jeudi 19 janvier 2017

DONALD TRUMP, FIGURE DU « MAUVAIS ROI » ?


« Un mauvais roi ne pourra pas gouverner le pays de ceux qui obéissent à Dieu. Autrement, eux aussi auront envie de faire le mal » (Psaumes 125.3)



Donald Trump,  est -il la figure du  « mauvais roi »  ?

   

    À la veille de l'investiture officielle du nouveau président élu Donald Trump,  l’Amérique vit dans une ambiance de plus en plus délétère et dans un climat de défiance sans précédent.  Selon les derniers sondages, il y a seulement 40% d’américains qui sont satisfaits de le voir à la Maison Blanche. C’est dire que le séisme politique continue. Beaucoup sont encore sonnés. Mais aussi, jamais depuis 40 ans un président américain n'avait pris le pouvoir avec un niveau d'impopularité aussi élevé que Donald Trump.

   Pourtant, au-delà de la virulence verbale qu’il distribue à tous ses détracteurs supposés ou avérés, malgré les propositions parfois surréalistes faites tout au long de sa campagne avec des conséquences incertaines pour les Etats-Unis et le monde entier, alors que certains élus démocrates et républicains remettent en cause sa santé mentale, Donald Trump se considère comme le meilleur. Selon lui, il sera  un Président qui va « reconstruire une grande nation et renouveler le rêve américain »; il sera celui qui va «  être le plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé. ». Il justifie ses affirmations par le fait qu' « « Il y a une atmosphère fantastique en ce moment, une atmosphère que beaucoup de gens me disent n’avoir jamais vue auparavant ».

     L’auto-satisfecit Trump laisse en effet un goût un peu trop  populiste. C’est-à-dire, une sorte de rhétorique qui prétend incarner le peuple contre le « système », l’establishment et les appareils politiques. En fait, il est venu avec des définitions exclusives de « qui est le peuple » et « qui n’est pas le peuple », avec des critères variables excluant ainsi une frange de la population américaine. Et, pour lui, son peuple est dépositaire d’une identité particulière, d’une classe immuable.  En effet, il se doit de défendre les droits de quelques-uns tout en limitant la dimension universelle du peuple américain.  Philippe Garnier nous en donne une description : « Le leader populiste ne se plie pas à l’expression continue de la volonté générale, il se fonde sur une légitimité définitive nommée « esprit du peuple ». Il transforme en substance ce qui est de l’ordre du flux et du recommencement perpétuel, il cherche à figer ce qui est instable, à dégager une essence morale définitive qui permet de désigner l’opposant comme intrinsèquement mauvais ou étranger. Il fait toujours prévaloir l’un sur le multiple. Il agit ainsi comme un anxiolytique efficace en période de mutation rapide. ». 

     Le pape François a donné l'exemple type du populisme au sens européen  en soulignant le cas de l’Allemagne en 1933 : « Il y avait un peuple en crise qui cherchait son identité et un leader charismatique est apparu et Il a donné (aux Allemands) une identité déformée et on sait ce qui s'est produit ». « Hitler n'a pas volé le pouvoir », souligne le Pape, "il a été élu par son peuple et après il a détruit son peuple ». Quand les gens se disent : « cherchons un sauveur qui nous rende notre identité et protégeons-nous avec des murs, avec des barbelés, avec n'importe quoi pour que les autres ne puissent nous enlever notre identité », il apparaîtra toujours  un « leader charismatique» qui les conduira à aimer le mal.  
 
     C’est dans cette ambiance qu’une partie du peuple américain et du monde entier se sentent dans l’inconfort, dans l’incertitude de l’avenir. Et, la question qui taraude l’esprit est celle de savoir si Donald Trump sera un « bon roi » ou un « mauvais roi ».

     Il convient ainsi de savoir que si certains rois dans la Bible sont présentés de manière positive, la Bible porte un jugement négatif sur plusieurs d’entre eux. Tel un refrain, le règne de plusieurs d’entre eux se résume ainsi : « Il fit ce qui est droit aux yeux du Seigneur » ou « il fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur. » Cette manière stéréotypée de juger la valeur du règne des rois,  suggère aux chercheurs la main d’un rédacteur postérieur qui fait une relecture de l’histoire selon une perspective très particulière. Mais quels sont les critères qui font d’eux de mauvais rois?

C'est quoi être « mauvais rois » dans la Bible ?

     Les jugements négatifs portés sur les rois, sont formulés de différentes façons : 1) « Il imita les péchés que son père avait commis avant lui » pour Abiyyam en 1 R 15,3 et pour Amon en 2 R 21,21 (« Il suivit en tout la conduite de son père, rendit un culte aux idoles qu’il avait servies et se prosterna devant elles » ; 2) « Il imita la conduite des rois d’Israël » pour Joram en 2 R 8,18 et Achaz en 2 R 16,3 ; 3) « Il imita la conduite de la famille d’Achab » pour Ochozias en 2 R 8,27 ; 4) « Il imita la conduite des rois d’Israël [...], selon les coutumes abominables des nations » pour Achaz en 2 R 16,3 et pour Manassé en 2 R 21,2. Il semble y avoir une gradation dans le mal. Le pire cas est celui du roi Manassé, qui « multiplia les actions que yhwh regarde comme mauvaises, provoquant ainsi sa colère » (cf. 2 R 21,2-7). Son péché est considéré comme tellement grave qu’il est encore rappelé aux règnes suivants (cf. 2 R 23,26 malgré les réformes de Josias; 24,3 première déportation sous Joiaqim due aux péchés de Manassé), justifiant ainsi pleinement le désastre final. À un moindre degré d’iniquité, si l’on peut dire, il y a les rois de Juda qui ont imité les rois du royaume du nord. Cela implique sans doute qu’ils servirent Baal (Joram 2 R 8,18 ; Ochozias 2 R 8,27 ; Achaz 2 R 16,2-4). 

Le péché le plus grave des rois est simplement d’imiter leurs pères et de tolérer le culte paien sur les hauts lieux. Il est notable que le jugement sur les quatre derniers rois de Juda, tous fils (Joachaz en 609 ; Joiaqim de 609 à 598 ; Sédécias de 598 à 587), ou petit-fils (Joiakîn fils de Joiaqim en 598) de Josias, sont plus ou moins les mêmes, mais sont différents des précédents. « Il fit ce qui déplaît à yhwh, tout comme avaient fait ses pères » pour Joachaz 2 R 23,32 ; Joiaqim 2 R 23,37 ; Joiakîn 2 R 24,9 ; Sédécias en 2 R 24,19.

     Mais le pire provient des rois qui ont entraîné tout Israël dans le péché (2 R 17,21-22 ; 23,15 cf. Si 47,24-25). C’est le péché de Jéroboam qui causa la ruine (1 R 14,16 ; 16,3.7 ; 21,22 ; 2 R 9,9) et que tous les rois d’Israël ont imité, comme c’est rappelé de nombreuses autres fois : Nadab 1 R 15,26-30 ; Basha 15,34 ; Zimri 16,19 ; Omri 16,26 ; Achab 16,31 ; Ochozias 22,53 ; Joram 2 R 3,3 ; Jéhu 10,29.31 ; Joachaz 13,2.6 ; Joas 13,11 ; Jéroboam II 14,24 ; Zacharie 15,9 ; Menahem 15,18 ; Peqahya 15,24 ; Péqah 15,28. 

   Ainsi, le psalmiste donne l’alerte « Un mauvais roi ne pourra pas gouverner le pays de ceux qui obéissent à Dieu. Autrement, eux aussi auront envie de faire le mal ». Qu’est-ce à dire ? 

Que dit Ps 125.3  ? 

« Un mauvais roi ne pourra pas gouverner le pays de ceux qui obéissent à Dieu. Autrement, eux aussi auront envie de faire le mal »

         Les mauvais rois s’y remarquent parce qu’ils rejettent délibérément Dieu et incitent leurs sujets à l’idolâtrie. Jéroboam, le premier roi à régner sur Israël après la division de son royaume, lui a laissé en héritage le souvenir d’avoir été l’un de ses pires rois, « à cause des péchés [qu’il] a commis et qu’il a fait commettre à Israël » (14.16). En raison de son mauvais exemple, on lui compare de nombreux rois lui ayant succédé en disant d’eux qu’ils étaient aussi mauvais que lui (16.2,19,26,31 ; 22.52). En I Rois 21:25, Achab est décrit comme le plus mauvais roi d’Israël. Personne ne l’égalait en méchanceté, lui et sa femme Jézabel. Elie rencontra ce roi dans I Rois 21. 

     C’est dire qu’aux temps bibliques, le peuple Israélite devenait païen et immoral, à l'instar des nations qui les entouraient,  à cause du comportement des rois qui les entraînaient sur la voie des dieux étrangers  (Jg 10.6-9). Toutefois, ils tentaient de garder leur identité juive.  Il en est de même aujourd'hui.  Certains essaient de garder l’identité chrétienne, mais trouvent l’exaltation dans des discours populistes, xénophobes et identitaires. Il reste à dire qu’on ne saurait assigner au populisme contemporain une aire géographique particulière ni un contenu politique déterminé, puisqu’on y trouve aussi bien le collectivisme partiel que l’exaltation de l’entreprise privée, la promotion de l’identité religieuse et la défense de la laïcité. Chrétiens et non-chrétiens s’y enchevêtrent inextricablement. Le concept semble doué d’une plasticité presque infinie.  

     Pour preuve, pour un certain nombre de sujets dits « moraux », sur des questions comme la politique de la drogue, le mariage gay ou l’avortement, les évangéliques américains ont majoritairement pris une position « conservatrice », et sur ce point la différence entre les programmes républicain et démocrate a été bien nette.

     Il y a eu des leaders évangéliques importants qui ont soutenu Donald Trump, et certains l’ont fait en offrant des excuses honteuses pour ses pires comportements. Mais en même temps, il faut le souligner, le comportement de Trump ne résonne pas vraiment avec les valeurs des évangéliques. Ceux-ci insistent notamment sur la famille, le respect dû au mariage traditionnel, et une éthique sexuelle assez stricte : pas de sexualité avant le mariage, et encore moins hors mariage. Alors un Donald Trump qui a été divorcé plusieurs fois et qui se vante dans ses livres d’aventures extraconjugales, qui ne crée aucune sympathie, et lorsqu’en plus il s’est révélé qu’il se vantait aussi d’attouchements non consentis envers des femmes,  a-t-il été le choix idéal pour celui qui obéit à Dieu ?

     Un théologien évangélique américain tentait de donner une réponse évasive. Il expliquait que Donald Trump avait des « failles », mais que voter pour lui restait un choix moralement bon.  C'est tout ce  qui justifiait ce choix.

    Finalement, beaucoup d’évangéliques ont cédé à la tentation de vendre leur âme pour obtenir du pouvoir Trump ce qui ne pouvait exister. Donald Trump leur a fait miroiter d’être de leur côté sur des questions jugées importantes, et certains se sont montrés prêts à renier des valeurs chrétiennes qui leur sont chères pour obtenir ce résultat. La volonté de façonner une Amérique à l’image de leurs idéaux les a conduits à sacrifier sur certains de ces idéaux. Donald Trump a-t-il séduit comme le Serpent du jardin d'Eden ? 

     C’est là où l’on découvre  qu’en voulant instrumentaliser Dieu, le leader populiste considère que le vrai peuple ne peut être dans la sécularisation (Pourtant, il s'y trouve lui-même). Il se fait ainsi l’héritier de cette méfiance séculaire. Il oppose donc une idée immaculée au corps putrescible et changeant. C’est une sorte de platonisme popularisé, et également une séduction mortifère qui consistent à donner à ceux qui obéissent à Dieu  "envie de faire le mal". 

     N’est-ce pas là, en évidence, ce que le Psalmiste prédit avec raison  : « Un mauvais roi ne pourra pas gouverner le pays de ceux qui obéissent à Dieu. Autrement, eux aussi auront envie de faire le mal » ? 

     Toutefois, même si l'élection de Donald Trump est la plus clivante que l'Amérique n'ait jamais connue dans l'histoire des Etats-Unis, nous ne devons en rien nous décourager. 

      Cette élection doit plus que jamais nous pousser à prier et à demeurer dans la volonté de Dieu. Comme l’a dit  quelqu’un : « Si Dieu a permis que cet homme arrive à la tête des Etats-Unis, c’est que cet événement était prévu » pour nous éprouver. 


Prof. Jimi ZACKA
Théologien, Anthropologue

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