jeudi 11 juin 2015

ENTRE FANTASMES, TABOUS ET L’ « INAFRICANITÉ » DE L’HOMOSEXUALITÉ, LE DÉFI DES ÉGLISES D' AFRIQUE.(Regard d’un théologien africain).



Dans l’imaginaire africain,  un certain nombre d’hommes et de femmes  pensent encore aujourd’hui que l’homosexualité vient de l’Occident et l’argument  souvent prôné est empreint d’une stigmatisation systématique des homosexuels. L’un des objectifs de cet article est de retracer la réalité d’hier et d’aujourd’hui du vécu sexuel dans certaines sociétés africaines. L’enjeu est de savoir si l’homosexualité dans toutes ses formes, a été connue en Afrique bien avant l’arrivée des « missions civilisatrices ». Car, il semble intéressant de point de vue anthropologique et théologique de savoir ce que c’est que l’homosexualité en Afrique au-delà des clichés mystificateurs admis. Notre analyse se limitera ainsi à l’Afrique Subsaharienne. 
     Il faut noter que la question de l’homosexualité  a toujours été un sujet, à la base, assez ennuyeux et mystifiant. Car, en Afrique,  les pratiques intimes de personnes consentantes n’ont jamais eu lieu d’être discutées sur la place publique, ni de devenir un handicap dans la vie sociale, professionnelle ou même familiale de qui que ce soit. Tout ce qui relève de la sexualité individuelle est tabou et rend l’autre indifférent. Cela a plongé, du coup, la plupart des africains dans une ignorance absolue de l’orientation sexuelle de leurs congénères. Notre intention n’est pas  de reprendre ici ce débat devenu complexe par la radicalité des positions et sentiments qu’il déclenche, mais plutôt d’aborder ce sujet avec le regard d’un théologien africain s’inscrivant en effet dans une certaine variété d’approches bibliques, anthropologiques et théologiques.
     Afin d’éviter tout amalgame, nous déplorons, comme beaucoup d’ailleurs, la perte des valeurs et des repères de toutes sociétés contemporaines aujourd’hui et surtout cette volonté manifeste de trouver spontanément dans la Bible des versets bibliques pour justifier ou condamner certaines dérives sociétales ou d’occulter les avertissements de la Bible concernant certaines déviances morales. En même temps, au regard de ce qui se passe aujourd’hui, nous croyons qu’il est judicieux, à notre avis,  de ne pas seulement se mettre dans une posture radicale pour juger une situation sans aucune analyse. Car, comme pour toute question en lien avec la sexualité, nous courons le risque de réagir à l’homosexualité selon nos émotions et nos a priori pas toujours fondés. 
     Malheureusement, l’autorité du serviteur ou de la servante de Dieu nous pousse parfois à projeter sur les autres le modèle de nos envies, de nos idéaux : « Un bon chrétien est celui qui me ressemble, qui pense comme moi, qui aime les mêmes choses que moi, qui est dégoûté par les mêmes choses que moi ». La réflexion théologique est un recul par rapport à nos propres désirs, pour accorder nos comportements, et notre enseignement ou notre témoignage, à la vérité révélée de Dieu. Le fait est que le sujet est difficile à traiter, qu’il est particulièrement chargé émotionnellement, qu’il nécessite rigueur intellectuelle, mais aussi et surtout amour. En effet, bien plus qu’un sujet ou qu’une thématique, c’est de personnes dont il est question. Nous avons voulu les garder au cœur de nos réflexions et de nos propositions. Mais ce faisant, nous avons ressenti comme jamais certaines tensions : Comment dire la vérité biblique avec amour ? Comment aborder le sujet sans nécessairement cautionner ? Comment analyser le problème sans juger ? Tenter de répondre à de telles questions est similaire à une marche dangereuse et fatigante sur une pente raide. 
     Toutefois, ces interrogations nous amènent à articuler notre réflexion en trois temps : dans un premier temps, nous nous proposons d’apporter un bref aperçu sur la sexualité africaine afin de vérifier si l’homosexualité est-elle vraiment une perversité sexuelle exclusive à l’occident. Dans un deuxième temps, interroger certains textes bibliques sur la question de l’homosexualité. Enfin, troisièmement,  interpeller les Églises africaines sur ce nouveau défi qui se profile à l’horizon. Car, nous pensons que l’Église africaine devrait s’offrir comme un lieu où cessent les habitudes de mépris ou de railleries. En d’autres termes, la question qui se pose est de savoir si l’Église africaine peut être un lieu de réflexion et de dialogue, où l’on ne classe pas d’avance les gentils et les méchants, où l’on ne confond pas l’Évangile avec l’idéologie missionnaire reçue, et où l’on reste libre de s’interroger en dialogue avec des frères et sœurs.  Ainsi, devant ce nouveau défi de notre époque tout à la fois préoccupant et urgent, les Églises d’Afrique  se doivent d’en prendre une vive conscience et  partager un ensemble de convictions et d’affirmations concrètes.

Une homosexualité silencieuse en Afrique : hier et aujourd’hui[1]

     En Afrique, le plus souvent, le sexe se pratique davantage qu’il ne se dit. L’une des raisons est que l’univers de la sexualité en Afrique depuis toujours,  est entouré de tabous, à l’instar de plusieurs autres régions du monde. A ce stade, le langage qui entoure le sexe surtout quand il veut véhiculer un savoir ne peut que se deviner, ou se visualiser par le biais d’œillères pour ne jamais en préciser la pensée. Il est donc difficile de pénétrer l’univers des sexualités. En effet, la propension à l’homosexualité est largement ignorée par les africains eux-mêmes. 
     Pourtant, le vécu sexuel dans plusieurs sociétés africaines comme partout ailleurs, s’inscrivait dans une dynamique particulière, et ayant une logique rationnelle et relationnelle qui leur étaient souvent propres. Ainsi, dans certaines coutumes africaines apparaissaient déjà des pratiques homosexuelles dans les rites initiatiques ou ésotériques. Par exemple, dans certaines tribus en Afrique de l’Est, la pratique rituelle de la sodomie était courante et était socialement interprétée comme rendant les jeunes hommes plus vigoureux[2]. De même, chez les Fang au Gabon, au Cameroun ou en Guinée Equatoriale, chez les Pahouin par exemple, les relations homosexuelles étaient perçues comme une pratique mystique pour s’enrichir. Cette richesse était transmise du partenaire réceptif, le pédiqué, vers le partenaire insertif, le pédicon, dans une relation pénio-anale[3]. Au Dahomey, l’actuel Bénin, les enfants de bas âges, tous sexes confondus, avaient l’habitude de jouer ensemble, jusqu’à l’adolescence où tout était arrêté. Ainsi, les garçons n’ayant plus l’opportunité d’avoir la compagnie des filles et de jouer avec elles à des jeux érotiques, trouvaient la satisfaction sexuelle dans leur compagnie respective entre garçons. Un garçon pouvait alors prendre un autre comme sa « femme ». Cela était désigné par le terme gaglo c’est-à-dire homosexualité[4]. "Les relations homosexuelles de type intergénérationnel entre les Bangalla d’Angola étaient très courantes, surtout au cours des voyages, quand ils n’étaient pas en compagnie des femmes, leurs épouses. C’est l’une des raisons pour laquelle la masturbation mutuelle Okulikoweta et la sodomie Omututa étaient répandues et regardées avec peu ou pas de honte. C’est par contre la masturbation solitaire, onanisme, Okukoweka qui était considérée avec mépris"[5]. Chez les Azandé, l’identité homosexuelle était acceptée, comprise et intégrée. Les garçons pouvaient faire des travaux attribués socialement aux femmes, accepter des relations sexuelles avec les hommes, mais surtout parvenaient à appeler leurs amoureux badiare[6]. Certains initiés chez les Massai du Kenya par exemple, appelés Sipolio, aimaient sortir vêtus et maquillés en femmes et avaient des relations sexuelles avec les hommes. Il en était de même de certains prêtres comme le ganga-ya-chimbanda qui disait ne pas aimer les femmes et la société acceptait cela comme étant la volonté de Dieu[7]. Au regard de tout ce qui précède, devrions-nous continuer à  tenir des discours allusifs à de prétendues valeurs traditionnelles ? Non, nous ne pensons pas.

     Car, la description de cette réalité dans plusieurs sociétés africaines souligne que l’homosexualité en Afrique, qu’elle soit identitaire ou juste une pratique occasionnelle, est une réalité palpable et visible. Elle se poursuit encore aujourd’hui de façon identitaire ou situationnelle. L’homosexualité devient un moyen de subvenir aux besoins des individus. Les homosexuels en Afrique se font de plus en plus voir aujourd’hui dans les grands hôtels, les boîtes de nuit à la recherche de clients, européens de préférence. Même si, certains états africains ont prohibé juridiquement l’homosexualité, dans d’autres pays, les condamnations des individus pour cause d’homosexualité sont quasi inexistantes, malgré les visibilités grandissantes des plus manifestes, comme cela a été souligné plus haut. En effet, « certains pouvoirs africains ont adopté une politique de conspiration, de mutisme, dans le dessein de voir banni du réel ce qui est officiellement interdit et officieusement pratiqué par certains acteurs sociaux »[8]. Il paraît de même que d'autres pays prévoient des peines très sévères sans qu'elles soient forcément appliquées. A l'inverse, certains Etats n'ont pas les lois les plus extrêmes mais les appliquent durement. 
     Mais la vraie question de notre réflexion est l’attitude des Églises africaines à l’égard des personnes homosexuelles. C’est l’une des questions les plus brûlantes qui peuvent se poser aujourd’hui dans les Églises africaines. Il y a de nombreuses raisons à cela. La principale est certainement le changement radical de l’image que notre société peut se faire de l’homosexualité et des homosexuels dans les années à venir. Comme c’est le cas aujourd’hui en Occident. Mais avant d’aborder cet aspect, il faut interroger la Bible.

Les données du Nouveau Testament

     Le Nouveau Testament ne mentionne la pratique homosexuelle de manière explicite qu’à trois reprises et sous la plume de l’apôtre Paul. En 1 Corinthiens 6.9 et 1 Timothée 1.10, la mention est lapidaire, faisant partie d’une liste de pratiques jugées coupables. En Romains 1.26-28, le propos de l’apôtre est plus développé ; il inclut, en particulier, l’homosexualité féminine ainsi que l’homosexualité masculine.
 
     Des trois textes du Nouveau Testament qui abordent le thème de l'homosexualité (Rm 1,26s; 1 Co 6,9; 1 Tm1,10), le plus explicite est certainement celui de l'épître aux Romains. Dans les deux autres textes, l'homosexualité apparaît dans une énumération convenue de vices. Mais il faut préciser que les textes qui abordent directement cette question sont peu nombreux, mais extrêmement clairs. Ceux de l’Ancien Testament expriment une condamnation sans équivoque de toute pratique homosexuelle (Lv 18.22 et 20.13). D’autres, qui peuvent également concerner ces pratiques présentent des actes abominables qui ne le seraient pas moins dans un contexte hétérosexuel (Gn 19.1-13 et Jg 19). Il n’est pas question de ces problèmes dans les Évangiles ou les Actes des Apôtres, mais on retrouve dans les épîtres, un certain nombre de passages qui se font l’écho d’un regard semblable à celui de l’Ancien Testament (Rm 1.18-32 ; 1 Co 6.9-10 et 1 Tm 1.8-11). Les textes que nous avons cités sont compris à la lumière de la conception positive de la sexualité et du mariage que nous trouvons dans les Écritures, de la relation homme - femme qui est une union dans la différence et qui souligne l’altérité du partenaire. Mais tels quels, ils sont en effet une condamnation très claire de l’acte homosexuel non seulement comme ne correspondant pas à la volonté de Dieu et étant un résultat du péché, mais comme étant lui-même péché. Il ne faudrait surtout pas croire qu’une telle position résout le problème et clôt le débat ; elle l’ouvre au contraire. Car s’il faut parler de péché, il ne s’agit d’abord pas « du » péché absolu et on voit bien que Paul le situe dans des listes qui nous parlent également de bien autres choses qui sont moins remarquées dans notre contexte culturel (adultère, idolâtrie, avarice, vol, mensonge, abandon de foyer, etc.). Il ne s’agit que d’un péché parmi tant d’autres et il faut surtout souligner que nous sommes tous pécheurs et que c’est à nous que l’Évangile s’adresse (Rm 3.23). 

La question qui demeure est donc celle de l’accueil des homosexuels dans l’Église et de la parole qu’il faut leur adresser. Se borner à condamner reviendrait à tomber soi-même sous le jugement de Dieu, si nous ne faisons pas la distinction entre la nécessaire lucidité à l’égard du péché que nous apporte la Parole de Dieu et l’amour, la miséricorde et la compassion pour le pécheur dont Dieu lui-même témoigne.

     Ceci dit, personne ne peut se prévaloir devant Dieu de ce qu’il est ou de ce qu’il fait et il n’y a pas de plus grand pécheur que juste ou pur (Lc 18.9-14). C’est même la définition du péché: se déclarer juste au lieu de laisser Dieu justifier notre existence. S’ouvre alors, ou devrait pouvoir s’ouvrir, un espace proprement évangélique où chacun peut se savoir d’abord accueilli par le Dieu pour lequel, comme le dit Paul, “il n’y a ni juif, ni grec, ni esclave, ni libre, ni homme, ni femme”. 

L’exemple est celui de ces chefs religieux qui traînent cette femme devant Jésus. Au nom de la vérité, ils se font accusateurs, ils condamnent sans appel. Sans doute, cette attitude est-elle une sorte de protection ; ils se placent ainsi du bon côté, du côté de Dieu et le mal (tout le mal du monde en cet instant précis) est sur cette femme. La tentation a été et demeure grande d’avoir à l’égard des homosexuels, une attitude semblable et point n’est besoin d’être chrétien pour cela. Il s’agit alors d’une attitude de rejet pur et simple, de diabolisation d’un certain nombre de personnes qui représentent en quelque sorte tout le mal du monde et nous dispensent d’être trop attentifs à celui qui nous concerne nous-mêmes. L’homophobie peut être facilement placée de ce côté. Ce comportement sexuel qui fait horreur ne peut être condamné qu’en rejetant les personnes concernées et nous nous sentons alors du bon côté, libres et fiers de pouvoir être les juges. Nous nous sentons alors protégés et justifiés dans nos propres péchés puisque nous sommes « du côté de Dieu » C’est pour cette raison que Jésus va renvoyer ces hommes à leur propre conscience : « que celui de vous qui est sans péchés lui jette le premier la pierre » (Jn 8.7). 
    Mais, le point culminant du récit de Jn 8, 1-11 est que Jésus s’est approché de cette femme avec une parole de pardon et non de condamnation. Le pouvoir de transformer la vie de cette femme ne résidait pas dans le jugement des religieux mais dans la proximité d’une rencontre avec Jésus : « va et désormais ne pèche plus ». 
     L’attitude de Jésus en dit long. Il dira à la femme, à la fin de ce passage : « Moi non plus, je ne te condamne pas ; va, et désormais, ne pèche plus ». Sa miséricorde à l’égard de la personne va de pair avec la lucidité de sa dénonciation du péché. Dans le « va et ne pèche plus», il y a à la fois la reconnaissance de la nature profonde de l’acte (l’adultère est un péché) et l’espérance d’une issue, de la possibilité d’une vie nouvelle qui s’ouvre. Nous n’avons entre les mains aucune possibilité de condamnation (Dieu seul est et sera juge), mais, précisément par notre capacité de dire le juste, de ne pas nous laisser engluer dans l’ambiguïté, celle d’ouvrir une espérance, la possibilité de permettre à quelqu’un de sortir de la situation de péché dans laquelle il est enfermé. Lucidité sur l’acte et miséricorde et compassion pour la personne. C’est là tout le chemin à suivre et toute sa difficulté également quand il s’agit de l’homosexualité. Il s’agit alors, même si cela peut poser d’autres difficultés, de distinguer entre la personne qui ressent des attraits homosexuels et la relation sexuelle elle-même ; entre l’homophile qui est cette personne qui éprouve une certaine catégorie spécifique de tentations comme les hétérosexuels en éprouvent d’autres et celui qui y succombe et entre dans l’acte lui-même. La distinction n’est pas différente de celle qui peut exister entre celui qui éprouve du désir pour toutes les jolies femmes qu’il peut rencontrer - ce qui est la situation hétérosexuelle banale - et celui qui commet effectivement l’adultère.

L’homosexualité, un défi pour les Églises africaines

    
Aujourd'hui, les Eglises africaines sont appelées à ne plus afficher un refus de se laisser interpeller ou faire sourde oreille à la problématique tout en laissant croire que c'est un problème des Eglises occidentales. Un certain nombre de questions les interpellent et nécessitent des réponses claires et urgentes. Une personne homosexuelle qui découvre la foi et veut entrer dans l’Église, ne devient-elle pas par là-même enfant de Dieu (cf. l'exemple de l'eunuque éthiopien) ? Doit-on attendre qu’elle accueille l’enseignement de l’Évangile et qu’elle cherche, quelles que soient les difficultés, à y conformer sa vie ?  L’homosexuel « pratiquant » est-il un pécheur dont le péché est  plus grand que celui des autres ? Sans hypocrisie, que dirions-nous de l'amour de Dieu pour les personnes homosexuelles?  

     L’Église doit savoir faire preuve de patience et chaque chrétien peut, en fonction des problèmes particuliers qui sont les siens, se regarder dans une glace pour comprendre que cette patience est une nécessité. Mais si la personne cherchait à justifier un comportement à l’évidence contraire au chemin que le chrétien s’engage, par son baptême, à suivre, les choses deviendraient différentes. Cela signifie qu’une personne d’orientation homophile a tout à fait sa place dans la communauté. Elle doit même pouvoir être accompagnée et entourée afin de mieux vivre une situation qui pourra être parfois douloureuse. C’est ce que le Seigneur nous enseigne et nous recommande : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22. 39).
     Aimer son prochain comme soi-même, se comporter à l’égard des autres comme nous souhaiterions qu’ils le fassent au nôtre, cela concerne aussi notre attitude à l’égard des homosexuels. Cela va sans dire, mais il est bon de le rappeler car la tentation est grande, dans une période de polémique dans ces domaines, de se laisser emporter par les mots et les arguments.. La vieille haine rassurante de celui qui est différent de moi reste toujours tapie quelque part au fond de chaque être humain. Il est tentant alors de lutter par le mépris, d’exprimer ce qui n’est rien d’autre que des réactions viscérales, de stigmatiser telle personnalité parce que homosexuelle. 
     L’Écriture et l’Église peuvent alors devenir des arguments supplémentaires dans une lutte qui n’a rien de chrétien et qui n’est que la manifestation actuelle de vieux démons. Pourtant, nous ne devons pas perdre de vue cet aspect : l’Église est une communauté de pécheurs, et une communauté qui embrasse et accueille les pécheurs. C’est une communauté de ceux qui sont morts, ensevelis et ressuscités avec Jésus-Christ, une communauté qui est ainsi en transformation, anticipant la résurrection finale et la nouvelle création. Son espérance dans l’harmonie parfaite, la réconciliation totale de la création, influence dès aujourd’hui son présent : en l’attendant, elle continue de souffrir avec la création déchue, tout en vivant et en se laissant transformer par l’œuvre rédemptrice de Dieu.
     C’est dire que l’Église vit de la grâce. Elle est aussi une communauté appelée à la  sainteté dans tous les domaines, pas seulement celui de l’éthique sexuelle, mais aussi celui de l’éthique sociale : elle ne doit pas supporter qu’un de ses membres s’adonne à l’exploitation de ses semblables, pratique la violence, tienne des discours haineux ou ethnique, etc. Ce qui est inacceptable dans la vie d’une Église qui se veut fidèle aux Écritures est la tentative de revendiquer comme légitime un comportement qui ne l’est pas selon le texte biblique. C’est l’interprétation la plus limpide de Romains 1.32, où Paul considère comme un signe de déchéance non seulement la pratique de certains actes, comme l’homosexualité, mais aussi leur approbation.

     Les chrétiens africains ont donc à revenir sans cesse à l’exemple de leur Maître qui disait la vérité dans l’amour et qui ne confondait jamais la sainteté avec le rejet de l’autre. Pourquoi faut-il commencer par-là ? Simplement parce que c’est le seul moyen d’avoir une chance d’être entendu lorsque nous voudrons dire à nos interlocuteurs que l’Évangile est aussi pour eux, comme il est pour nous. Il y a sans doute, en chacun de nous un travail à faire dans ce domaine, simplement pour aimer, simplement pour être effectivement chrétiens.
Que Dieu nous aide à y penser maintenant !


Pr Jimi ZACKA
Théologien, Anthropologue, Auteur



[1] Notre article reprend, dans cette partie,  l’étude  de Charles Gueboguo, « L'homosexualité en Afrique : sens et variations d'hirer à nos jours », Socio-logos. Revue de l'association française de sociologie [En ligne], 1 |  2006, mis en ligne le 21 mars 2006, Consulté le 20 mai 2015. URL : http://socio-logos.revues.org/37
[2] MURRAY, S., O., ROSCOE, W., Boy-wives and Female Husbands. Studies of African Homosexualities, New York, St Martin’s Press, 2001, p. 143.
[3] Ibid, p.142.
[4] M., HERSKOVITS, Dahomey : An Ancient West Africa kingdom, Agustine, New-York, 1938, p289, cité par S., MURRAY, W., ROSCOE, Ibid, pXIII.
[5] J.,WEEKS, « Anthropological notes on the Bangala of the Upper Congo River”, Journal of the anthropological Institute of Great Britain and Irland, 1909, pp416-459, cité par S., MURRAY, W., ROSCOE, Ibid, p143.
[6] E.,EVANS-PRITCHARD, The Azande, Oxford, Clarendon Press, 1971, p199-200.
[7] R., NEEDHAM, « The left hand of the mugwe : An analytical note on the structure of Meru symbolism » in, Right and Left : Essays on Dual Classification, 1973, pp109-127, rapporté par S., MURRAY, W., ROSCOE, Ibidem, p37.
[8] C. Gueboguo, op.cit.

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