jeudi 23 février 2017

MEDISANCE ET MAUVAISE FOI


Médire, parler du mal de quelqu’un sur son dos. Nous en sommes auteurs. Nous en sommes victimes. Dire du mal de quelqu’un suscite en nous tant de plaisir. Que celui dont la langue n’a jamais persiflé jette la première pierre. Nous avons beau savoir qu’il est vilain de dire du mal de quelqu’un, nous ne pouvons pas nous en empêcher. En famille, au travail, entre amis : que cachent ces petites perfidies, un peu honteuses mais tellement réjouissantes ?

La médisance, ce sont des propos malveillants, c'est-à-dire une tendance immédiate à divulguer, sans dessein particulier, ce qui porte préjudice à la considération d'autrui. En ce sens, c'est quelque chose de contraire au respect dû à quelqu’un, un mépris. Mépriser l’autre, c'est lui refuser le respect qui est dû à tout homme. Ce qui relève de la mauvaise foi. 

C’est pourquoi, d’ailleurs, dans la Bible, la  médisance est comme de la boue jetée contre un mur. Elle ne reste pas, mais elle laisse une trace. Et cette trace peut marquer toute une vie (Pr 13.3). Pris dans son acception la plus proche de l’hébreu, le commandement « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain » (Ex 20, 16) recouvre toutes les formes de nuisance par la parole. L’apôtre Jacques,  lui, écrit ceci : « Ne parlez point mal les uns des autres, frères. Celui qui parle mal d'un frère, ou qui juge son frère, parle mal de la loi et juge la loi. Or, si tu juges la loi, tu n'es pas observateur de la loi, mais tu en es juge. » ( Jc 4.11).

Malgré sa mauvaise réputation, la médisance a une fonction positive : transmettre les normes et les valeurs du groupe. En désignant ce qu’il ne faut pas faire et en jetant l’opprobre sur ceux qui transgressent, elle tient le rôle d’un mécanisme de contrôle. Elle met la pression sur ceux qui s’écartent du chemin. 

Ainsi, quand nous sommes occupés à scruter la paille dans l’œil du voisin, nous sommes allégés du poids de nos propres poutres, c’est aussi simple que cela. Nous projetons sur l’autre ce que nous n’acceptons pas chez nous-mêmes, ce que nous ne voulons pas voir en nous-mêmes, ou bien cet autre que nous critiquons nous renvoie un manque qui nous gêne, un besoin non comblé, une limite mal fixée. Elle peut aussi être une façon de compenser la crainte que nous avons de l’autre en l’amoindrissant à nos yeux. 

Retenons que Paul range la médisance parmi les péchés qui entraînent la colère divine. « Rapporteurs, médisants, impies, arrogants, hautains, fanfarons, ingénieux au mal… » (Rm 1, 30)

En conséquence, nous nous devons de savoir faire usage de cette langue « qui nous sert à bénir le Seigneur, et qui nous sert aussi à maudire les hommes qui sont créés à l’image de Dieu » (Jc 3.5-9). Bénir—du latin benedicere, bien dire—ou médire est un choix de vie. « Biendisance » ou médisance, c'est une option de notre marche devant le Seigneur. La médisance de Marie et d'Aaron contre Moïse en témoigne (Nb 12).  Et, comme toujours, Dieu laisse aux hommes le choix des armes. 
Toutefois, il demeure une chose à retenir : contre la médisance, il n'y a pas de remparts. C"est dans cette optique que Denys Caton souligne avec raison dans ce poème : 



« Vivant bien, de la médisance

Laisse voler les traits sans t’en inquieter ;
Des discours du public l’indomptable licence
Est un torrent fougueux qu’on ne peut arrêter »


Jimi ZACKA, PhD

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