Le récit de Luc 2.1-7 raconte l’histoire traditionnelle de la naissance de
Jésus, mais au-delà de l’aspect narratif, il nous
fournit un autre cadre de réflexion. Nous
assistons à l’accomplissement de la promesse faite à Marie, mais dans un décor truffé
de controverses. Avec la naissance du Christ Sauveur, c’est une seconde
création, un fait dont les conséquences vont à la fois dévoiler une humanité viciée et
préparer une rencontre entre Dieu et les hommes.
En effet, la séquence narrative choisie
(Lc 2.1-7) est brève mais empreinte de controverses et d’oppositions sur trois volets : d’abord, entre le recensement
(v. 1-5) et la naissance de Jésus (v. 6.7), se révèle l’opposition entre
l’empereur connu de tous et le messie caché ; ensuite, sur l’arrière-plan
de l’édit impérial (v.1), l’annonce par les anges de la naissance du « sauveur »
(sôter), et du « Seigneur »
(kurios), prend tout son poids au vv.
10-11. Enfin, au-delà du recensement, par lequel le monarque voulait connaître
le nombre de ses sujets pour les plier à ses exigences militaires et fiscales, le
regard de Dieu repose sur la naissance d’un « enfant » avec une
satisfaction sans mélange, et les intelligences célestes, que Dieu associe à
l’exécution de son plan, célèbrent cet événement qui va faire pénétrer la
lumière divine jusqu’aux derniers confins de l’univers moral.
Luc
articule ainsi le récit de la naissance de Jésus dans une opposition acharnée entre, d’une part, le projet humain marqué par
la publication de l’édit de César
Auguste, qui décrète le premier recensement
(v.2), et d’autre part, l’intervention souveraine de Dieu décrétant la venue du
«Fils premier-né » de Marie (v.7). Cette naissance ouvre alors une
nouvelle histoire de l’humanité dans un cadre de controverses sur le plan politique,
culturel, social dont la suite du
récit va préciser la teneur. Du coup, l’hypothèse qui fonde notre étude est que
Luc 2.1-7, bien qu’étant très bref, est un morceau de texte très riche qui
retrace explicitement les circonstances difficiles de la naissance de notre
« Sauveur ». Essayons de parcourir les trois registres de ces différentes controverses.
vv.1-2 : La
controverse politique : L’édit de César Auguste
Comme les parents de Jésus demeurent à Nazareth, Luc nous explique ce qui les amène à Bethléem: c'est la convocation au recensement[1]. Mais, l’édit de César Auguste fait difficulté d’un point de vue historique. Luc signale donc un recensement en 7-6 av JC, attribué à Quirinius, peut-être parce que l’opération de 6-7 ap. JC était la seule connue, peut-être aussi parce que Quirinius, consul dès 12 av JC, avait reçu de fréquentes missions en Orient et a donc pu être chargé d’un recensement[2]. D’après Tertullien, mort en 220 ap JC à Carthage, ce serait Sentius Saturninus, légat de Syrie de 9 à 6 av JC qui aurait procédé au recensement de la Judée. Quirinius, alors en exercice, a pu lui être lié d’une façon ou d’une autre.
Mais,
remarquons un premier fait. L’ordre de
recensement concernait aussi Joseph qui habitait en Galilée. Il résulte de là
qu’au moment où la mesure fut ordonnée, la Galilée était encore sous le même
sceptre que la Judée, et que par conséquent c’est bien sous Hérode-le-Grand que
le fait eut lieu, puisqu’après la mort d’Hérode la Palestine fut partagée entre
ses enfants et que la Galilée appartenait à un autre souverain que la Judée. Ce
fait prouve qu’il s’agit bien d’un décret antérieur à celui de Quirinius, qui ne frappa que la Judée
déjà réduite à l’état de province romaine. Un second fait qui conduit à la même
conclusion, c’est que Joseph est appelé, en qualité de membre de la famille de
David, à se rendre à Bethléem ; ce qui prouve que le recensement s’accomplit
selon les usages juifs, et non, comme celui de Quirinius, en l’an 6 de notre ère, selon les formes et par les
autorités romaines. Mais, peu importe la
question historique qui se pose. Car, en mettant l’accent sur le recensement,
l’intérêt du récit s’oriente vers l’importance de l’intervention de Dieu au
cours de cet événement.
Dans cette optique, l’on
constate que sur le plan politique, l’édit
d’Auguste devient très controversé. Car, par ce recensement,
« le monarque voulait connaître le nombre de ses sujets pour les plier à
ses exigences militaires et fiscales… L’ἀπογραφὴ (apographé) est
l’enregistrement de chaque habitant (âge, profession, état civil, enfants) qui
permet de déterminer les obligations militaires et l’impôt personnel [3]».
Mais, décidé par un empereur païen, Luc
veut aussi nous montrer à quel point Dieu se sert de tous les évènements de
l’histoire profane pour accomplir ses desseins. C’est en effet en obéissant à
l’autorité de l’époque que Joseph et Marie arriveront à Bethléem, ville où,
selon le prophète Michée, devait naître celui qui était appelé à régner
sur Israël. Ainsi, « l’action divine se sert du décret de César[4] ».
Exactement, comme dans le livre des Actes où Dieu se servira encore des mêmes
lois romaines pour conduire Paul à Rome annoncer l’Evangile.
De toutes les façons, l’édit d’Auguste César donne un prétexte
au voyage de Joseph et Marie, car de tels recensements se font toujours au lieu
de domicile, non à celui d’origine. Le recensement romain n’aurait pas exigé un
déplacement aussi général; car le lieu d’inscription était la localité principale
de chaque district. Mais, Luc sait par la tradition (cf. Mt
2.1) que l’enfant est né à Bethléem, la cité de David : ce lieu permet de
souligner une fois de plus la filiation davidique de Jésus (v.4). D’ailleurs,
le terme « maison »
(oikos), étant placé le premier, doit avoir un
sens plus large que celui de famille. La maison désigne
ici toute la parenté de David, y compris ses frères et leurs descendants.
C’est dire que Jésus est donc
bien ce Messie, mais avec la mention du recensement romain, il n’accomplit
pas seulement pour Luc l’attente des Juifs : il est né pour le monde
entier. La perspective universelle est présente dès le début de l’Evangile, malgré
qu'elle se heurte aux controverses et oppositions humaines.
C’est
de ce fait que Jésus sera appelé par la suite « Sauveur » et « Seigneur »,
deux titres fréquemment employés par les souverains, et notamment les empereurs
romains qui n’hésitaient pas à se faire rendre un culte comme à un Dieu…
« La théologie politique d’Auguste, renforcée, surtout en Orient, par
la vénération religieuse pour le monarque, est ici démasquée et ravalée par
l’affirmation christologique ». Désormais, tous les hommes,
« objets de la bienveillance de Dieu » (Lc 2,14) auront un seul
Seigneur, un seul Sauveur : le Christ.
Ainsi,
est renversée l'échelle politique établie. Le monarque qui convoque le
recensement n'est plus, ni le "Seigneur" ni le "Sauveur".
Désormais, c'est le "Nouveau-né " dont les parents répondent au
recensement à Bethléem, qui devient le Seigneur et Sauveur non
seulement de de l'Empire Romain, mais de l'humanité toute entière.
vv.
4-5 : La controverse culturelle : « avec Marie…sa fiancée qui était enceinte »
L'expression « avec Marie…sa
fiancée qui était enceinte » revêt une certaine controverse
liée à la question de la virginité[6] , de la
légitimité de filiation de Jésus et particulièrement de la culture juive. Le thème du recensement, avec obligation d’inscription des
personnes peut avoir donné à Luc la raison de la présence de Marie à côté de
Joseph. Mais ce qui importe dans le contexte, ce n’est pas le fait
de l’enregistrement, c’est ce qui est dit au v.5 « Avec Marie …sa fiancée qui était
enceinte ». Luc n'emploie pas gunê ou numphe (terme grec
qui signifie, épouse) pour identifier Marie, mais il utilise le verbe passif
grec emnêsteumenê (être
promis au mariage).
Ce qui veut dire qu’il se passe,
avec Marie, quelque chose qui sort de l’ordinaire. Sa maternité est
culturellement controversée. Car, dans le cadre des usages des juifs,
« les fiançailles…qui scellent l’engagement en vue du mariage, avaient
lieu très tôt (douze et demi chez la jeune fille). Alors la fiancée, quoique
demeurant encore sous le toit de ses parents, était considérée comme
appartenant à son fiancé et soumise à son autorité. Si celui-ci mourut, elle
comptait comme veuve ; si elle le trompait, elle devenait adultère. La
répudiation se faisait selon les règles du divorce. Mais les rapports sexuels
étaient exclus et les deux jeunes gens ne devenaient mari et femme qu’au bout
d’un an après le contrat de mariage, quand l’épousée s’établissaient dans la
maison de son mari [7] ».
Car, voir une « fiancée enceinte »,
chez les juifs, c’est une transgression insoutenable contre la Loi. Cela ne
peut que susciter de déshonneur, des médisances, des critiques,
voire une marginalisation absolue. Car, la virginité, avec espoir de mariage et de
maternité, est une « valeur d’avenir » hautement estimée et
soigneusement préservée en Israël. Aussi, la famille entière éprouvera une
honte qui peut même lui survivre, si la jeune fille est déflorée en dehors du
mariage, comme ce fut le cas de Dina (Gn 34,7) et de Tamar (2S 13,12-14) dont
les frères répareront l’abomination en tuant l’agresseur.
Dans le cas précis de Marie et Joseph, les détracteurs seraient prêts à
formuler deux hypothèses. Certains conjectureraient que Joseph et Marie
seraient partis à Bethléem, dès le retour de Marie de chez Zacharie et
Elisabeth, afin de fuir les médisances. Comme susmentionné, il est
également vrai que dans un village, à cette époque, être enceinte avant
le mariage était suffisamment grave pour essuyer toutes les critiques. Alors
peut-être, d’autres penseraient qu’ils avaient décidé de quitter Nazareth très
vite, pour aller se réfugier chez des gens de leur famille à Bethléem afin
d’éviter tous discrédits dont ils pourraient faire l’objet. Mais, pour Luc, la précision « …sa fiancé qui était
enceinte » ne constitue pas une réflexion sur la virginité de Marie,
mais une dernière insistance de l’évangéliste sur le statut particulier de
Jésus prophétisé par les prophètes (Es 7.14).
Luc prend ainsi position contre l’écho
d’une polémique juive liée à l’origine illégitime de Jésus. Par l’expression
« …sa fiancé
qui était enceinte », Luc ne réitère que les prophéties dites par les
Prophètes dans l’attente du Messie ( Es 7.14 ; 9.5 ; Michée
5.1 ) Pour cela, les derniers mots « …était enceinte »
ne sont destinés qu’à expliquer ce qui va suivre ; car, l’état de
Marie est déjà connu du lecteur par ce qui précède en Lc 1.26-38. D’ailleurs,
Joseph connaît les causes de la grossesse de Marie et il ne veut pas que
l’affaire s’ébruite par souci de la préserver (cf. Mt 1.20). Ainsi, si
Luc souligne l’état de grossesse de Marie à son départ à Bethléem, c’est
pour évoquer tout simplement la notion « d’accomplissement » qui
décrit Marie désormais prête à enfanter (Lc 2.6). Avec ce verbe, Luc
suggère en effet que le projet de Dieu est en train de « s’accomplir »
dans l’histoire, étape après étape. « … Ce qui s’accomplit, ce n’est pas
un temps biblique, liturgique, sacré, culturel …, mais un événement tout
naturel et humain.[8]»
vv. 6-7 : La controverse sociale : « …Il n’y avait pas de place pour eux »
Joseph et Marie
sont enfin là, à Bethléem. La destination est atteinte et les jours
« accomplis ». « Son terme arriva »,
littéralement, signifie les jours qui devaient s’écouler jusqu’à
l’enfantement s’accomplirent. En fait, le terme du voyage n’est pas Bethléem
seulement, notons-le, mais bien une mangeoire dans cette cité. Car, Luc précise
qu’il n’y avait pas de place pour eux dans « la salle » (kataluma),
un terme qui n’intervient que deux fois dans tout l’Evangile, ici et
en Lc 22,11 où ce même mot désigne « la salle, la pièce »
où Jésus vivra son dernier repas avec ses disciples, repas où il
instituera la Cène juste avant sa Passion. La salle d’hôte est complète,
de sorte que le nouveau-né va être couché dans une mangeoire :
l’expression sera utilisée trois fois (7.12 et 16) et cela indique que c’est le
fruit de l’initiative divine. Toutefois, une question s’impose : Pourquoi
la naissance de ce « nouveau-né » échappe-t-elle à toutes les
conditions d’un accouchement décent ?
Car, il faut préciser que,
chez les juifs, l'accouchement était considéré comme un événement
heureux et fait par une sage-femme[9]. L'enfant était baigné
et frotté de sel pour affermir sa peau, puis on l'enveloppait de langes[10]. Ici, il n’est
mentionné ni la présence des sages-femmes, ni le rituel du frottement du sel
sur la peau du nouveau-né, ni la présence d’autres personnes pour donner une
ambiance heureuse à l’événement. Il a fallu qu’un ange vînt annoncer la
Bonne Nouvelle aux Bergers : "Ne craignez pas, car voici que je
viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple :
Aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie,
le Seigneur" (Lc 2,10-11). Cette joie, elle est offerte aux hommes,
mais aussi à toute la création. C’est ainsi qu’ "il y eut avec l'ange
une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : ‘’Gloire à Dieu au
plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu'il aime " (Lc
2,13-14).
Cela dit,
l’on comprend que l’expression « …Il n’y avait pas de place pour eux »
trahit une humanité viciée, mue par la culture d’exclusion où l’égoïsme,
l’indifférence, le rejet de l’autre devient le mode de vie. C’est
là où l'on appréhende pourquoi les premiers qui entendent parler de la
naissance de Jésus sont des bergers, c’est-à-dire, pour la société de
l’époque, des parias, des marginaux [11].
Les bergers étaient détestés parce qu’ils ne se lavaient pas
beaucoup. Parce qu’ils passaient tout leur temps avec les bêtes nuit et jour.
Ils venaient rarement en ville. D’abord, on ne les appréciait guère, et en
plus, les seules fois où ils venaient, c’était pour vendre leurs animaux,
surtout aux prêtres de Jérusalem pour les sacrifices. En effet, leur travail
les rendait impurs d’un point de vue cérémoniel. Le Talmud de Babylone les
range dans une compagnie significative : « Il est difficile pour
des bergers, des collecteurs d’impôts et des publicains de faire pénitence ».
Exclus, c’est vers eux que Dieu se tourne pour annoncer la bonne nouvelle. Le
Messie de l’Ancien Testament arrive, et ceux qui en sont informés sont des
bergers, des exclus de la société. Dieu démontre ainsi qu’il a bien
des façons de retrouver avec nous la familiarité perdue, de restaurer la
cohabitation, de nous réinsérer dans une société renouvelée.
Car,
lorsque le Christ vient demeurer parmi nous, il s’inscrit dans la lignée de ces
histoires d’hospitalité connues dans l'AT. Le premier lieu qui est explicitement demandé pour
lui, au moment de sa naissance, est une hôtellerie (kataluma, Lc 2.7),
mais il n’y a pas eu de place pour lui. Demandeur ou hôte, Jésus ne vient
pas couronner une longue série de faits d’hospitalité ; il vient révéler
de quoi ces faits étaient porteurs. Avoir sa place dans le monde des hommes, ne
serait-ce que dans la courante requête d’une chambre d’hôtel, c’est ce que tout
homme demande. C’est ce que Dieu demande. Il ne s’agissait que de cela dans les
histoires de l’Ancien Testament (Gn 18.1-8; 2 R 4.8-37). C’était Dieu
lui-même qui frappait à la porte de cet hôtel pour qu’on lui donne un lieu, et,
une fois dans la place, pour donner à chacun son lieu avec lui. Mais, la
porte lui a été fermée. Jésus n’a-t- il pas dit : « Voici, je me tiens
à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte,
j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. » (Ap.
3.20) ?
Arrivés à
Bethléem, Joseph et Marie revisiteront ces histoires d’hospitalité dans
l’Ancien Testament, mais ils vont se heurter à un refus catégorique de la part
de leurs contemporains. L'expression « … pas de place pour eux » dénote le déni de l'hospitalité de l'homme.
Pourtant, le lieu de la rencontre avec Dieu n’est jamais le résultat des
préparations ou des déductions humaines[12].
Joseph et son épouse n’ont-ils pas un statut recevable ? Cette jeune femme
enceinte avant le mariage mérite-t-elle une telle humiliation ? S’il n’y a pas
de place à l’hôtellerie de Bethléem, qu’à cela ne tienne. Le
« Fils Premier né » aura un lieu dans une mangeoire dans l'étable et personne
ne devra céder sa place pour qu’il puisse être né au monde. Pour Dieu, peu importe
l’endroit où le Fils de Dieu sera né, car rien est impossible à Dieu (Lc 1.37).
D’ailleurs, « le Très-Haut n'habite pas dans la maison qui est faite de
main d'homme…» (Actes 7.48). Être né dans cette hôtellerie donnerait peut-être une certaine renommée au propriétaire. Nous retrouvons ainsi l’écho de l’évangile
de Jean : « Elle est venue, et les siens ne l’ont point
reçue » (Jn 1.11).
Tout cela nous renvoie à notre propre conscience. Au-delà de
la foi chrétienne tant prônée dans l'espace public, la question qui doit tarauder notre esprit,
est de savoir si nous, en tant que chrétiens ou leaders chrétiens, ne
sommes-nous pas toujours sélectifs dans notre manière d'accueillir l'autre, que
l'on appelle "prochain". Ne sommes-nous pas enclins à
catégoriser ceux ou celles que nous recevons (les importants d'un côté, les
moins importants de l'autre) dans notre pays, dans nos maisons, dans nos
églises ?
Notons qu'en
naissant dans la fragilité d’un enfant, Dieu nous fait souvenir de l’extrême
fragilité de tout homme, pour laquelle il importe que nous agissions pour
transformer les rapports humains et sociaux et amener chacun à son excellence,
à ce qui fait sa grandeur singulière. Un paradoxe se joue : la faiblesse
lutte pour l’avènement de la grandeur. Nous ne pouvons pas aimer Jésus, les
yeux aveuglés par nos lumières, les oreilles sourdes aux appels des autres, les
mains crispés sur nos biens. Le Sauveur né nous veut en relation avec tous ceux
qui ont besoin d’un autre ou qui sont dans le besoin
Ouvertures
Au terme de notre lecture du récit de la
naissance de Jésus en Lc 2.1-7,
plusieurs pistes de réflexion nous semblent ouvertes :
1.
Nous retenons que la venue de notre Sauveur au
sein de l’humanité s’est heurtée, au terme d’un certain nombre de péripéties, à de nombreuses difficultés, de controverses
et d'oppositions d’ordre politique,
culturel et social. C'est pourquoi, d'ailleurs, tout au long de son ministère, tous les défis qu'il affrontera, s'articuleront sur ces trois registres.
2. L’épisode amorce en effet une réflexion sur l’intervention
de Dieu dans l’histoire des hommes (recensement).
Le déplacement de ses parents à Bethléem afin de s’enregistrer dénote que Jésus est inscrit dans une histoire dont il n’est
pour l’heure qu’un acteur passif.
Luc ne
dit pas que Dieu dirige l’histoire (ni le contraire) mais qu’il intervient par
des signes forts ou encore par l'accomplissement des Ecritures. C’est la réaction des individus à ces
interventions qui provoque les événements dont ils ne sont cependant pas les
maîtres.
3. Le contraste entre la démarche positive de
Joseph et Marie afin de trouver un lieu sûr pour l'accouchement du « nouveau-né »
et l’indifférence des autorités politiques, religieuses et civiles de Bethléem d'accorder ce lieu, porte déjà les germes du conflit à venir entre Jésus et les autorités politiques et religieuses. C’est pourquoi, les méprisés
du bas de l’échelle sociale sont les premiers concernés par la naissance de
celui qui a pour mère une humiliée (1.48).
4. Aujourd’hui, un défi est lancé à tous les citoyens du monde : celui d’apprendre, ensemble et les uns par les autres, à articuler vérité et altérité dans le sens de l’hospitalité et de la rencontre, et non plus dans l’arrogance et l’exclusion. Car l’Evangile nous invite à ne pas nous comporter à la manière des grands de ce monde (Lc 21.25).
4. Aujourd’hui, un défi est lancé à tous les citoyens du monde : celui d’apprendre, ensemble et les uns par les autres, à articuler vérité et altérité dans le sens de l’hospitalité et de la rencontre, et non plus dans l’arrogance et l’exclusion. Car l’Evangile nous invite à ne pas nous comporter à la manière des grands de ce monde (Lc 21.25).
5.
L’épisode propose également une réflexion
christologique. L’identité de Jésus est ici fortement soulignée. C’est le « Sauveur »
qui vient de naître. Luc l’atteste par la formule théologique : « les jours où elle devait enfanter
furent accomplis ». Vient ensuite la scène de révélation aux bergers.
Mais, pourquoi, sont-ce des bergers qui en sont bénéficiaires ?
Il y a certes un lien littéraire entre la ville (Bethléem) et le thème du
Bon berger (Jn 10.10). De même, la naissance de
Jésus est qualifiée de Bonne Nouvelle qui va provoquer une grande joie, non
terrestre mais céleste. Trois titres sont ainsi donnés au nouveau-né : « Aujourd’hui
est né pour vous…un Sauveur qui est Christ Seigneur ».
6. À la lecture de ce récit (Lc 2.1-7), on peut également être
conduit à réfléchir à l’articulation entre la sagesse humaine et révélation
divine. Obnubilés par le pouvoir, le monarque et ses affidés ne pouvaient pas comprendre les signes de la venue du véritable Seigneur. Comme eux, aujourd’hui, la Bonne Nouvelle de Jésus
est encore considérée comme un non-sens pour beaucoup. Notre société vénère le
pouvoir, la beauté et la richesse. Or Luc nous dit que Jésus est
apparu comme un humble et pauvre serviteur, et il offre son royaume à ceux qui
ont la foi, mais non à ceux qui font toutes sortes de bonnes œuvres pour
obtenir le salut, non à ceux qui prônent leurs prouesses pour attester leur foi en Dieu, non à ceux qui instrumentalisent son nom pour s'enrichir.
7. On ne pourrait ici passer
sous silence l'une des manières les plus originales par lesquelles Jésus, par
sa naissance, va au cœur de la culture
de son peuple, au risque de la bousculer et de provoquer certaines ruptures
afin d’exprimer le mystère de la vie, de faire découvrir le vrai visage de Dieu
son Père.
(à retenir)
Recevoir le salut est si simple que toute
personne qui veut être sauvée peut l’être, mais tout dépend de l'attitude que l'on adopte vis-à-vis du "Nouveau né" de Bethléem. Ni les aptitudes personnelles,
ni la sagesse ne donnent accès au Royaume de Dieu. C’est la
simple foi qui en ouvre la porte. En choisissant ceux dont le monde ne
fait aucun cas (les bergers), Dieu veut à travers eux que toute la gloire
revienne à lui et non à l’homme. Comme le salut est son œuvre exclusive,
il est seul digne d’être loué. Nous ne pouvons rien faire pour
gagner notre salut. Il nous faut simplement accepter ce que le Seigneur
a déjà accompli pour nous.
Dr. Jimi Zacka
Exégète, Anthropologue, Auteur
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jimi_Zacka
P.S. : La rédaction Thephila.com prévient les lecteurs contre toute
utilisation de ses textes ne mentionnant pas la source et le nom de l’auteur de
l’article comme cela a pu arriver.
C'est une propriété privée. Merci
Bibliographie
[1] En tout cas, un manuscrit trouvé en
Egypte prouve qu'il fallait bien se déplacer vers sa ville d'origine pour se
faire recenser. C'est ainsi que grâce au décret d'un roi païen, Joseph et Marie
firent un déplacement de près de 120 km, pour arriver dans une ville située au
sud de Jérusalem
[2]
LÉON-DUFOUR X., Dictionnaire du Nouveau
Testament (Manchecourt 2001) p. 465-466.
[3] BOVON F., L’Evangile selon St Luc 1-9 (Genève 1991) p. 117-118.
[4] COUSIN H., « L’Evangile de Luc », dans Les Evangiles, textes et commentaires (Bayard Compact ; Paris 2001) p. 570.
[5] Bovon F., L’Evangile selon St Luc 1-9 p. 117
[6] En contexte biblique, la virginité peut
revêtir un double sens et désigner d’une part, la virginité de fait comme celle
d’une jeune femme en âge d’être mariée et qui ne réalisera sa nature de femme
que dans la maternité, et d’autre part, la continence volontaire. La virginité,
avec espoir de mariage et de maternité, est une « valeur d’avenir »
hautement estimée et soigneusement préservée en Israël2. Tout le
processus éducatif de la jeune fille soumise à l’autorité masculine tend à
conserver ce bien le plus précieux jusqu’au jour de ses noces, car l’honneur
familial y est en cause. Aussi, la famille entière éprouvera une honte qui peut
même lui survivre, si la jeune fille est déflorée en dehors du mariage, comme
ce fut le cas de Dina (Gn 34,7) et de Tamar (2S 13,12-14) dont les frères
répareront l’abomination en tuant l’agresseur.
[7] Légasse
S., « Joseph pouvait-il répudier Marie « en
secret » ? », BLE 99
(1998), pp.369-372.
[8] Bovon, F. L’Evangile selon St Luc 1-9, op.cit. p.
[9] Ex 1.18, 19.
[10] Le lange de bébé se présente généralement comme
un simple carré de tissu absorbant, de 70x70 cm ou 80x80 cm. Le plus souvent,
il est en coton. Certains modèles récents, les langes à nouer, sont déjà
équipés de cordelettes pour les attacher. Les autres peuvent nécessiter
l'emploi d'un ruban ou d'une épingle à nourrice pour les faire tenir en place
selon l'usage.
[11] « Les bergers sont alors mal vus en Israël, car ils vivent en marge de
la communauté pratiquante. Ce sont des petits, des pauvres. » (TOB)
[12] Dans la Bible, il y a plusieurs cas où Dieu
s’invite chez ses hôtes ( Dans la Bible, Dieu s'invite toujours de manière improvisée chez les hommes (cf.Abraham ou Zachée.)
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