La parabole est un procédé
oral par lequel, le maître, provoque l’auditeur à la réflexion. Il le provoque
à trouver en lui-même solution à ses questions. Le maître fait appel à
l'étonnement de ses auditeurs par le moyen de comparaisons souvent déroutantes.
En Afrique, une parabole est une comparaison pour montrer quelque chose d'invisible
que l’orateur ne peut dire directement, mais qu'il peut faire comprendre en
racontant une histoire. Une histoire inventée, qui n'est arrivée ni à toi, ni à
moi, et qui, pourtant, finira par dire de la vérité pour nous. Cette histoires est imaginée et racontée par un maître
de sagesse pour agrémenter et illustrer son enseignement moral. Elle est tirée
de la vie quotidienne et est donc directement compréhensible par l’auditoire.
Mais l’enseignement moral qu’elle illustre est plus subtil et demande à être
deviné. La parabole ponctue ainsi la plupart du temps la parole des anciens ou
les sages des tribus. Car, la sagesse se veut comme parole par les paraboles.
Elle renferme une valeur, un conseil, donc, un comportement à adopter face à
une situation donnée d’où l’importance de les savoir décortiqué.
In fine, la visée de la parabole est donc argumentative.
Elle propose des personnages et des situations symboliques, représentatifs de
la morale que l'auteur veut en dégager.
La parabole,
outil de transmission du savoir traditionnel
Différentes
traditions, coutumes, pratiques et cultures puisent souvent la sagesse des
paraboles composées de tout un mystère épais qui reste toujours vêtu de la
parole. Il faut le vivre, s’en imprégner, car n’étant enseigné que par
l’oralité. Autrement dit, la parabole peut être considérée comme la partie de
la tradition qui est mise en forme selon un code propre à chaque société et à
chaque langue, en référence à un fonds culturel. Elle véhicule aussi bien
l'histoire du groupe que ses croyances, ses représentations symboliques, ses modèles
culturels ou sa vision du monde naturel.
Fortement imprégnée de valeurs spécifiques de la société, elle sert souvent de base à l'enseignement traditionnel. L'efficacité de la parabole tient au fait qu'il implique un double niveau de lecture, qui correspond à sa double fonction : divertir et instruire. A un premier niveau de lecture, la parabole propose une histoire généralement simple, ordinaire avec des personnages représentatifs d'une société. Un second niveau de lecture doit amener le lecteur ou l’auditeur à interroger son sens, à en dégager la valeur symbolique et les enseignements qui peuvent en être déduits.
Fortement imprégnée de valeurs spécifiques de la société, elle sert souvent de base à l'enseignement traditionnel. L'efficacité de la parabole tient au fait qu'il implique un double niveau de lecture, qui correspond à sa double fonction : divertir et instruire. A un premier niveau de lecture, la parabole propose une histoire généralement simple, ordinaire avec des personnages représentatifs d'une société. Un second niveau de lecture doit amener le lecteur ou l’auditeur à interroger son sens, à en dégager la valeur symbolique et les enseignements qui peuvent en être déduits.
La
signification de la parabole au temps de Jésus
Avant
de parler des paraboles attribuées à Jésus, il faudra tracer à grands traits
les contours de l'univers de la parabole. Ce mot « parabole », comme
on a pu le voir dans notre historique de la parabole chez les anciens, n’a pas
un sens très précis, et de ce fait a dû nécessairement jeter quelques vagues
dans cette esquisse.
Dans
l’Ancien Testament, nous le trouvons avec des acceptions très diverses :
c’est le titre donné au livre des Proverbes (1 Rois 4.) s’emploie pour désigner
une sentence (Ez 28.2), une parole fameuse (1 Samuel 10.4), un discours (Job
27.1 : Nombres 23.7 ; 24.3, 15), plein de sagesse ou prophétique, une
fable (Ezechiel 27.2), et en général
toute parole énergique ( Ezechiel 27.5), propre à frapper fortement les auditeurs
comme l’indique le mot hébreux mashal qui sert à désigner toutes les manières de
parler, et dont la racine signifie dominer. Il peut signifier aussi "semblable
"ou "moitié", ou "être comme..." et renvoie alors à la
similitude, à la comparaison.
Il
convient de préciser ici que le peuple d'Israël recueille les comparaisons dans
sa vie quotidienne, faite de champs, de labours et de semailles, d'oliveraies,
de vignes et de vendanges, de voyages... et au milieu de ces réalités, comme un
rêve immense et comme une réalité qui le fonde, le roi. Israël parlera
volontiers en mashal, en paraboles, à
partir de ces réalités quotidiennes. Ce sont elles qui lui donnent les points
de comparaison pour penser - comme on s'élance d'un tremplin - la présence de
Dieu dans son histoire. La pensée hébraïque est concrète. La théologie forgée
au fil des pages de la Bible est également concrète. Elle n'est pas spéculative
autant que la pensée grecque nous a appris à l'être, elle est plus spontanément
narrative. Elle raconte une histoire et l'on comprend Dieu, on comprend que
cette histoire est habitée par la présence de Dieu[2]. En
effet, on relève une similitude conceptuelle entre la parabole du temps de
Jésus et celle de la tradition africaine[3].
Dans
le Nouveau Testament, parabôlè a
aussi des significations différentes[4]. Il a
celle de proverbe (Luc 4.23), où Jésus dit : « sans doute vous allez
m’appliquer cette parabole : « Médecin, guéris-toi, toi-même »,
« un aveugle peut-il conduire un
aveugle ? Il indique une comparaison (Matthieu 15.14). Ces indications
montrent assez bien que le mot parabôlè
n’a pas un sens bien déterminé ; cependant, comme dans le Nouveau
Testament, il sert le plus souvent à désigner des discours de Jésus d’une forme
particulière, nous pouvons arriver à une définition précise. Ici, ce ne sont ni
les allégories, ni les proverbes, ni les fables, ni les simples
comparaisons ; mais, seulement les discours de Jésus-Christ qui reçoivent
si souvent le nom de paraboles dans les Evangiles. Afin de définir donc ce mot parabôlè et de ne pas rester vague, il
me semble que de la comparaison des discours paraboliques de Jésus-Christ, on
peut tirer la définition suivante :
La parabole est une
métaphore ou une comparaison tirée de la nature ou de la vie courante, qui
frappe l’auditeur par son caractère vivant ou étrange, et dont l’application exacte sème dans l’esprit
un doute suffisant pour inciter à une pensée personnelle[5].
Ainsi,
pour nous montrer la bonté de Dieu et sa miséricorde pour les pécheurs, Jésus
met cette vérité en action dans un petit récit qu’il invente pour notre
instruction.
La parabole, mode d’enseignement de Jésus
Les paraboles étaient une caractéristique
de la prédication populaire de Jésus. Elles étaient utilisées pour permettre à
Jésus de n’adresser son message qu’aux hommes de bonne volonté présents dans
son auditoire. Seules les personnes de bonne volonté allaient en effet faire
l’effort de compréhension nécessaire pour saisir le sens de ses énigmes[6].
A la fin de celles-ci, Jésus disait souvent : « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! » Car pour
comprendre une parabole, il faut réfléchir et être prêt à changer l’idée que
l’on se fait de Dieu. Mais la question qui s’impose est celle-ci :
Pourquoi Jésus aimait-il tant enseigner en paraboles ?
Nous
retiendrons, entre autres, deux
raisons : premièrement, les paraboles de Jésus proviennent d’une
tradition orale[7].
Au temps de Jésus, en Palestine, on aimait parler en langage imagé. C’est un
langage vivant qui servait à donner un enseignement. Par exemple les rabbins
utilisaient ce type de langage pour enseigner. Jésus lui aussi va utiliser ce
langage pour donner son message. Les paraboles sont une clé pour accéder plus
facilement à son enseignement sur le royaume. A travers ce langage imagé,
Jésus va véhiculer un certain nombre de
messages sur des thématiques précises liées au mystère du royaume et ses
exigences. Comme déjà souligné, ces paraboles n’ont pas de sens transparent
puisque par définition, elles utilisent un langage codé. Deuxièmement, Les paraboles
sont destinées à faire naître la foi chez l’auditeur : s’y ajoutent toutes
les formes d’éducation et d’éclaircissement sur la vie chrétienne[8]. Le
danger inhérent à cette culture, c’est l’oubli de ce qu’on a entendu. Le
langage vivant, imagé plutôt que des pensées abstraites, devient un véhicule
normal de communication parce que cette sorte de langage a du pouvoir sur
l’auditoire.
Les évangiles rapportent que
Jésus avait l’habitude de parler aux foules en paraboles et en énigmes :
« Jésus leur parla de beaucoup de
choses en paraboles » (Mt 13.3). A ses disciples en revanche, Jésus
expliquait le sens de ses paraboles et ses énigmes (qui ne les comprenaient pas
toujours pour autant) : Les paraboles se présentent ainsi sous formes
d’énigmes : il appartient à l’auditoire de retrouver à travers le sens
littéral de la parabole son sens moral. Il s’agit d’une technique rhétorique
utilisée pour susciter l’attention de son auditoire et pour préserver un
enseignement public des oreilles indiscrètes.
Les
paraboles de Jésus en écho avec les paraboles africaines
Les deux genres de paraboles
occupent une place de prédilection dans la tradition orale en Palestine et en
Afrique. C’est dire qu’elles correspondent, chacune à leur place, à des modes
d’expression spécifiques obéissant à des conditions de production, de
transmission et de conservation étroitement dépendantes d’un certain type de
société.
Ainsi, si les paraboles africaines,
ce sont des récits à vocation exemplaire ou morale faisant parfois intervenir
des animaux à la place des hommes, pouvant de temps à autre prendre des aspects
satiriques, les paraboles de Jésus se
servent aussi d’un langage vivant pour s’adresser concrètement à ses auditeurs.
Ainsi, elles comportent toujours quelque chose
d'insolite qui éveille l'attention : voyez ce champ peu ordinaire, cette
famille étrange, ce singulier intendant. Le narrateur, sans aucun doute, utilise
des métaphores, mais à condition qu'elles ne soient pas inintelligibles pour
l'auditeur : elles devront être usuelles et faire partie de la culture
ordinaire.
Concernant
les deux types de paraboles, il faut que l'épisode raconté, aussi étrange et
inattendu qu'il puisse paraître, rejoigne suffisamment la réalité courante,
demeure donc acceptable et possible, de telle sorte que l'auditeur ne se sente
pas contraint de passer à une application de type allégorique. Etant donné que
les paraboles sont de courts récits narratifs, leur interprétation est brève et
intense. Elles ne sont pas suivies de commentaires, de même que le sens du
poème est dans le poème, ainsi le sens de la parabole est dans la parabole. La
brièveté de la parabole et son langage imagé ont pour but de fixer leur
dénouement dans la mémoire et l’imagination des auditeurs.
Comme
dans l’oralité africaine, « les paraboles de Jésus sont des événements de
parole, qui rendent totalement présent ce qu’elles portent au langage, mais qui
le rendent présent en tant que parabole[9] ».
Ici la parabole est avant tout une manière de parler qui cherche à produire des
effets sur son auditoire.
Le langage de la parabole en tant
qu’événement
Que
cela concerne les paraboles de Jésus ou celles de la culture africaine, une
parabole réussie, c’est un événement en deux temps : 1) Elle crée une
possibilité nouvelle dans la situation ; 2) elle oblige l’auditeur à se décider dans un
sens ou dans l’autre. Dans ce cas, le conteur risque tout sur le pouvoir du
langage. Plus profonde est l’opposition entre le conteur et l’auditeur, plus
grande est la décision à laquelle fait face l’auditeur. Et il y a des
oppositions qui vont au-delà de l’état d’esprit conscient d’un homme et
descendent au plus profond de son être, impliquant tous ses actes et ses
attitudes. C’est à de telles attitudes et oppositions que les paraboles de
Jésus étaient communément confrontées. C'est
pourquoi conter une parabole, c'est toujours courir un risque. Car une chose
est certaine : la parabole ouvre une possibilité d'action qui sera
inévitablement ou saisie ou rejetée.
En Afrique, si les paraboles fonctionnent, elles nous font
réfléchir, nous les africains, non seulement au dynamisme d’une histoire
intéressante, mais à des questions de société profondément personnelles
auxquelles nous avons à faire face chaque jour. Les paraboles ne sont pas des
diversions imaginées de la vie réelle, mais des échantillons volontairement
choisis dans la vie que nous vivons réellement. Elles nous appellent à repenser
notre façon de voir, notre comportement. Elles nous obligent à revoir nos
attitudes et notre conduite dans notre communauté ou dans notre société dont
nous acceptons paresseusement et sans critiques les modes de pensée.
De même, les
paraboles de Jésus rendent la vie ordinaire importante. Jésus fait preuve d’une
théologie de l’ordinaire. Dans ses paraboles, il y a une absence marquée du
surnaturel. Pour Jésus, la vie de tous
les jours est le théâtre dans lequel il
faut jouer la pièce du salut. En faisant appel à la vie de tous les jours, les
paraboles nous disent que nous serons sauvés là où nous sommes. Le salut, c’est
d’abord quelque chose qui arrive dans notre cadre de vie[10].
C’est la parole du Royaume qui nous met à distance de
notre désir de faire pour nous placer en situation de choix, puis
de réception de quelque chose dont nous ne sommes ni l’origine ni la
cause.
C’est
pourquoi, le mot que Jésus emploie souvent avec le mot « salut »,
c’est « aujourd’hui ». C’est dans cette optique qu’il accepte le
prudent repentir de Zachée « Aujourd’hui, le salut est entrée dans cette
maison » (Luc 18.19) et celui du brigand sur la croix : « Aujourd'hui
tu seras avec moi dans le paradis » (Luc 23. 39-43 ).
Conclusion
Que
ce soient dans les paraboles de Jésus ou dans les paraboles africaines, nous
sommes invités à faire un choix et à prendre une décision. On nous demande de
faire attention et de regarder en face des situations que nous préférions
ignorer. Les paraboles nous disent que c’est au milieu de notre vie de chaque
jour— dans l’ordinaire banalité des repas, du boire, du sommeil, des choix, de
l’amour, du pardon, de voyages, d’hospitalité, etc — que notre bonheur et notre
salut trouveront leur accomplissement. Dans les paraboles, nous apprenons que
c’est au-dedans de l’histoire de notre quotidien que se trouve l’histoire la
plus profonde de notre vie, de notre salut.
Au final, nous sommes invités à mieux comprendre le texte des
paraboles, car c'est à nous aussi que Jésus pourrait adresser le reproche
mérité par ses auditeurs, qui lui demandaient le sens de la parabole du semeur
: « Vous ne comprenez pas cette parabole ? Alors comment comprendrez-vous
toutes les paraboles?» (Me 4,13).
Prof. Jimi ZACKA
Exégète, Anthropologue,
Chercheur
[1] A propos des paraboles de Jésus, lire Joachim
JEREMIAS, Les paraboles de Jésus, Le Puy, Éditions Xavier Mappus, 1962.
[2] Il est important de savoir que les
paraboles de Jésus sont d'abord :
- une invitation à deviner quelques traits du visage de Dieu pour nous,
- une invitation à reconnaître quelques traits du visage de Jésus-Christ
- une invitation à découvrir que le Royaume passe par des chemins auxquels nous n'aurions pas pensé.
- une invitation à deviner quelques traits du visage de Dieu pour nous,
- une invitation à reconnaître quelques traits du visage de Jésus-Christ
- une invitation à découvrir que le Royaume passe par des chemins auxquels nous n'aurions pas pensé.
[3]
Par exemple, dans les deux procédés, le langage parabolique invite à un
engagement, à prendre position.
[4] On compte dans les
évangiles plusieurs paraboles, certaines dites majeures mais d'autres dites
mineures. Combien y-a-t-il de paraboles dans les évangiles et quelles sont leur
degré d'importance selon les catégories ? A lire sur ce lien ci-dessous
(consulté le 24/08/2016) : http://www.interbible.org/interBible/decouverte/comprendre/2006/clb_061215.htm
[6] Comme le souligne avec
raison Élian
CUVILLIER, «
Parabolè dans la tradition synoptique », ETR 66/1 (1991), p. 25-44., p. 40 « […] le disciple est bien celui qui a reçu le
privilège de l’intelligence ; mais ce privilège est cependant contrebalancé par
une invitation très exigeante à une vigilance et une fidélité actives dont Mt
fait le sujet d’un certain nombre de paraboles. »
[7]
Lire Ivor Harold JONES, The
Matthean Parables, a Literary and historical Commentary, Leiden, Brill,
1995.
[8] Lire Jacques DUPONT, « Le point de vue de Matthieu
dans le chapitre des paraboles », in M. DIDIER (éd.),
L’évangile selon
Matthieu : Rédaction et théologie, Gembloux, Duculot, BEThL (29), 1972,
p. 221-259., p. 234.
[9]
Eberhard JÜNGEL, Paulus und
Jesus. Eine Untersuchung zur Präzisierung der Frage nach dem Ursprung der
Christologie, Tübingen, J.C.B. Mohr, 1967,
p.138.
[10]
C’est pourquoi, « L’aveuglement des gens n’est donc pas le but poursuivi par
Jésus dans l’emploi du discours parabolique : il en est la cause. Jésus
s’exprime en paraboles parce que la foule est incapable de voir et de
comprendre » Voir : Jack Dean KINGSBURY, The Parables of Jesus
inMatthew 13 : A Study in Redaction-Criticism, Londres, SPCK, 1969, p.
49-51..
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