mardi 1 septembre 2015

ET SI ON POUVAIT REHABILITER LA POLITIQUE EN CENTRAFRIQUE ?



Saisir l’essentiel de la politique aujourd’hui en Centrafrique n’est pas tâche aisée. L’éthique de nos hommes politiques a négativement impacté l’opinion générale des centrafricains. Quelques-uns sont irrités, déçus, et nombreux sont ceux qui tournent le dos à la politique, avec indifférence, voire avec méfiance sinon mépris.
La période sombre qui se vit actuellement, a enfoncé le clou. C’est pourquoi, au lieu de se nourrir des ambitions politiques atrophiées, c’est ce désenchantement du peuple qui devrait faire l’objet de toutes réflexions.
De toute façon, toutes les propositions que nous formulons, ne peuvent être appliquées que s’il y a des hommes et des femmes dévoués, susceptibles de les concrétiser.
Occulter cet aspect, ne sera qu’une reprise des mêmes erreurs. Car, dans ce pays, les états généraux, les dialogues inclusifs, les conférences nationales, les accords, etc. n’ont accouché que des souris, et le peuple centrafricain continue de porter sa croix sur le chemin de Golgotha sans aucun secours d’un « Simon de cyrène ».
François Mitterand disait, avec raison, que  "la bourgeoisie a toujours choisi son intérêt ou, ce qu’elle croyait être son intérêt. Le patriotisme ne fait partie de ses intérêts que sous bénéfice d’inventaire" (Mémoires interrompues, Entretiens avec Marc Benamou). Dans une société normale, la vraie philosophie du patriotisme consiste à dresser, de période en période, l’inventaire des situations du peuple. Même si on croit souvent que cet inventaire est au trois quart accompli, on doit croire toujours qu’un immense travail reste à faire.
Cela dit, cette transition doit nous interpeller à un inventaire politique. Et la question fondamentale qui s’impose à nous tous est : Comment devons-nous faire pour réhabiliter la politique en Centrafrique ? La politique de Boganda, fondée sur le concept d’intérêt général ou d’utilité politique. Cette politique qui a su juguler les considérations régionalistes et ethniques, les langues, les religions pour nous donner une seule nation, une seule langue, une seule identité. Cette politique qui a fait naître une Centrafrique indivisible au-delà des intérêts particuliers.
Il convient de rappeler que l’ambiance délétère, propice au clientélisme, à la dévalorisation de l’intérêt général, à la corruption et au tribalisme, que nous vivons aujourd’hui, est inéluctablement imputée à toutes les classes politiques vétustes dans ce pays. Personne ne peut s’en dédouaner. Par conséquent, il est temps d’interpeller la classe politique émergente à une prise de conscience engagée afin d’éviter ces écueils récurrents.

La politique n’est pas le « carriérisme », mais la recherche du bien commun

D’aucuns voudraient nous faire croire que, la politique et le pouvoir étant d’une telle complexité, qu’ils demandent, indubitablement, des compétences particulières et que leur exercice est réservé à des personnes spécialement qualifiées. Sans doute cette assertion détient une part de vérité, mais c’est aussi un piège tendu par ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir et compte bien en rester les seuls titulaires.
Avant de demander des compétences, la politique demande un intérêt pour la chose publique que l’on cultivait, jadis et naguère, par ce que l’on appelait l’instruction civique des classes élémentaires. Car avant de participer à la direction de la société, il faut d’abord avoir appris à s’y conduire, c’est-à-dire à partager une culture sociale, civique et citoyenne.
Etre bon citoyen prépare à être bon dirigeant politique. Malheureusement, la politique semble être devenue le parcours le plus sûr et le plus direct pour s’affirmer socialement en Centrafrique : « on entre en politique pour faire « carrière » » disent certains compatriotes, souvent empreints d’un militantisme courtisan, sans avoir de qualifications appropriées, mais des comportements prédateurs.
Plus étonnant, voire plus inquiétant encore est la propension avec laquelle certains caciques de la politique centrafricaine, sous le fallacieux prétexte de préserver la cohésion sociale et la paix civile, essayent d’intimider ou de mettre hors d’état de nuire tous ceux qui ont le courage de les critiquer ou de proposer une alternance politique.
Ce manque de sens éthique a comme conséquence le manque d’une vision claire et définie du bien commun et d’un projet de société. Il importe aujourd’hui d’éradiquer de la sphère politique centrafricaine tous ces prismes déformants de la réalité que sont le « carriérisme », le « populisme », l’ « affairisme», le « népotisme » et exercer le discernement au niveau individuel que social pour distinguer le vrai du faux. 

La politique n’est pas exclusive, mais inclusive 

Le souci de l’autre, une éthique sociale, une vision de la société peuvent et même doivent s’acquérir et ne demandent pas un niveau de connaissance particulier, une sorte d’omniscience qui, forcément, seraient réservés à une élite. C’est en cela que la démocratie participative est légitime car elle réinvente le débat public sur l’Agora. Si l’on souhaite que les couches populaires ne se détournent pas de la politique, il faut que l’on fasse en sorte que celle-ci ne soit pas ressentie comme une « carrière exclusive » par le plus grand nombre.
Il convient donc de former le citoyen et de rajeunir notre classe dirigeante de telle manière que ceux qui détiennent le pouvoir n’y restent pas 20, 30 ou 50 ans comme c’est le cas en France de manière hautement caricaturale. D’où la nécessité de renouveler aujourd’hui la classe politique centrafricaine.
Car, cela fait plus de trente ans que nous voyons les mêmes figures qui revendiquent explicitement le monopole de la politique. C’est dire que la pensée unique qui consiste à se servir de la politique pour s’enrichir est l’une des plus profondes causes de cette crise.
Cela dit, rappelons si besoin est encore, que les modalités traditionnelles de gouvernance doivent être remplacées. Le centrafricain a besoin aujourd’hui d’une politique réaliste dont la finalité sera la prospérité. L’homme politique doit d’être jugé sur son parcours et ses résultats et non sur des promesses fallacieuses.
C’est ainsi que la pratique du pouvoir sera plus sereine et la société dite civile supportera mieux sa classe politique puisque les deux vivront enfin en osmose et non plus dans deux mondes parallèles.

Prof. Jimi ZACKA


 Théologien, Anthropologue

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