dimanche 25 octobre 2015

LES "COLLABOS" POLITIQUES EN CENTRAFRIQUE

Il est vital, pour nous centrafricains, patriotes attachés aux vraies valeurs du pays, de construire un véritable « front républicain » contre ces rusés, corrompus, alliés aux commanditaires de nos souffrances.

Il nous faut dénoncer ceux qui ont trouvé le culot de transformer la devise de notre pays « Unité-Dignité-Travail » en une simple formule prédatrice : « je ne sers pas un homme, je sers un État », c’est-à-dire, ceux qui ont la manie de se « caméléoniser » pour perpétuer leurs desseins inavoués, ceux que nous qualifions sans détours des « collabos ».

En fait, qu’est-ce qu’un collabo ? Le collabo est celui qui collabore à la mise en œuvre d’une politique d’agression contre son propre pays. Il peut soutenir sans réserve, et parfois avec zèle, des politiques qui desservent dangereusement sa propre société et dont il ignore certains desseins. Le collabo semble agir par instinct primaire, par stupidité, par corruption mentale, par perversion ou autre vice tel que la prédation.

Avec le temps, le collabo se réfugie dans le fanatisme pour se protéger de sa conscience et échapper aux interpellations de sa raison s’il lui en reste. En Centrafrique, du règne de Bokassa à nos jours, les collabos écument les coulisses de la classe politique et excellent dans des basses besognes : délations, trahisons, dénonciations, transfuges, ruses, calomnies, etc.

On les reconnaît par ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui, « la caméléonisation » du penser politique, concept célèbre qui explique l’inconstance, le mimétisme et la prédation en politique. En effet, du caméléon, nous savons ceci : c’est un terme qui émane du mot grec « Khamaileôn » dont le sens exact est : « le lion qui se traîne à terre », le mot « khamai » voulant dire « à terre ».

Le caméléon est, donc, selon le Dictionnaire Robert, un reptile saurien qui a la faculté naturelle de changer de couleur. Il se distingue de son allure majestueuse, de sa patience d’atteindre sa destination, mais aussi de son regard malicieux et omniprésent qui lui permet de voir tout ce qui l’entoure afin de pouvoir se confondre avec son milieu par le jeu infini de mimétisme.

De manière apparente, il est inoffensif. Voilà pourquoi pour les grecs, il traîne à terre. Mais, il demeure un lion parce qu’il est le roi de la ruse par le jeu du mimétisme. La ruse en politique est une forme de combat qui consiste à éliminer l’autre de manière malicieuse. C’est une technique qui a pour méthode de dissimuler ses intérêts particuliers et d’inventer un « ennemi » ou de grossir l’importance d’un ennemi réel en se justifiant par la nécessité de l’anéantir.

C’est ainsi que ces malfrats politiques ont réussi à semer dans la société centrafricaine le germe de la division, de la corruption, du mensonge, de transhumance politique, des détournements des deniers publics, du pillage systématique des maigres ressources dont dispose la RCA. Ils utilisent le mensonge comme moyen de manipulation et de conservation d’un pouvoir à génuflexion, d’un pouvoir qui fait de l’être humain un objet.

Sous le masque politique de la démocratie, apparaît la servitude de la population, la dissolution de la dignité humaine en une liberté de choix préconditionnée. C’est ainsi que ces collabos ont fait de la sinistre prison de NGaragba, un lieu de concentration, où plusieurs victimes de leurs délations et trahisons ont été, condamnées à tort et sommairement exécutées sous l’ère Bokassa et sous les différents régimes successifs.

En effet, nous vivons aujourd’hui dans une réalité brouillée par leur monstruosité où il suffit de parler pour être accusé d’atteinte à la sûreté de l’Etat. La structure du pouvoir n’est plus, depuis quelques années, dans le style d’une culture démocratique, elle se donne en spectacle, du dire faux, du faux dire et du faux penser qui conduit à toutes ces récurrentes crises politiques.

Un témoignage rapporté ici en est l’évidence : dans son post intitulé « La cohabitation au sommet de l’Etat », (07/11/13, Centrafrique Libre), notre compatriote Félix Yepatis-Zembrou a révélé un cas sous le régime Kolingba lorsque le Général Timothée Malendoma (paix à son âme) fut nommé Premier Ministre du gouvernement d’union nationale en 1992 : « Un jour, lorsque je lui demandais : « Qu’est-ce qui fait courir Monsieur Malendoma? », il me répondit sans ambages : « Malendoma ne court pas. Quand j’ouvre ma fenêtre le matin, je regarde le ciel et devant moi, l’avenir du Centrafrique ».

Mais pour laisser une empreinte indélébile sur son passage, le nouveau Premier ministre devrait tenir tête aux redoutables faucons du cabinet présidentiel. En l’occurrence, Jean Kpoka, Joseph Mabingui, Martin Yando, Gaston Nguerekata, Honore Zin-Siwe, Charlie Gredangbiet un Français du nom Casanova. Ceux-ci lui livreront un combat sans merci, utilisant des méthodes peu orthodoxes (crocs en jambes, peaux de banane, coups fourrés…) dont il se relèvera tant bien que mal en s’accrochant à un objectif derrière lequel se cachait incontestablement une ambition présidentielle.»

Il est à retenir ici que le général Maléndoma « devrait tenir tête aux redoutables faucons du cabinet présidentiel ». En d’autres termes, le pouvoir était une affaire de caste constituée des « faucons présidentiels ». Ayant pris le pouvoir en otage, ils imposaient à toute une population leur propre volonté.
Ces laudateurs se croyaient souvent forts et protégés parce qu’ils pensaient soutenir un pouvoir inébranlable mais dès que celui-ci était tombé, c’est à ce moment particulier qu’ils ont repris conscience du mal qu’ils ont causé à leurs semblables et au peuple. Il y a d’autres cas que nous ne pouvons passer sous silence.

Par exemple, les fiches mensongères établies par les collabos continuent d’avoir leur capacité de nuisance dans ce pays. Elles ont fait trop de tort aux paisibles citoyens. Elles feront toujours des victimes innocentes. Seulement, les auteurs de ces fiches mensongères, comme des vampires ou sang-sues, prennent plaisir à vivre du sang des autres.

C’est une tradition machiavélique qui ne tend jamais à disparaître. C’est cette triste condition qui a entraîné le pourrissement de l’État. Dans un tel cas, le pouvoir n’est plus en mesure de faire respecter la loi et l’État perd toute prérogative dans la mesure où lui-même n’applique pas la loi. Il naît alors la terreur où tout suspect devient coupable, où les joies paisibles se transforment en océan de larmes et la perpétuation de l’horreur.

Le piétinement de la morale par la conscience cynique de ces collabos a entériné l’assassinat des droits, même les plus élémentaires, le « droit de vivre », d’exister et même de porter son nom, le «droit » de nommer ou d’appartenir à une ethnie. Une telle pratique est-elle excusable ? De nombreux exemples de collaborationnisme se sont manifestés au cours de l’histoire de l’humanité.

Je retiendrai l’exemple le plus éloquent. Celui de la deuxième guerre mondiale. Dans la France occupée par l’Allemagne, pendant la seconde guerre mondiale, certains politiciens français avaient trouvé l’inexplicable opportunité d’appuyer les politiques cyniques et inhumaines d’Hitler contre leurs compatriotes.

Ils ont ainsi aidé les nazis à effectuer des rafles et des massacres des juifs français, à confisquer des ressources de l’État français, à réprimer la résistance française, à dénoncer des cachettes des résistants français, etc. Mais à la fin de la seconde guerre mondiale, alors qu’Adolphe Hitler s’était suicidé, les soldats américains et anglais, regardaient d’un air médusé ou scandalisé ces femmes, la tête et le sexe tondus, que l’on promenait par les rues, encadrées de mitraillettes vindicatives, ces hommes qui, le cou pris dans un carcan d’un portrait de führer, étaient hués par la foule.

Partout, les collabos qui tombaient entre les mains de la foule en colère subissaient les pires sévices réservés, dans de pareilles circonstances, aux hommes et aux femmes qui ont aidé le tyran à imposer son pouvoir et à dominer le peuple. En Allemagne, les Nazis étaient pourchassés partout où ils se cachaient à travers le monde afin qu’ils paient pour leur collaboration avec le régime d’Adolphe Hitler.

Le suicide, le retrait de la circulation, l’exil volontaire pour fuir la réaction du peuple qui a été martyrisé et méprisé pendant la tyrannie, etc… étaient les choix les plus courants qui leur étaient réservés.
Serait-il un jour le même sort pour nos collabos en Centrafrique ? Appâtés par les gains faciles, les mêmes collabos s'accrochent toujours à la mangeoire de différents régimes et abandonnent leurs compatriotes aux velléités machiavéliques.

Mais qu’est-ce que ces quelques billets de banque face à l’assassinat quotidien des milliers des centrafricains ? Qu’est-ce que l’argent par rapport aux viols de nos filles, sœurs, épouses, mères ? Les exécutions sommaires de nos frères ? Les pillages de nos biens et les ressources de notre pays ? Les ventripotents-collabos ont-ils encore leur place dans notre lutte contre l'exploitation du peuple  et la prise en otage des institutions républicaines par les forces d’occupation ? Non.

Que la Centrafrique les nomme et les expose à la honte ! Car, la RCA est victime de ces redoutables "collabos" imbus du cynisme.

Dr Jimi ZACKA
Anthropologue, Auteur

dimanche 18 octobre 2015

LA PAROLE : DU VERBE A L'INCARNATION (Jean 1.14)



La parole a été faite chair et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité. Et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique, venu du Père.  Jean 1 : 14
La parole est la qualité qui définit l’homme. Aucune autre créature n’a la capacité  de communiquer de manière réfléchie, articulée, créative et sensible. Comme nous le verrons, les paroles de l’homme sont investies d’un pouvoir de façonner l’univers de la même manière que Dieu donna originellement existence au monde par la parole. Nos paroles ont même la capacité de changer la réalité du temps, ainsi que le statut des personnes. C’est dire combien la parole est le fondement de l’être humain. Je ne parle pas seulement de la parole verbale mais de toutes les formes de langage que nous connaissons.
D’ailleurs, l’évangéliste Jean a une façon bien à lui de nous introduire son évangile. Rien à voir avec les autres récits de la vie de Jésus dans les trois évangiles. Jean nous invite à connaître un autre Jésus. Celui qu’il appelle la Parole.  Au départ, rien. Si ce n’est la Parole et Dieu (Jn 1.1-3). Jean différencie Dieu et la Parole sans pourtant les dissocier. Une Parole qui vient remplir l’espace vide. Tout se passe comme si, d’emblée, ces quelques mots : commencement, parole, Dieu, existence, vie, lumière, trouvent un écho immédiat en nous en tant qu’être humain. Un écho qui nous révèle que tout commence avec une parole. Avec un cri, le premier souffle d’un nouveau-né. Toutes nos histoires commencent avec une parole, par une parole. Un oui, un non. La parole se donne, se partage, se reçoit. Avec la parole, nous commençons une vie, une histoire : nous construisons, nous détruisons. Nous disons et nous contredisons. La parole a d’inévitables conséquences dans nos vies. Elle nous met toujours en mouvement, suscite en nous de multiples émotions. Avec la parole, nous bénissons et nous maudissons. Nous aimons et nous haïssons. Avec la parole, on reconnaît l’autre et on est reconnu par l’autre. Rien n’est plus insoutenable que le silence ou que de rester suspendu à une parole que l’on attend et qui ne vient pas. L’évangile de Jean vient ainsi nous rappeler que c’est Dieu qui a choisi le vecteur de la parole pour se révéler à l’homme. Il a choisi en l’homme ce qu’il y a de plus humain pour y révéler sa part la plus divine. Le Dieu de Jean est un Dieu qui parle. C’est un Dieu qui se révèle par la parole. Mais ce Dieu ne parle pas à n’importe quelle créature. Il nous parle à nous humains. Dieu parle à nous qui possédons cette faculté de pouvoir exister dans l’échange, dans la relation, par la parole. C’est ce que veut nous signifier Jn 1.14 : « La Parole est devenue un homme et il a habité parmi nous » (v.14).

  C’est dire que si Dieu nous parle, cette Parole doit se vivre. Cette Parole doit grandir en nous pour devenir notre parole, une réalité palpable dans notre vie et pour nos prochains. Autrement dit, notre parole doit être empreinte de Sa Parole. En effet, la parole se doit d’être un vecteur de vie entre les hommes. La parole doit doter l’homme de la capacité de donner vie à l’autre. Car, parler c’est accepter de prendre le risque d’être. Pas seulement d’être, mais de devenir quelqu’un tourné vers l’autre pour exister. 

  Par Sa Parole Dieu invite l’homme à prendre lui-même la parole. Notons que dans le jardin d’Eden, Dieu ne place pas des paroles « toutes faites » dans la bouche d’Adam. « Il attend pour voir » quelles paroles l’homme va imaginer et, ensuite, va prononcer, paroles indispensables pour mener à bien sa responsabilité de maître de la terre. Le langage auquel Dieu invite l’homme dépasse une simple fonction utilitaire. Dieu provoque aussi chez l’homme des paroles d’émerveillement, d’enthousiasme, d’admiration : Quand Dieu présente Eve à Adam, celui-ci s’écrie: « Voici bien cette fois celle qui est os de mes os, chair de ma chair. » (Gn2.23). De même, Il propose à l’homme d’assumer des responsabilités importantes.  Il les précise au verset 15: « Dieu établit l’homme dans le jardin pour le cultiver et le garder. » Et, un peu plus loin, au verset 19: « Dieu fait venir les animaux vers l’homme pour voir comme il les nommerait, afin que tout être vivant porte le nom que l’homme lui donnerait. » Dieu ne fait pas tout pour l’homme. Il l’invite à assumer ses propres responsabilités. Par cette parole, Dieu montre à quel point il est sensible aux besoins sociaux de l’homme. Dieu sait qu’Adam a besoin de lui, mais il reconnaît aussi que sa propre présence et sa propre parole ne lui suffisent pas! Adam a également besoin d’une compagnie humaine: quelqu’un qui serait à la fois comme lui et différent de lui. Dieu comble ce besoin par la création d’Eve.
 
Dans la tradition africaine d’où je viens, la parole du sage est créatrice et constitue la force vitale, et le souffle humain en dépend. C’est pourquoi, parler à l’autre ou de l’autre, c’est renouveler la création elle-même, lui redonner la vie et lui assurer la pérennité. Les mots sont empreints de puissance créatrice et du sacré. En outre, les sociétés africaines, dans leur diversité, considèrent la parole comme élément essentiel de cohésion communautaire. La parole, dans sa fonction sociale, revêt un pouvoir vital. Ainsi, le corps et la parole sont étroitement liés et considérés comme des éléments constitutifs de l’homme. Les conceptions de la parole comme puissance et de la parole comme essence et réalité impliquent celle de la parole créatrice.  Voilà pourquoi l’arbre à palabreoccupe une place de choix dans les sociétés africaines. Devant des problèmes sérieux de l’existence : la naissance, le mariage, la mort, les africains se retrouvent pour réfléchir, causer ensemble afin de se soutenir mutuellement en face de l’événement heureux ou malheureux.

Mais la parole, en tant que principe de vie, primauté, prévalence d’un système social, ouvre aujourd’hui un pan de voile à une situation qui s’impose. Il s’agit ici, de dire si l’on peut encore être valablement « maître de sa parole » à l’heure de la mondialisation.  Bien plus, à l’heure des échanges tous azimuts, à l’heure où l’on parle de civilisation universelle, à l’heure où la planète tout entière est engagée au rendez-vous d’une «pensée unique »,  pouvons-nous demeurer encore valablement « propriétaire » de notre parole ? Dans un sens, non. Dans un sens, oui. Oui, parce que la parole humaine contient potentiellement, depuis l’origine, la possibilité d’être au service de plus d’humanité, d’un lien social plus symétrique, plus respectueux de l’autre et plus doux à vivre S’il est des vérités qui restent éternelles, s’il y est des essences qui restent immuables, il est du reste possible d’affirmer que l’homme est la parole. Elle fait partie de son être et n’a de sens qu’à travers l’homme. Elle et lui sont donc, consubstantiels et se présupposent bilatéralement. Mais, pour que la parole humaine soit efficiente, il faut qu’elle s’imprègne de la Parole de Dieu. C’est pourquoi, il est absolument important pour nous chrétiens, nous qui voulons chercher Dieu de nous poser la question suivante : quelle place la Parole de Dieu occupe-t-elle dans ma vie ?
  
Si nous faisons entrer en nous la Parole de Dieu, elle nous envahit pour nous juger, et pour nous soutenir. Et à travers cette double action, -- jugement et soutien—nous entrons de plus en plus dans une relation intime, d’amour avec Celui qui est la Parole pleine de grâce et de vérité qui s'est fait chair, verbe incarné. 

Dr  Jimi ZACKA
Exégète, Anthropologue, Auteur 
Chercheur au Creiaf