L’enchantement religieux
Il est indéniable que dans ce foisonnement l’ivraie côtoie allègrement le bon grain. Le discernement s’impose donc à tous. Car la question de la foi en Afrique aujourd’hui relève plus de l’enchantement que de la conversion réelle. La différence entre les deux phénomènes étant que, dans le premier cas, les personnes sujettes à l’enchantement ne sont ni changées, ni transformées ; leur foi n’est ni plus radicale ni plus ferme. Elles sont, dans le meilleur des cas, simplement éblouies, émerveillées et à la recherche de plus grands miracles ; elles peuvent, dans certains cas être soulagées de telle ou telle affliction, de tel ou tel trauma, sans autre conséquence que l’accroissement de leur admiration pour leur thaumaturge. C’est la raison pour laquelle les miracles, généralement, se multiplient et les temples poussent comme des champignons à la ronde, sans entraîner de transformations individuelle profondes et des mutations sociales visibles. Dans le cas de véritables conversions, le miracle n’est pas un absolu et la condition de la foi ; en tout cas, la foi préexiste au miracle et les problèmes auxquels l’individu fait face sont des épreuves de cette foi.
Dans une publication récente,(Possessions démoniaques et exorcisme dans les églises pentecôtistes d’Afrique Centrale, Yaoundé, CLE,2010,347 p.) fruit d’un travail de recherche en vue d’une thèse de Doctorat en théologie soutenue à la Faculté libre de théologie de Montpellier, le centrafricain Jimi Zacka souligne la différence fondamentale entre le Christ et tous les faiseurs de miracles, vrais ou supposés qui se réclament de Lui. Les exorcismes et les guérisons pratiqués par le Christ, «sont des actes libérateurs qui changent la compréhension de soi et du monde» ; les récits qu’en font les Evangiles «luttent à la fois contre la vision du monde déterminée par la fatalité désespérante du cours des événements, et contre un ailleurs imaginaire et parallèle auquel donne accès la magie et les dieux guérisseurs. En ce sens, l’activité de Jésus[...]n’est comparable ni à celle des magiciens ni à celle des marchands de bonheur dont la pratique, au lieu de libérer l’individu, le resserre dans ses chaînes en le maintenant dans un état de dépendance vis-à-vis des puissances asservissantes de ce monde dont le guérisseur est alors le représentant plus ou moins volontaire.» Il y a une rationalité de la foi qu’il faudrait atteindre. Au coeur de cette rationalité se trouve la notion de liberté. Les religions sont méprisables si elles servent à autre chose qu’à l’affranchissement de l’Homme.
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