Le récit de « Lazare et l’homme riche » prolonge
ce que nous lisons au début du chapitre
16 à propos
de la parabole de « l’économe
injuste ».
Mais à partir du v.19, Jésus ne parle pas directement de parabole. Le récit
commence sans transition en mettant en scène un personnage anonyme qui n’a
qu’une caractéristique : il est riche. Ce qui, pour une parabole, est
totalement inhabituel.
Mais si nous
l’appelons « parabole», c’est parce
qu’elle s’inscrit dans la continuation
de la parabole de « l’économe
injuste ». En fait, elle comporte des aspects absolument typiques de
paraboles, au moins dans la deuxième partie où Jésus soulève quelque peu le
voile du monde invisible. Cependant, Jésus parle tout du long de faits, Il ne
présente pas seulement des images, mais d’un épisode qui semble avoir eu
réellement lieu.
En outre,
le récit est plein de contrastes empreints de plusieurs motifs tout au long de
la parabole. Par exemple, la distance entre le riche et Lazare, symbolisée de
façon remarquable d’abord par le portail de la demeure (v. 20), ensuite par les
mots ‘de loin’ (v. 23) et finalement
par le « grand abîme » qui
se trouve entre eux (v. 26). Cette manière d’enseigner, que l’on pourrait
qualifier d’hyperbolique, permet à
Jésus de mettre en évidence des vérités spirituelles. Il semble nous
présenter une société à deux vitesses. En effet, le tableau dressé par Jésus dans
cette parabole dépeint avec gravité deux mondes clairement distincts. C’est la
mise en scène de deux situations sur la terre. C’est aussi un récit qui nous ouvre les yeux sur l’au-delà
et qui nous confirme que nous avons tout
avantage à faire bon usage des richesses que Dieu place à notre disposition. Mais
aussi, la richesse ne peut créer aucun lien entre Dieu et l’homme.
Ainsi, nous allons donc réfléchir sur les
différentes composantes de ces contrastes pour enfin aboutir à un enseignement
moral. Dans un premier temps, nous analyserons la mise en scène des situations
contrastées entre la vie de l’homme riche et celle de Lazare puis, en second
lieu, l'enseignement de la parabole.
Oppositions sociales entre les deux hommes (v.19-20)
La parabole nous présente tout de
suite un contraste entre deux hommes dont les univers sont littéralement aux
antipodes (v.19-20). Ceci est marqué par l’écart abyssal entre leurs situations
sociales. Nous relevons ainsi trois composantes au niveau de leurs différences
sociales :
La première se situe au niveau de leurs habits. L’homme riche était élégamment « vêtu de pourpre et de fin lin ». La teinture de pourpre provenait
d’une substance extraite d’un coquillage et dont le coût de production rendait
inabordable les vêtements de cette couleur. Seuls les plus riches pouvaient
s’en payer. C’est pourquoi on associe le pourpre à la royauté. Le « fin lin » était aussi un article de
luxe. Fabriquée à partir d’une étoffe précieuse, cette tunique était
particulièrement appréciée pour sa blancheur et sa douceur. Que ce soit avec
l’habit de dessus ou le vêtement de dessous, tout dans sa tenue vestimentaire
arborait l’opulence. Par contraste, rien n’est dit des vêtements de Lazare. On
mentionne simplement que son corps était couvert d’ulcères et que des chiens
venaient les lécher. Ce portrait laisse sous-entendre non seulement que les
plaies n’étaient pas bandées, mais aussi que l’homme était presque nu. En
effet, l'accent est mis sur la misère et la maladie ainsi que
le suggère l'hyperbole « tout
couvert d'ulcères ». L'image des chiens qui venaient « lécher ses ulcères » renforce
l'aspect déjà paroxystique de la misérable condition de Lazare.
La deuxième, c’est l’énorme disparité dans leur accès à la nourriture.
En plus de porter les vêtements les plus chers, la table de l’homme riche était
garnie des mets les plus délicats dont il se régalait quotidiennement. À
l’opposé, Lazare n’avait rien pour remplir son ventre. La faim le rongeait
tellement qu’il se serait contenté des débris de nourriture provenant de la
table du riche. Comme le fils perdu en Lc 15.16, il aurait bien voulu se
rassasier de ce que les humains ne voulaient pas.
La troisième, enfin, dénote toute une inégalité en ce qui a trait à
leur domicile. Le portail désigne la porte d’entrée qui, dans les grandes
maisons, conduisait à la cour intérieure. Ce détail nous permet de présumer que
le riche vivait dans une résidence très cossue.
Lazare gisait devant ce portail, ne possédant aucun endroit pour se loger. Il
semblait être atteint d’un handicap physique qui le rendait peu mobile. Ceci
expliquerait pourquoi il était couché et qu’il ne pouvait éviter les chiens qui
s’intéressaient à ses lésions. Il n’est pas dit explicitement
que Lazare était un mendiant mais tout porte à croire qu’il en était un. En
l’absence de protection sociale par l’état, la mendicité faisait partie du
portrait quotidien de cette société. Il était courant de déposer une personne
handicapée à un endroit favorable aux aumônes, dans un lieu passant ou à
proximité de la résidence d’un riche. C’est ce qu’on avait fait avec Lazare.
Le récit ne fait aucun éloge d’une éventuelle force d’âme ou
d’une hypothétique piété. La richesse de Lazare — outre que son nom (qui signifie Dieu aide) est donné dans le récit — c’est donc : sa pauvreté,
qui lui vaut un extrême mépris venant des autres. Loin
d'être une simple attitude, mépriser c'est " tenir pour rien ".
Il ne peut s'appliquer qu'à ce qui, dès lors, n’est rien. Lazare n’est rien ni
pour l’homme riche ni pour la société. Ainsi, se résume très bien les différences
sociales existant entre les deux hommes : le riche et le pauvre. Comme le
présente le tableau suivant.
Composantes de contraste
|
Le riche
|
Lazare
|
Vêtements
|
Vêtements de luxe
(vêtu de
pourpre et de fin lin)
|
Corps nu couvert d’ulcères
Les chiens venaient lécher ses plaies. (v.20).
|
Nourritures
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Festins somptueux
|
Affamé, « il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la
table du riche » (v.21)
|
Domicile
|
Villa clôturée avec portail
|
Lazare gisait devant ce portail, ne possédant
aucun endroit pour se loger. (v. 20)
|
Mais ici, être riche n’est pas en soi une honte. Abraham lui-même, dont Jésus parle
juste après, avait été un homme riche, et même très riche ; mais il avait
été un homme de foi, et pendant sa vie, il avait habité dans des tentes. Par
contre l’homme riche de notre chapitre se donnait du bon temps dans ce monde,
mais sans Dieu. Non seulement il se vêtait des meilleurs habits — la pourpre et le fin lin, mais il organisait des festins somptueux chaque jour. Il
était certainement hautement
considéré
parmi les hommes riches, car « on te
louera si tu te fais du bien » dit la Parole de Dieu (Ps.
49:18) ; mais devant Dieu, sa manière de vivre était une abomination
(v.15).
Il vivait surtout ce contre quoi Jésus
mettait en garde dans la parabole de « l’économe
injuste ». C’est-à-dire, il ne vivait que pour le temps présent, que
pour lui-même. Il ne souciait pas le moins du monde du temps de l’au-delà. C’est
pourquoi, d’ailleurs, tout au long de l’histoire, l’homme riche joue un rôle actif. On le voit
agir ou dialoguer dans chacune des scènes. À l’opposé, Lazare ne prononce pas
un seul mot. Il semble entièrement passif.
Sa manière
de penser était celle de beaucoup de gens aujourd’hui, à savoir que l’avenir
prendra soin de lui-même. Sur ce plan, « l’économe injuste » était plus prudent. Il se révéla donc que
ce riche, malgré toute sa vie splendide et toute sa gaieté extérieure, n’était
qu’un « fils de ce siècle » (Lc 16.8) . Il ne faisait pas partie des « fils
de la lumière ». C’est là aussi où se pose la question : la richesse est-elle une source de bonheur ?
Beaucoup pensent que le succès
et la réussite sont les plus grands
des biens et procurent le bonheur. Pour réussir, il suffit de posséder les
biens nécessaires, telles la richesse et la santé. Donc les biens sont la
source du bonheur. Or, ce ne sont pas les biens qui sont sources de bonheur,
mais l'usage qu'on en fait. Peu de biens intelligemment utilisés favorisent
plus la félicité que de nombreux biens et talents dont on ne sait pas tirer
profit. C’est ce que tente de
nous démontrer ce récit.
Mais, loin de les rapprocher, le seul point commun des deux
hommes dans le récit est leur condition mortelle. Ils seront appelés tous les
deux à mourir.
La mort comme fin irréversible de la vie terrestre (v.22)
La mort est une réponse à notre désir de vivre
immortellement. Jour après jour, et sans cesse, nous sommes
confrontés au fait que nous sommes tous sujets à la mort. Quelle que
soit notre vie, elle se solde pour nous par la mort. Mais, qu’est-ce que mourir ? Du latin mors, la mort s’entend comme la fin
de la vie, la cessation physique de la vie. Si cette définition nous est connue
de tous, elle peut être élargie. Platon l’a définie comme « le terme d’une vie terrestre et l’accès à un
monde idéal ». Heidegger l’envisage comme « la forme même de la vie humaine, considérée
dans sa finitude ; cette forme saisie et assumée, permet l’accès à
l’authenticité ».
En
outre, la mort, c’est aussi notre seul patrimoine vraiment commun. Face à la
mort, nous sommes tous sur le même pied d’égalité. Les hiérarchies sont
aussitôt dépassées. La mort est un sujet grave mais simple : il rend dérisoire
tout ce qui touche à l’apparence, à l’argent, au pouvoir. La mort n’est pas
seulement le seul évènement – avec la naissance – qui est commun à toute
personne humaine. La mort ouvre à la fraternité universelle parce qu’elle nous
situe tous en « mortels », c'est-à-dire en êtres fragiles, finis. Et qui ont
besoin les uns des autres. C’est particulièrement vrai aux deux bouts de la
vie. C’est ce qui nous révèle le v.27.
Malgré leur opposition essentielle entre la richesse et la pauvreté, un sort commun les lie, nous avons les sept premières
lignes de leur récit de vie en accéléré puis après le connecteur
« or », le récit de leur mort respective. Dans cette optique, nous
avons la finalité de tous les hommes mise en avant et elle est la première
leçon : la mort est comme fin irréversible. Le contraste frappant, ici, c’est
de voir Lazare quitter sa souffrance
sur terre et l’homme riche laisser toutes ses richesses derrière lui.
Ainsi méprisé par ses semblables ne se préoccupant pas d’ensevelir le pauvre
Lazare, ce sont les messagers de Dieu qui le déposent là où les justes
attendent la résurrection. Ainsi, les deux situations initiales sont inversées.
« Le riche mourut et on l'enterra » tandis que « le pauvre
mourut et fut emporté par les anges dans le sein d'Abraham ». Le pauvre
est au ciel et le riche aux enfers. A cette différence correspond la différence
des traitements. Le déplacement des lieux des deux hommes va inverser définitivement
leurs situations.
Deux destinées eschatologiques contrastées (v.23-26)
La mort
scelle définitivement leur non-rencontre, un
grand abîme les sépare pour toujours ; le retournement des situations,
annoncé par les Béatitudes et les malheurs du chap.6, et caractéristiques du
temps de la Fin, se réalise déjà lors du décès de chacun : Lazare est au
sein d’Abraham et l’homme riche est dans le Hadès
et souffre la torture des flammes car il a reçu « des biens toute sa vie ».. Nous avons donc une inversion
irrémédiable justifiée par Abraham par l'opposition des biens, des maux, de la
torture et de la consolation. La sentence est logique et irrévocable. L'idée
d'un retour en arrière est impossible, l'image du grand abîme domine et la
traversée est irréalisable dans les deux sens, « entre vous et nous a été fixé un grand abîme, pour que ceux qui
voudraient passer d'ici chez vous ne le puissent et qu'on ne traverse pas non
plus de là-bas chez nous ». Par conséquent, l'abîme empêche la
traversée des élus vers les condamnés et les condamnés vers les élus.
C’est là où l’homme
riche va commencer à prendre conscience de sa situation. Alors, lui qui ne s'inquiétait pas des besoins du pauvre,
découvre tout à coup que c'est lui, le riche, qui a besoin du secours de
Lazare: "Envoie Lazare tremper son doigt dans l'eau pour me rafraîchir
la langue", cette langue qui n'avait pas su trouver de mots pour
parler au pauvre; moins compatissante que celle des chiens (v. 24). L’on relève en effet que la
mort provoque une prise de conscience ou « un rappel » que nous sommes «
fragiles » et « mortels ». D’où la volonté exprimée de vivre désormais chaque
instant comme un cadeau précieux. Et aussi celle de ne « pas attendre » la fin
de vie pour établir des relations « vraies.
En accord avec cela, le Seigneur
donne maintenant, par ce récit, un enseignement révolutionnaire pour l’époque,
selon lequel les circonstances extérieures de quelqu’un ici-bas
et maintenant
, ne
sont pas
le reflet de ses relations avec
Dieu. Le bien-être et la richesse ne sont nullement la preuve que
la personne concernée est juste ; elles ne sont absolument pas un signe de
la faveur de Dieu. C’était une leçon nécessaire pour les Juifs d’alors, et
l’est aussi pour nous aujourd’hui, justement parce que
dans l’Ancien Testament les biens et la richesse étaient
promis au juste. Mais
comme nous l’avons souligné ci-haut, il n’est pas dit que le riche menât une vie
immorale. Mais, qu’est-ce qui explique une fin aussi terrible? Sa richesse en serait-elle la cause? Pas
directement. Par contre, son attitude à l’égard des possessions
matérielles démontrait une absence de relation avec Dieu. C’est sur ce point
particulier que Jésus a fait porter la remontrance. Il a seulement ignoré, ou voulu ignorer,
l'existence de Lazare. Cela a créé un fossé, un "grand abîme" entre
les deux hommes. Cet abîme d'abord terrestre s'avère en fin de compte creusé
pour l'éternité. La "fracture sociale" s'inverse: défavorisé quand il
gisait devant le portail du riche comblé, il se trouve maintenant comblé et le
riche démuni.
A
l’évidence, dira-t-on, ce riche n’a pas entendu l’invitation pressante,
adressée par Jésus, à se servir de son argent pour se faire du pauvre Lazare,
un ami (16.9. Mais cette invitation n’est pas une nouveauté que l’homme serait
excusable d’ignorer. Elle est déjà portée par la Loi : « s’il y a chez toi, un pauvre…tu ne raidiras
pas ton cœur et tu ne fermeras pas ta main devant ton frère pauvre…je te le
commande : tu devras ouvrir ta main pour ton frère, pour ton pauvre et
pour ton indigent dans ton pays » (Dt 15.7-11). Pourtant, Abraham révèle qu’elle est rappelée
sans cesse par les prophètes (v.29).
Les
réflexions de la Parabole
La
pointe du récit de « L’homme riche et Lazare » se trouve dans le fait
que Luc condamne l’individualisme, l’égoïsme, en invitant les personnes riches
à faire preuve de solidarité vis-à-vis du plus faible. Il rappelle en même
temps que le salut ne vient pas de la richesse, car c’est un don de Dieu
C’est ce
renversement eschatologique qui invite Zachée à redéfinir une nouvelle éthique.
L’histoire de l’Eglise, si elle illustre le danger de la richesse, illustre
aussi ses possibilités considérables de faire le bien. L’argent
reste un moyen pour pallier les souffrances des plus faibles en répondant à l’appel
de Jésus à ces disciples. L’accent doit être mis sur la nécessité d’agir avec
intelligence en tenant compte des réalités socio-économiques de chaque époque.
Lorsque l’on met en lien notre gestion et la fidélité dans les grandes comme dans les petites choses (Lc
16.10), elles sont en parallèle avec le salut et le jugement.
Ainsi,
Jésus invite les riches à une pratique nouvelle :
mettre leurs biens à la disposition de la communauté, sans créer de
discrimination due au rang social. Si l’accès au Royaume semble facile et
direct pour le pauvre, il n’en va pas de même pour le riche lucanien, qui doit
rentrer dans une démarche de renoncement et de partage au profit du plus faible.
L’histoire de Zachée (Lc 19.1-9) proposant de donner la moitié de ses biens aux
pauvres est un texte de renversement dans lequel on peut voir une action divine
qui met fin aux injustices de ce monde. C’est ce que l’homme riche de Lc
16.19-26 n’a pas compris.
Le retournement eschatologique de la
situation dans l’au-delà en faveur du pauvre Lazare dénote aussi que, même
ici-bas, la situation peut être inversée. Être riche n’est pas définitif. Car, « L'Eternel appauvrit et il enrichit, Il abaisse et il élève » (1 S 2.7).
L’homme
riche a donc été condamné en raison de son insensibilité, une condition que
l’opulence a tendance à engendrer si on n’y prend pas garde. Il ne vivait que
pour lui-même en consacrant sa fortune à ses plaisirs et ses appétits sans
jamais se soucier des maux ressentis par ceux qui sont dans la détresse.
Notons que cet aspect de la
parabole met en relief l’enseignement de Luc 16.9 sur l’utilisation de nos
ressources matérielles pour faire la charité. Et moi, je vous dis,
Faites–vous des amis avec les richesses injustes, afin que, quand vous viendrez
à manquer, vous soyez reçus dans les tabernacles éternels. Ce verset montre
que par le sacrifice de nos dons nous pouvons devenir des instruments pour la
bénédiction éternelle de nos semblables. Le riche de la parabole en est un
contre-exemple.
Au final, celui qui cherche et
qui est prêt à se contenter de miettes
est plus près de Dieu que celui qui croit posséder toute la richesse de la loi.
La parabole du riche et de Lazare nous renvoie à toutes sortes de richesses,
aussi bien matérielles, qu’intellectuelles ou spirituelles, afin de réaliser
que le danger de l’idolâtrie ne guette pas que les richesses matérielles, mais
que l’idolâtrie de la loi, la certitude d’un salut gagné est peut-être la pire
des choses.
Pour
conclure, la parabole de Lc 16. 19-26
offre un aperçu du contraste de la destinée eschatologique en fonction de la
relation à la richesse : la récompense dans les tentes éternelles pour celui
qui fait un usage prudent de ses biens ; la punition loin du sein d’Abraham
pour le riche qui a agi égoïstement. Il est clairement établi par la parabole
de l’homme riche et de Lazare que la destinée eschatologique se décide par les
comportements présents ; après la mort, c’est trop tard et plus rien ne peut
être changé. Le riche, des enfers où il est enfermé, voit, en compagnie d’Abraham,
le pauvre Lazare qu’il avait laissé à sa porte, du temps où il festoyait tous
les jours.
Prof. Jimi
ZACKA
Exégète,
Anthropologue
Dans le chapitre
16, la parabole de l’économe injuste ainsi que celle du riche et du pauvre Lazare n’ont pas de parallèle synoptique. Ces
deux paraboles font donc partie des douze de la section centrale écrites par
Luc et ignorées des autres Evangiles.
Pour une étude détaillée et approfondie, vous
pouvez lire MOLINA J.-P., « Luc 16/1 à 13. L’injuste Mamon »,
ETR 53 (1978), p.
371-376 ; MONAT Pierre, « L’exégèse de la parabole de “L’intendant infidèle”, du IIe au XVIIIe
siècle », RE Aug 38 (1992), p.
89-123.
Une parabole est une histoire vivante,
simple et brève qui présente une morale spirituelle. Elle illustre une vérité à
retenir plutôt que sur les détails du récit.
Les maisons des
riches personnages en Palestine étaient en pierres calcaires propres aux plus
somptueuses constructions, et leurs demeures s'étendaient souvent sur un grand
espace; une cour intérieure le long de laquelle régnait un portique, semblable
au cloître d'un couvent ou au patio espagnol, était au centre. Le milieu de la
cour formait un impluvium;
il y avait là un bassin où l'on pouvait se baigner. Autour et
en dehors du carré formé par le portique, se voyait une sorte d'avant-cour, ce
qu'on appelle en style de caserne un chemin de ronde fermé par un mur
d'enceinte. On pénétrait dans la maison par une porte en bois d'une seule pièce
ou à deux battants et qui tournait sur deux gonds. Les verrous,
la serrure et les clefs étaient en bois. Les portes des villes
avaient seules des verrous en Métal. La fermeture était souvent
plus simple encore, et au lieu d'une serrure, on se contentait d'une simple
courroie.
Le Hadès n’est pas encore l’enfer. L’Écriture différencie clairement
ces deux endroits et ces deux états. L’enfer
est le lieu du séjour éternel de ceux
qui meurent sans être réconciliés avec Dieu — l’étang de feu, embrasé de feu et
de soufre. Ce n’est qu’après leur résurrection et leur jugement devant le grand
trône blanc qu’ils seront « jetés dans l’étang de feu » (Matt. 5:22,
29, 30 ; 10:28 ; Marc 9:45 ; Apoc. 20:11-15 ; 21:8). Le Hadès
,
par contre, n’est qu’un état intermédiaire, le lieu invisible des esprits des
trépassés. Dans plusieurs passages du Nouveau Testament, le ‘Hadès’ est pris simplement comme
l’équivalent grec du ‘Shéol’ hébreu
(Matt. 11:23 ; 16:18 ; Luc 10:15 ; Apoc. 2:27, 31). Il traduit
le « séjour des morts », sans vouloir dire plus, et il correspond à
peu près au terme ‘l’au-delà’ que nous utilisons souvent. Le ‘Sheol’ dans l’Ancien Testament
s’applique aussi bien aux justes qu’aux injustes. L’Ancien Testament ne fait
pas de distinction.
Donald H. JUEL, Luc-Actes. La promesse de l’histoire, Lire la Bible 80, Paris, Cerf, 1987, p. 147.