s’agit de la décision de s’attacher à quelqu’un à qui l’on donne des droits sur soi et des actes concrets qui nourrissent cette décision. Dit autrement, vivre en communion, ne concerne pas seulement la prière et la piété, mais toute contribution à former une famille selon la volonté de Dieu.  Car, la dernière volonté de Jésus : « Femme, voici ton fils. (…) Voici ta mère. », renvoie au souhait de Dieu de prendre soin de toute la famille humaine, y compris dans le domaine matériel et social. Cette parole développe ainsi une boussole, une forte densité théologique qui aide à vivre selon l'Évangile dans cette nouvelle famille.

Dans les diverses cultures africaines, la relation et l’appartenance à une communauté sont des valeurs importantes qui forgent l’identité de la personne. La famille offre la possibilité à l’individu de se réaliser et de contribuer à la croissance des autres dans la société au sens large. Cette identité s’épanouit dans la beauté de la vie communautaire. De même, comme dans le testament de Jésus, la famille est essentielle au plan de Dieu, qui permet aux relations familiales de perdurer au-delà de la tombe. Si nous les respectons fidèlement, les ordonnances et les alliances sacrées nous aident à retourner en présence de Dieu, unis éternellement à notre famille.  

C’est pourquoi, l’engagement chrétien, c’est se demander, comme le fait Jésus : « Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? » (Mc3.33, Mt 10.48). Devenir disciple de Jésus, c’est aussi écouter la parole testamentaire de Jésus du haut de la croix qui s’adresse à nous : « Femme, voici ton fils. (…) Voici ta mère. » et c’est une parole dont la réponse nécessite une spontanéité d’obéissance.  La radicalité de cette affirmation se trouve en Jc 1.27 où l’apôtre Jacque déclare : « La religion pure et sans tache devant Dieu, le Père [c’est-à-dire la piété ou la spiritualité authentique valable devant Dieu], la voici : visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse ; se garder du monde pour ne pas se souiller. » Dans la Bible, les orphelins et les veuves sont les représentants des personnes les plus fragilisées puisqu’ils n’ont personne pour pourvoir à leurs besoins et les protéger. Il est intéressant que Jacques présente ici Dieu sous les traits du Père, c’est-à-dire comme celui qui a la responsabilité de prendre soin d’eux. « Visiter » signifie ici prendre soin, donner ce qui est nécessaire au bien-être. Cette forme de solidarité est l’expression d’une spiritualité authentique. Et c’est en parfaite cohérence avec la tradition puisque le prophète Esaïe interroge déjà « ouvrir ta maison aux orphelins et aux veuves, et partager ton pain avec eux, n’est-ce pas me rendre un culte ? ».

En effet, pour Jacques, la foi qui ne s’accompagne pas d’actes concrets, d’une attitude de solidarité, est une foi morte (2.14, 17, 26). Et une foi morte n’est pas salvatrice, ce n’est pas une foi qui sauve.

Il est donc important de nous soumettre à un examen autocritique tant en ce qui concerne notre manière d’assumer notre responsabilité en termes de solidarité qu’en ce qui concerne la responsabilité que nous devons endosser en tant que citoyens d’une seule et même communauté universelle. En tant que disciples de Jésus, menons cette réflexion sur la parole testamentaire de Jésus avec sincérité et pureté de cœur.

Prof. Jimi ZACKA


[1] La parentalité répond ici aux formes familiales en Afrique Centrale appropriées aux logiques de la parenté élargie. Ainsi, dans les systèmes de parenté patrilinéaire qui prévalent dans ces régions les frères du père d’un enfant sont considérés comme étant en position de « Papa », les épouses des frères du Papa en position de « Maman ». Ceci signifie qu’un individu connaît son père et sa mère biologique mais sait que plusieurs adultes qui lui sont liés sont également des parents sociaux et sont susceptibles d’exercer vis-à-vis de lui des rôles dévolus aux seuls géniteurs des enfants dans la société occidentale. Alors la notion de parentalité ne peut en aucun cas être uniquement centrée sur les seuls géniteurs de l’enfant. Au-delà, les relations de parenté sont la matrice à travers laquelle les individus transcrivent un ensemble de rapports sociaux. De ce fait, il est admis que chaque adulte a la responsabilité de jouer un rôle éducatif vis-à-vis d’un enfant, même s’il n’entretient aucun lien de parenté vis-à-vis de lui. Il est donc légitime aux yeux de tous qu’un homme ou une femme âgée reprenne un enfant qui commettrait un acte jugé comme étant une erreur. La parentalité est donc conçue comme quelque chose d’élargie et le devoir de co-veillance s’inscrit dans les responsabilités tacites attribuées par les normes sociales à chaque adulte.

[2] Cette étude est le fruit d’une recherche en vue de préparer mon intervention à un séminaire académique organisé par CREIAF (Centre de Recherches et d’Etudes Interculturelles en Afrique Francophone) en 2017 sur le thème « Adoptions et parentalité en Afrique : Un état de connaissances ».

[3] Lire Jean 13.23. Le disciple que Jésus aimait s’identifie habituellement à Jean, l’auteur de cet évangile, et qui est, en Jean 13.23, assis à côté de Jésus (litt. Contre la poitrine de Jésus). Jn 1.18 nous montre avec le même langage la proximité entre Jésus et le Père.  

[4] « Révérez, chacun, votre mère et votre père, et observez Mes sabbats : Je suis l'Éternel votre Dieu. » Vayikra, Parachat Kédochim, 19:3.

[5] Le confiage est une pratique traditionnellement observée au sein des parentalités en Afrique. A l’origine, c’est un phénomène qui s’inscrit dans une logique de solidarité au sein d’une communauté. Et, par définition, le confiage est une pratique sociale consistant à confier durablement un enfant à un membre de la famille pour son éducation. Il est important de noter que le confiage ne se limite pas uniquement aux enfants. Il peut également concerner la prise en charge des personnages âgées par des tiers.

[6] Pour la structure du discours testamentaire, nous nous référons à  K. Berger, Formergeschiste des Neuen Testament, Heidelberg :Quelle Meyer, 1984, p. 79 ; repris par Y. Rédalie, Paul après Paul, Genève : Labor et Fides, 1994, p. 102 qui trace la structure d’un discours testamentaire de la manière suivante : « a) l’heure de la mort fournit le cadre initial ; le discours du mourant occupe la partie centrale du texte, articulée en une autobiographie morale (vices et vertus), une exhortation et une vision de l’avenir ; et le testament se conclut par des recommandations pour l’ensevelissement et par la mention de la mort du testateur ».

[7] Les Sept paroles de Jésus sur la Croix :

1e parole : Luc 23 :34 "Père, pardonne-leur car ils ne savent ce qu'ils font."

2e parole : Luc 23 :43 "Je te le dis en vérité, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis."

3e parole : Jean 19 : 26-27 Jésus voyant sa mère, et auprès d'elle le disciple qu'il aimait, il dit à sa mère : "Femme, voici ton fils". Puis il dit au disciple : "Voici ta mère".

4e parole :  Matthieu 27 :46 "Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ?"

5e parole : Jean 19 :28 "J'ai soif"

6e parole : Jean 19 : 30 "Tout est accompli."

7e parole : Luc 23 :46 "Père, je remets mon esprit entre tes mains."

[9] Il est à noter qu’en appelant sa mère « femme », il ne manque nullement de respect envers elle. Dans la tradition grecque, « femme » pourrait être également traduite comme une formule de politesse. Toutefois, ici Jésus demande à Jean de prendre soin de Marie comme s’il s’agissait de sa propre mère. Jean obéit et prit Marie « chez lui ». Cette précision revêt une importance pour la tradition africaine.

[10] Le fait de confier sa mère à Son disciple bien-aimé peut être parce que ses frères n’étaient pas encore croyants ou Marie devait être veuve.

[11] Il faut souligner ici que dans certaines sociétés africaines influencées par l’organisation matrilinéaire, les femmes assument collectivement l’éducation des enfants, toutes les sœurs de la mère sont appelées mère et tous les frères du père sont appelés père

[12] Dans la Torah, le rapport à l’autre, concerne tout autant le lien que le sujet entretien avec le divin, mais également avec l’humain. La « Mitsvah » représente ainsi, le lien privilégié où le divin et l’humain cohabitent. Nous pouvons dire qu’elle représente l’instrument permettant l’accès à Dieu, étant entendu que pour accéder au Dieu Créateur, il y a nécessité de passer par l’autre humain, considéré dans le judaïsme comme une créature d’essence divine. Nous trouvons donc ici, dans la prise en compte de cet autre, une notion tout à fait prépondérante d’altérité et du « prendre soin » de l’autre, tant dans l’aspect spirituel, moral que concret, dans la prise en charge et le souci des besoins élémentaires d’existence du sujet. Lire Rachel Brami, « Du principe de la « Mitsvah » : injonction, morale, ou éthique du vivant ? », dans Topique 2011 /3 (n.116), p.155-168). 

[13] Selon les codes de loi, les mères juives sont associées seulement secondairement à l’éducation religieuse des enfants, de manière adjacente, par le mode de vie qu’elles instaurent au foyer. Il faut admettre que cela est loin d’être négligeable dans la formation de l’esprit d’un enfant et que le rôle des mères a toujours été de facto déterminant.

[14] Jn1.12

[15] Exode 20.12 ; « Honore ton père et ta mère afin de jouir d’une longue vie dans le pays que l’Eternel ton Dieu te donne » : Ce qui signifie : leur accorder toute leur importance, en reconnaissant notamment en eux ceux par lesquels Dieu a donné la vie, leur témoigner de l’obéissance tant qu’on est enfant (Dt 21.18-21 ; Pr 4.1 ; Eph 6.1) et du respect tout au long de sa vie (Lv19.3), et en cas de besoin leur venir en aide (Mt 15 .4-10, Mc7.10-13).

[16] T.B. ‘Arakhin 19a.

[17] « Abandonner son père, c’est comme insulter le Seigneur ; le Seigneur maudit celui qui a fait le malheur de sa mère » Siracide 3. 16

[18] Siracide 3.12.

[19] Quod Omnis Probus Liber Sit, 87

[20] “Tu te lèveras devant les cheveux blancs et honoreras le vieillard" (Lev. 19 : 32).

[21] Siracide 3.14

[22] « Lorsque viennent les vieux jours, il est temps de prier le Seigneur que les yeux voient, que la bouche soit capable de manger et les jambes de marcher. Lorsque l’on vieillit, tout cela vous abandonne » [Midrach Tan.huma, Miqets 10]. Nous trouvons en effet des exemples de ces déficits dans la Bible. Les patriarches Isaac et Jacob, le Grand-Prêtre Éli, le roi David (I Rois 1 : 1-2), en sont des exemples. On se souviendra que, selon la physiologie de l’antiquité, les vieillards sont réputés froids et secs, dont acte. Les descriptions bibliques ci-dessus sont pour la plupart commentées dans le Talmud, mais ces gloses n’ajoutent pas grand-chose en ce qui concerne notre propos

[23] Siracide 7.14

[24] La tradition orale est la grande école de la vie, dont elle recouvre et concerne tous les aspects. Elle peut paraître chaos à celui qui n’en pénètre pas le secret et dérouter l’esprit cartésien habitué à tout séparer en catégories bien définies. En elle, en effet, spirituel et matériel ne sont pas dissociés. Passant de l’ésotérique à l’exotérique, la tradition orale sait se mettre à la portée des hommes, leur parler selon leur entendement et se dérouler en fonction de leurs aptitudes.

[25] En Afrique, tous les décès donnent lieu à une veillée funèbre, première étape des rites funéraires, en général dans le village natal du défunt. Ce dernier est alors accompagné par toutes les personnes qu'il connaissait dans son voyage vers l'au-delà. La veillée funéraire et l'ensemble de la cérémonie qui suit sont à la fois l'occasion de lui rendre hommage mais aussi de régler certains litiges du défunt en fonction de son testament (oral ou écrit). 
 [26] Lire C. bahurel, Les volontés des morts, Lextenso Éd., LGDJ, 2014, p. 26

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