lundi 20 mai 2013
samedi 27 avril 2013
DEUX FIGURES DE L'HOSPITALITE DANS LA BIBLE ( PREDICATION A L'OCCASION DU FORUM DEFAP_ : « Le monde est chez toi ! »). ROUEN 2012)
Un proverbe
centrafricain dit : « Qui croit
savoir préparer un bon plat, donne d'abord à l’étranger pour en goûter la vraie saveur. ».
Ce proverbe me rappelle la citation d’un
écrivain français, Pigault Lebrun, qui dit : « « Les devoirs de l’hospitalité ne se bornent pas à fournir l’exact
nécessaire ; il faut distraire, amuser ceux qu’on a admis dans ses foyers ». Ces
deux citations m’amènent à savoir qu’accueillir l’autre ou vivre avec lui n’est
pas seulement un devoir, mais une nécessité. Une nécessité qui nous révèle que
la proximité de Dieu se concrétise pour nous dans notre manière d’agir, en tant qu’Eglise
envers et avec celui que l’on accueille. C’est ainsi que nos Eglises sont appelées à recevoir ce matin la
Parole qui nous appelle à sortir de la mentalité qui nous enferme dans nos
stéréotypes ou craintes ou pensées communes et les laisser être transformées.
Chers amis, où
qu’on aille chercher, dans l’Ancien ou
le Nouveau Testament, on trouve des récits parlant de personnages qui sont
hospitaliers, accueillants, ouverts, réceptifs, envers le monde ou les gens. Plus encore
peut-être, on a des récits de personnages désireux de s’inviter chez d’autres,
afin de révéler ainsi la présence de Dieu lui-même.
Nos deux textes lus ce matin nous présentent deux figures
d’accueil ayant des points communs.
D’abord, ils ont tous les deux vécu à Jéricho. Ensuite, tous les deux ont une
posture sociale commune : ce sont des exclus de leur société de l’époque
(l’une prostituée, l’autre collecteur des impôts). Enfin, chacun d’eux a offert
une part de « chez soi » à l’étranger, celui qui par définition n’est
plus chez lui, n’a pas de « chez soi » à lui. Ce « chez
soi », c’est la maison, mais c’est aussi le petit univers de valeurs, de
morale, de convictions et aussi d’émotions que nous nous construisons.
Rahab et Zachée, deux
figures exemplaires de l’hospitalité qui va au-delà des convenances sociales. Deux
figures qui s’accordent sur un point : accueillir l’étranger, c’est
découvrir l’autre, le découvrir pour me connaître, me mesurer et devenir véritablement moi-même. Deux figures qui nous
invitent à nous souvenir que nous sommes tous des étrangers les uns par rapport
aux autres. Une invitation qui nous fait découvrir « le Dieu tout
autre » qui se présente à nous sous la forme de l’Etranger, et ce
« Dieu tout autre » s’invite aussi chez nous en situation d’étranger.
Il apparaît dans la déclaration de Jésus en Mt 25.35 : « J’étais étranger, et vous m’avez
accueilli ». Parlons maintenant de nos deux personnages.
1. Rahab
Jéricho est en alerte rouge. Le niveau
de sécurité est élevé. La prise de Jéricho semble imminente. Ainsi, Josué,
le chef d’Israël, envoie des espions à Jéricho pour reconnaître le terrain.
Rahab, de manière imprévue, reçoit des visiteurs non invités. Elle reçut des
espions ennemis. Elle les
reçut inconditionnellement. Nulle part, le texte du livre de Josué ne permet
de penser qu’elle a négocié l’hospitalité qu’elle donnait. Une manière de dire
que le véritable accueil de l’autre
n’exige pas de conditions. Ce qui est aussi frappant, c’est la disponibilité de
Rahab face à la visite inattendue des espions. Pourtant, Rahab a de vraies
raisons de s’inquiéter. Elle vit en temps de guerre et elle accueille non
seulement des étrangers, mais des ennemis qui s’invitent chez elle. Elle sait
qu’elle risque sa vie face aux autorités de sa ville. Aujourd’hui, on appellera
cela : « délit de solidariré ». Mais Rahab assume les
risques. Elle va ainsi les héberger, les protéger et leur sauver la vie. Elle va cacher ces deux étrangers et dire à leurs
poursuivants : « Je ne sais pas
où ils sont, ils sont sortis ». Et pendant que les poursuivants les
cherchent dehors, elle se tourne vers
les étrangers et propose une alliance, un pacte de confiance : « Je
vous ai traités avec bonté, à votre tour, traitez avec bonté la maison de
mon père. ». Elle commence ainsi à proposer une alliance, un pacte
avec ceux qu’elle pourrait considérer comme des ennemis, et leur confie la sauvegarde de sa famille. D’une
certaine manière, elle leur reconnaît des droits, mais elle leur propose des
devoirs ! Nous parvenons ainsi à la dimension prophétique de l’histoire et
de la personne de Rahab. Si les deux espions ont reconnu dans les paroles de
Rahab la voix de Dieu, si dans son témoignage ils ont vu la réalisation des
promesses divines, pourquoi ne pas considérer aussi l’attitude bienveillante,
accueillante de Rahab comme une manifestation de la bienveillance de Dieu
envers eux? Après tout, les deux Israélites étaient en danger de mort!
Totalement dominés par les circonstances, leurs vies ne dépendaient plus que du
bon vouloir d’une prostituée. Rahab ! Rahab est celle qui, par son action,
évoque la main protectrice du Dieu de l’étranger. Une action qui fait d’elle une héroïne de la foi et ouvre une
voie qui peut être considérée comme la voie de l’avenir. C’est ainsi que l’auteur
de l’épître aux Hébreux donne Rahab en exemple : « Par sa
confiance, Rahab la prostituée ne périt pas avec les incrédules parce qu’elle
avait accueilli pacifiquement les éclaireurs. » (He 11, 31),
De même,
Zachée appartient à la catégorie des pécheurs notoires et des publicains ;
il est de ces hommes que Luc propose comme modèle du pécheur repenti. Mais d’un
autre côté, il est riche. Plus loin, il
nous est dit que il est de petite taille. De ce portrait social, il faut esquisser
un portrait qui implique une collaboration avec les romains et les autorités,
il est craint, mais aussi méprisé voire haï. Les gens à qui il prélève l'impôt
ne l'aiment pas et les élites intellectuelles ou religieuses le voient comme
compromis avec l'occupant et jouissant de richesses pas propres. Il fait partie
des exclus.
C'est dans ce contexte que la rencontre avec Jésus va être
décisive. Le point central de cette rencontre, c'est le contraste entre le
mépris de la foule vis-à-vis de Zachée — et par ricochet vis-à-vis de Jésus qui
parle à Zachée — et le fait que Jésus choisit justement de s'inviter chez lui.
Remarquez bien, ce n'est pas Zachée qui invite Jésus chez lui,
malgré son désir de voir Jésus, malgré son stratagème pour le voir en montant
sur l'arbre au risque de voir se multiplier les quolibets à son égard. C'est
Jésus qui s'invite chez Zachée. Après tout, celui-ci ne désirait pas seulement
voir Jésus, mais voir qui il est. C'est
Jésus qui prend l'initiative de s'inviter en disant : « Aujourd’hui, Il me faut demeurer chez
toi » (v.5). L’aujourd’hui de cette visite contient
d’autres informations théologiques de poids qui laissent présager un autre
« aujourd’hui », celui même
du salut adressé au brigand repenti à la croix : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras au Paradis »
(Lc 23.43). Jésus s’invite, Jésus invite. Le brigand est aussi invité à
pénétrer dans le paradis avec Jésus. Accueillir l’autre, c’est
aujourd’hui. A l’écoute de l’aujourd’hui de Jésus, Zachée va se décentrer de ses propres normes et valeurs et se
laisser déplacer vers Jésus pour mieux
le comprendre et l’amener à le comprendre également. Il leur faut trouver un
terrain d’entente, qui permette à chacun de trouver sa place. C'est là le point
intéressant de ce texte, qui peut nous amener à réfléchir à notre place et à
notre valeur dans la rencontre de l’autre
Rahab et Zachée nous adressent deux messages ce matin.
1° Vivre avec « le monde chez toi »,
c’est se rencontrer pour exister
Pour Rahab comme pour Zachée, c’est toujours dans la rencontre
avec l’autre qu’on peut trouver ce qui fait vivre. La rencontre n’est pas
toujours facile. Elle exige de s’exposer, de prendre des risques, de se laisser
déplacer pour connaître l’autre. Pourtant, le grand défi de l’interculturalité dans les églises
aujourd’hui est la peur, la peur de l’autre. Sortir de soi pour aller
rencontrer l’autre n’est pas chose facile. Ceci est une insécurité pour le
« moi », c’est pourquoi chaque rencontre
constitue un combat. Pour sortir de ce défi, il faut considérer l’autre dans son
altérité, non pas comme une menace, mais plutôt comme une grâce. Il faut de la
patience pour y avancer progressivement. Encore faut-il accepter l’autre avec
confiance ?
Pour que cette rencontre soit heureuse et effective, la connaissance et
l’acceptation de soi sont exigées. Parce que pour s’apprécier les uns les
autres, il faut d’abord se connaître. La connaissance de soi permet d’établir
un équilibre d’abord en soi-même et ensuite dans les relations avec les autres.
C’est dans la mesure où on se connaît soi-même et s’accepte qu’on est capable
de s’ouvrir à l’autre. C’est un exercice non moins difficile parce qu’on
s’affronte soi-même, on se regarde en face pour découvrir ses dons, ses limites
qu’on doit accepter et les apprivoiser. C’est seulement de cette façon qu’on
pourra se présenter devant l’autre en toute authenticité ; que l’autre me
considère tel que je suis et lui tel qu’il est et on s’accepte l’un et l’autre
en toute sincérité. « Ne jamais avoir honte de ce que je
suis », tel est le grand principe pour être vrai avec moi-même et
vivre heureux avec l’autre.
2° Vivre avec le « monde chez toi »,
c’est le témoignage de la foi
Aller à la rencontre de l’autre est un
témoignage de la foi. Pour cela, il faut
dissocier sa propre culture pour la mettre en osmose avec celle des autres. Il
s’agit de ne pas gommer les différences, mais d’en être curieux (l’engouement
de mes étudiants à l’IPT). C’est ainsi que nous sommes appelés à vivre la
rencontre dans l’Eglise locale en favorisant dialogue et solidarité entre les individus.
Frères
et sœurs en Christ, sachons que nos paroisses, nos communautés, les groupes que
nous représentons sont comme des « îlots de refuge », dans un océan de
fragilités et d’hostilités. Si elles ne sont pas bien évidemment des refuges
absolus, elles sont des lieux d’hospitalité et de stabilité dans un monde
devenu « indifférent ». Nos communautés, nos paroisses, nos groupes ont une
carte à jouer dans cette hospitalité personnelle et communautaire. Aujourd’hui,
nos églises n’ont qu’une seule mission : accepter les différences et unifier
les ressemblances pour s’entendre sur une culture commune. Pour cela, nous
avons besoin de communiquer, échanger, partager, accepter que
l’autre n’est pas moi, que je suis pas lui, mais nous devons nous accueillir. C’est le témoignage de la foi.
Conclusion
Aujourd’hui,
nous sommes invités à repenser notre manière de vivre ensemble et de faire
société, au niveau local et au niveau international. Car, au sein de ce monde
qui cherche comment vivre la diversité culturelle, l’Eglise a sûrement quelque
chose à signifier et à communiquer. L’appel vient de l’intérieur même de
l’Eglise et de la société.
Et cela ne
doit pas rester un voeu pieux teinté d’exotisme et de condescendance, nous
devons concevoir l’autre dans sa différence et le respecter. Cela demande de
bien se connaître, d’être capable de se remettre en question et mettre ses
jugements de valeur de côté pour percevoir ce qu’il y a de commun chez nous
tous. Qu’il s’agisse de différences culturelles, ethniques, sociales,
familiales, c’est cette diversité qui rend les choses certes pas faciles mais
aussi passionnantes qu’enrichissantes. Car,
comme Montaigne l’a dit : « Il
n’y a qu’une erreur dans ce monde : vouloir enfermer la diversité du monde
dans des doctrines et des systèmes »
AMEN !
Prof. Jimi ZACKA
Théologien, Anthropologue
Cet article est une propriété intellectuelle. Plagier ou ne pas citer la source est une infraction.
Prof. Jimi ZACKA
Théologien, Anthropologue
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