Saisir l’essentiel de la politique aujourd’hui en Centrafrique n’est pas tâche
aisée. L’éthique de nos hommes politiques a négativement impacté l’opinion
générale des centrafricains. Quelques-uns sont irrités, déçus, et nombreux sont
ceux qui tournent le dos à la politique, avec indifférence, voire avec méfiance
sinon mépris.
La période sombre qui se vit actuellement, a enfoncé
le clou. C’est pourquoi, au lieu de se nourrir des ambitions politiques
atrophiées, c’est ce désenchantement du peuple qui devrait faire l’objet de
toutes réflexions.
De toute façon, toutes les propositions que nous
formulons, ne peuvent être appliquées que s’il y a des hommes et des femmes
dévoués, susceptibles de les concrétiser.
Occulter cet aspect, ne sera qu’une reprise des mêmes
erreurs. Car, dans ce pays, les états généraux, les dialogues inclusifs, les
conférences nationales, les accords, etc. n’ont accouché que des souris, et le
peuple centrafricain continue de porter sa croix sur le chemin de Golgotha sans
aucun secours d’un « Simon de cyrène ».
François Mitterand disait, avec raison, que "la
bourgeoisie a toujours choisi son intérêt ou, ce qu’elle croyait être son
intérêt. Le patriotisme ne fait partie de ses intérêts que sous bénéfice
d’inventaire" (Mémoires interrompues, Entretiens avec Marc Benamou). Dans une
société normale, la vraie philosophie du patriotisme consiste à dresser, de
période en période, l’inventaire des situations du peuple. Même si on croit
souvent que cet inventaire est au trois quart accompli, on doit croire toujours
qu’un immense travail reste à faire.
Cela dit, cette transition doit nous interpeller à un
inventaire politique. Et la question fondamentale qui s’impose à nous tous est
: Comment devons-nous faire pour réhabiliter la politique en Centrafrique ? La
politique de Boganda, fondée sur le concept d’intérêt général ou d’utilité
politique. Cette politique qui a su juguler les considérations régionalistes et
ethniques, les langues, les religions pour nous donner une seule nation, une
seule langue, une seule identité. Cette politique qui a fait naître une
Centrafrique indivisible au-delà des intérêts particuliers.
Il convient de rappeler que l’ambiance délétère,
propice au clientélisme, à la dévalorisation de l’intérêt général, à la
corruption et au tribalisme, que nous vivons aujourd’hui, est inéluctablement
imputée à toutes les classes politiques vétustes dans ce pays. Personne ne peut
s’en dédouaner. Par conséquent, il est temps d’interpeller la classe politique
émergente à une prise de conscience engagée afin d’éviter ces écueils
récurrents.
La politique n’est pas le
« carriérisme », mais la recherche du bien commun
D’aucuns voudraient nous faire croire que, la
politique et le pouvoir étant d’une telle complexité, qu’ils demandent,
indubitablement, des compétences particulières et que leur exercice est réservé
à des personnes spécialement qualifiées. Sans doute cette assertion détient une
part de vérité, mais c’est aussi un piège tendu par ceux qui détiennent une
parcelle de pouvoir et compte bien en rester les seuls titulaires.
Avant de demander des compétences, la politique
demande un intérêt pour la chose publique que l’on cultivait, jadis et naguère,
par ce que l’on appelait l’instruction civique des classes élémentaires. Car
avant de participer à la direction de la société, il faut d’abord avoir appris
à s’y conduire, c’est-à-dire à partager une culture sociale, civique et
citoyenne.
Etre bon citoyen prépare à être bon dirigeant politique.
Malheureusement, la politique semble être devenue le parcours le plus sûr et le
plus direct pour s’affirmer socialement en Centrafrique : « on entre en
politique pour faire « carrière » » disent certains compatriotes,
souvent empreints d’un militantisme courtisan, sans avoir de qualifications
appropriées, mais des comportements prédateurs.
Plus étonnant, voire plus inquiétant encore est la
propension avec laquelle certains caciques de la politique centrafricaine, sous
le fallacieux prétexte de préserver la cohésion sociale et la paix civile,
essayent d’intimider ou de mettre hors d’état de nuire tous ceux qui ont le
courage de les critiquer ou de proposer une alternance politique.
Ce manque de sens éthique a comme conséquence le
manque d’une vision claire et définie du bien commun et d’un projet de société.
Il importe aujourd’hui d’éradiquer de la sphère politique centrafricaine tous
ces prismes déformants de la réalité que sont le « carriérisme », le «
populisme », l’ « affairisme», le « népotisme » et exercer le discernement au
niveau individuel que social pour distinguer le vrai du faux.
La politique n’est pas exclusive,
mais inclusive
Le souci de l’autre, une éthique sociale, une vision
de la société peuvent et même doivent s’acquérir et ne demandent pas un niveau
de connaissance particulier, une sorte d’omniscience qui, forcément, seraient
réservés à une élite. C’est en cela que la démocratie participative est
légitime car elle réinvente le débat public sur l’Agora. Si l’on souhaite que
les couches populaires ne se détournent pas de la politique, il faut que l’on
fasse en sorte que celle-ci ne soit pas ressentie comme une « carrière
exclusive » par le plus grand nombre.
Il convient donc de former le citoyen et de rajeunir
notre classe dirigeante de telle manière que ceux qui détiennent le pouvoir n’y
restent pas 20, 30 ou 50 ans comme c’est le cas en France de manière hautement
caricaturale. D’où la nécessité de renouveler aujourd’hui la classe politique
centrafricaine.
Car, cela fait plus de trente ans que nous voyons les
mêmes figures qui revendiquent explicitement le monopole de la politique. C’est
dire que la pensée unique qui consiste à se servir de la politique pour
s’enrichir est l’une des plus profondes causes de cette crise.
Cela dit, rappelons si besoin est encore, que les
modalités traditionnelles de gouvernance doivent être remplacées. Le
centrafricain a besoin aujourd’hui d’une politique réaliste dont la finalité
sera la prospérité. L’homme politique doit d’être jugé sur son parcours et ses
résultats et non sur des promesses fallacieuses.
C’est ainsi que la pratique du pouvoir sera plus
sereine et la société dite civile supportera mieux sa classe politique puisque
les deux vivront enfin en osmose et non plus dans deux mondes parallèles.
Prof. Jimi ZACKA
Théologien,
Anthropologue
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.