« Un mauvais roi ne pourra pas
gouverner le pays de ceux qui obéissent à Dieu. Autrement, eux aussi auront
envie de faire le mal »
(Psaumes 125.3)
À la veille de l'investiture
officielle du nouveau président élu Donald Trump, l’Amérique vit dans une
ambiance de plus en plus délétère et dans un climat de défiance sans
précédent. Selon les derniers sondages, il y a seulement 40% d’américains
qui sont satisfaits de le voir à la Maison Blanche. C’est dire que le séisme
politique continue. Beaucoup sont encore sonnés. Mais aussi, jamais depuis 40 ans un président
américain n'avait pris le pouvoir avec un niveau d'impopularité aussi élevé que
Donald Trump.
Pourtant,
au-delà de la virulence verbale qu’il distribue à tous ses détracteurs supposés
ou avérés, malgré les propositions parfois surréalistes faites tout au long de
sa campagne avec des conséquences incertaines pour les Etats-Unis et le monde
entier, alors que certains élus démocrates et républicains remettent en cause
sa santé mentale, Donald Trump se considère comme le meilleur. Selon lui, il
sera un Président qui va « reconstruire une grande nation et
renouveler le rêve américain »; il sera celui qui va « être le
plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé. ». Il justifie
ses affirmations par le fait qu' « « Il y a une atmosphère
fantastique en ce moment, une atmosphère que beaucoup de gens me disent n’avoir
jamais vue auparavant ».
L’auto-satisfecit Trump laisse en effet un goût un peu trop populiste.
C’est-à-dire, une sorte de rhétorique qui prétend incarner le peuple contre le
« système », l’establishment et les appareils politiques. En fait, il
est venu avec des définitions exclusives de « qui est le peuple » et
« qui n’est pas le peuple », avec des critères variables excluant
ainsi une frange de la population américaine. Et, pour lui, son peuple est dépositaire
d’une identité particulière, d’une classe immuable. En effet, il se doit
de défendre les droits de quelques-uns tout en limitant la dimension
universelle du peuple américain. Philippe Garnier nous en donne une
description : « Le leader populiste ne se plie pas à l’expression
continue de la volonté générale, il se fonde sur une légitimité définitive
nommée « esprit du peuple ». Il transforme en substance ce qui est de
l’ordre du flux et du recommencement perpétuel, il cherche à figer ce qui est
instable, à dégager une essence morale définitive qui permet de désigner
l’opposant comme intrinsèquement mauvais ou étranger. Il fait toujours
prévaloir l’un sur le multiple. Il agit ainsi comme un anxiolytique efficace en
période de mutation rapide. ».
Le pape François a donné l'exemple type du
populisme au sens européen en soulignant le cas de l’Allemagne en
1933 : « Il y avait un peuple en crise qui cherchait son identité
et un leader charismatique est apparu et Il a donné (aux Allemands) une identité
déformée et on sait ce qui s'est produit ». « Hitler n'a pas
volé le pouvoir », souligne le Pape, "il a été élu par son
peuple et après il a détruit son peuple ». Quand les gens se
disent : « cherchons un sauveur qui nous rende notre identité et
protégeons-nous avec des murs, avec des barbelés, avec n'importe quoi pour que
les autres ne puissent nous enlever notre identité », il apparaîtra
toujours un « leader charismatique» qui les conduira à aimer le mal.
C’est dans
cette ambiance qu’une partie du peuple américain et du monde entier se sentent
dans l’inconfort, dans l’incertitude de l’avenir. Et, la question qui taraude
l’esprit est celle de savoir si Donald Trump sera un « bon roi »
ou un « mauvais roi ».
Il convient
ainsi de savoir que si certains rois dans la Bible sont présentés de manière
positive, la Bible porte un jugement négatif sur plusieurs d’entre eux. Tel un
refrain, le règne de plusieurs d’entre eux se résume ainsi : « Il
fit ce qui est droit aux yeux du Seigneur » ou « il fit ce qui est
mal aux yeux du Seigneur. » Cette manière stéréotypée de juger la
valeur du règne des rois, suggère aux chercheurs la main d’un rédacteur
postérieur qui fait une relecture de l’histoire selon une perspective très
particulière. Mais quels sont les critères qui font d’eux de mauvais rois?
C'est quoi être
« mauvais rois » dans la Bible ?
Les
jugements négatifs portés sur les rois, sont formulés de différentes façons :
1) « Il imita les péchés que son père avait commis avant lui »
pour Abiyyam en 1 R 15,3 et pour Amon en 2 R 21,21 (« Il suivit en tout la
conduite de son père, rendit un culte aux idoles qu’il avait servies et se
prosterna devant elles » ; 2) « Il imita la conduite des rois
d’Israël » pour Joram en 2 R 8,18 et Achaz en 2 R 16,3 ;
3) « Il imita la conduite de la famille d’Achab » pour Ochozias
en 2 R 8,27 ; 4) « Il imita la conduite des rois d’Israël [...],
selon les coutumes abominables des nations » pour Achaz en 2 R 16,3 et
pour Manassé en 2 R 21,2. Il semble y avoir une gradation dans le mal. Le pire
cas est celui du roi Manassé, qui « multiplia les actions que yhwh regarde
comme mauvaises, provoquant ainsi sa colère » (cf. 2 R 21,2-7). Son péché
est considéré comme tellement grave qu’il est encore rappelé aux règnes
suivants (cf. 2 R 23,26 malgré les réformes de Josias; 24,3 première
déportation sous Joiaqim due aux péchés de Manassé), justifiant ainsi
pleinement le désastre final. À un moindre degré d’iniquité, si l’on peut dire,
il y a les rois de Juda qui ont imité les rois du royaume du nord. Cela
implique sans doute qu’ils servirent Baal (Joram 2 R 8,18 ; Ochozias 2 R
8,27 ; Achaz 2 R 16,2-4).
Le péché le plus grave des rois est
simplement d’imiter leurs pères et de tolérer le culte paien sur les hauts
lieux. Il est notable que le jugement sur les quatre derniers rois de Juda,
tous fils (Joachaz en 609 ; Joiaqim de 609 à 598 ; Sédécias de 598 à
587), ou petit-fils (Joiakîn fils de Joiaqim en 598) de Josias, sont plus ou
moins les mêmes, mais sont différents des précédents. « Il fit ce qui
déplaît à yhwh, tout comme avaient fait ses pères » pour Joachaz 2
R 23,32 ; Joiaqim 2 R 23,37 ; Joiakîn 2 R 24,9 ; Sédécias en 2 R
24,19.
Mais le
pire provient des rois qui ont entraîné tout Israël dans le péché (2 R
17,21-22 ; 23,15 cf. Si 47,24-25). C’est le péché de Jéroboam qui causa la
ruine (1 R 14,16 ; 16,3.7 ; 21,22 ; 2 R 9,9) et que tous les
rois d’Israël ont imité, comme c’est rappelé de nombreuses autres fois :
Nadab 1 R 15,26-30 ; Basha 15,34 ; Zimri 16,19 ; Omri
16,26 ; Achab 16,31 ; Ochozias 22,53 ; Joram 2 R 3,3 ; Jéhu
10,29.31 ; Joachaz 13,2.6 ; Joas 13,11 ; Jéroboam II
14,24 ; Zacharie 15,9 ; Menahem 15,18 ; Peqahya 15,24 ;
Péqah 15,28.
Ainsi, le psalmiste donne
l’alerte « Un mauvais roi ne pourra pas gouverner le pays de ceux qui
obéissent à Dieu. Autrement, eux aussi auront envie de faire le mal ».
Qu’est-ce à dire ?
Que dit Ps
125.3 ?
« Un
mauvais roi ne pourra pas gouverner le pays de ceux qui obéissent à Dieu.
Autrement, eux aussi auront envie de faire le mal »
Les mauvais rois s’y remarquent parce qu’ils rejettent délibérément Dieu et
incitent leurs sujets à l’idolâtrie. Jéroboam, le premier roi à régner sur
Israël après la division de son royaume, lui a laissé en héritage le souvenir
d’avoir été l’un de ses pires rois, « à cause des péchés [qu’il] a
commis et qu’il a fait commettre à Israël » (14.16). En raison de son mauvais
exemple, on lui compare de nombreux rois lui ayant succédé en disant d’eux
qu’ils étaient aussi mauvais que lui (16.2,19,26,31 ; 22.52). En I Rois 21:25,
Achab est décrit comme le plus mauvais roi d’Israël. Personne ne l’égalait en
méchanceté, lui et sa femme Jézabel. Elie rencontra ce roi dans I Rois
21.
C’est dire qu’aux temps bibliques,
le peuple Israélite devenait païen et immoral, à l'instar des nations qui les
entouraient, à cause du comportement des rois qui les entraînaient sur la
voie des dieux étrangers (Jg 10.6-9). Toutefois, ils tentaient de garder
leur identité juive. Il en est de même aujourd'hui. Certains
essaient de garder l’identité chrétienne, mais trouvent l’exaltation dans des
discours populistes, xénophobes et identitaires. Il reste à dire qu’on ne
saurait assigner au populisme contemporain une aire géographique particulière
ni un contenu politique déterminé, puisqu’on y trouve aussi bien le
collectivisme partiel que l’exaltation de l’entreprise privée, la promotion de
l’identité religieuse et la défense de la laïcité. Chrétiens et non-chrétiens
s’y enchevêtrent inextricablement. Le concept semble doué d’une plasticité
presque infinie.
Pour preuve, pour un certain nombre de sujets dits « moraux », sur
des questions comme la politique de la drogue, le
mariage gay ou l’avortement, les
évangéliques américains ont majoritairement pris une position
« conservatrice », et sur ce point la différence entre les programmes
républicain et démocrate a été bien nette.
Il y a eu des leaders évangéliques importants qui ont
soutenu Donald Trump, et certains l’ont fait en offrant des excuses honteuses
pour ses pires comportements. Mais en même temps, il faut le souligner, le
comportement de Trump ne résonne pas vraiment avec les valeurs des
évangéliques. Ceux-ci insistent notamment sur la famille, le respect dû au
mariage traditionnel, et une éthique sexuelle assez stricte : pas de
sexualité avant le mariage, et encore moins hors mariage. Alors un Donald Trump
qui a été divorcé plusieurs fois et qui se vante dans ses livres d’aventures extraconjugales,
qui ne crée aucune sympathie, et lorsqu’en plus il s’est révélé qu’il se
vantait aussi d’attouchements non consentis envers des femmes, a-t-il été
le choix idéal pour celui qui obéit à Dieu ?
Un théologien évangélique américain tentait de donner une réponse évasive. Il
expliquait que Donald Trump avait des « failles », mais que voter
pour lui restait un choix moralement bon. C'est tout ce qui
justifiait ce choix.
Finalement,
beaucoup d’évangéliques ont cédé à la tentation de vendre leur âme pour obtenir
du pouvoir Trump ce qui ne pouvait exister. Donald Trump leur a fait miroiter
d’être de leur côté sur des questions jugées importantes, et certains se sont
montrés prêts à renier des valeurs chrétiennes qui leur sont chères pour
obtenir ce résultat. La volonté de façonner une Amérique à l’image de leurs
idéaux les a conduits à sacrifier sur certains de ces idéaux. Donald Trump
a-t-il séduit comme le Serpent du jardin d'Eden ?
C’est là où l’on découvre
qu’en voulant instrumentaliser Dieu, le leader populiste considère que le vrai
peuple ne peut être dans la sécularisation (Pourtant, il s'y trouve lui-même).
Il se fait ainsi l’héritier de cette méfiance séculaire. Il oppose donc une
idée immaculée au corps putrescible et changeant. C’est une sorte de platonisme
popularisé, et également une séduction mortifère qui consistent à donner à ceux
qui obéissent à Dieu "envie de faire le mal".
N’est-ce pas là, en évidence, ce que le Psalmiste prédit avec raison : « Un mauvais roi ne pourra pas gouverner le
pays de ceux qui obéissent à Dieu. Autrement, eux aussi auront envie de faire
le mal » ?
Toutefois,
même si l'élection de Donald Trump est la plus clivante que l'Amérique n'ait
jamais connue dans l'histoire des Etats-Unis, nous ne devons en rien nous
décourager.
Cette élection doit plus que jamais nous pousser à prier et à demeurer dans la
volonté de Dieu. Comme l’a dit quelqu’un : « Si Dieu a
permis que cet homme arrive à la tête des Etats-Unis, c’est que cet événement
était prévu » pour nous éprouver.
Prof. Jimi ZACKA
Théologien, Anthropologue
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