samedi 31 décembre 2016

CELEBRER LE NOUVEL AN EN AFRIQUE : ENTRE COUTUMES ET FOI CHRETIENNE


  Célébrer  le "nouvel an" comme fête de Paix et de Réconciliation




Célébrer le Nouvel An en Afrique, notamment dans les villages ,  est souvent imprimé de nombreuses symboliques autour de la fraternité et la pureté de corps et d’esprit. C’est l’occasion de se situer de façon très forte par rapport aux coutumes et d’affirmer son identité chrétienne. Le nouvel an est considéré comme une fête commémorative de Paix, de Réconciliation, et de conjuration de la malédiction, mais aussi de ruptures avec les mauvaises habitudes. Dans certaines langues africaines, l’an et « l’eau » sont homonymes. Cela donne l’idée de la purification rituelle, dans l’imaginaire africain, lorsque le nouvel an (eau) arrive.
     C’est aussi le moment où les conflits sont résolus, apaisés, pardonnés, oubliés et ils doivent l’être. La chance est ainsi donnée à la fraternité de se raffermir et c’est là aussi que la transmission se fait entre les anciens et les plus jeunes ; c’est là aussi que les membres des mêmes familles qui ne se connaissent pas se rencontrent et tissent des liens.  Il faut notamment souligner que c’est  pendant le nouvel an que s’organise le grand repas familial qui est bien programmé dans un ordre donné et surtout empreint de rituels. Ceci se tient  de « grande maison par grande maison ». L'on entend ici  « grande maison », la famille, le clan ou la tribu. C’est-à-dire, l’on se réunit chez le chef du clan ou le plus sage de la tribu pour se partager le repas rituel. À cette occasion, les étrangers, les amis et les connaissances sont les bienvenus pour le partage de ce grand repas rituel. C’est l’esprit même de solidarité, d’amitié, de fraternité et de partage qui se manifeste. Et pour rien au monde, aucune famille ne doit déroger à la règle. Car, même si l'africain ne s'inscrit pas dans un temps calendaire, le passage d'une année à une autre est, pour lui, une étape initiatique ritualisée,  porteuse du sacrée. C'est une étape qui contient des éléments très utiles pour l'élaboration d'une spiritualité porteuse d'avenir de la famille, de la tribu, d'un clan. Cette spiritualité ne correspond pas à une zone isolée de l'existence, elle affecte l'ensemble des dimensions de la personne et des sphères de sa vie quotidienne. 


         Célébrer le  "nouvel an"  comme fête de renouvellement de soi


      De ce fait, la fête de nouvel an, dans la société traditionnelle africaine,  véhicule toute une cohorte de pratiques culturelles, celle en tant que culture de rassemblement, celle en tant que culture de transmission et de conservation des traditions, des us et coutumes et celle de vivre ensemble, ou de gestion des conflits. C’est aussi, pour les chrétiens, l'ambivalence de la coutume et la foi chrétienne. D’où l’écho de 2 Co 5.17 : « Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. ». Le v.17b souligne le caractère résurrectionnel du nouvel an chez le chrétien africain : 
« ... Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. » est un verset biblique souvent repris à tort ou à raison dans la rhétorique de l'arbre à palabre au moment où l'on tente de réconcilier les membres de la famille.  

    En d’autres termes, pour le chrétien africain, le nouvel an est une résurrection, l'entrée dans une nouvelle vie nécessitant un changement de comportement, une mutation de mode de vie (du pire au meilleur). Par conséquent, en cette période, dans une attitude introspective, l'homme africain prend l’engagement  de renoncer à beaucoup de vices : refroidissement de sa foi envers Dieu, l'alcoolisme, la vie de débauche, etc...Bref,  c’est le vœu de renouer avec la vertu et de ne plus commettre le mal. C'est ce que l'on peut appeler ici "une mue éthique". Cette "mue éthique" ou le renouvellement de soi s’inscrit en effet dans la quête du bien-être, de bénédictions auprès de Dieu, mais c’est aussi solliciter les faveurs des ancêtres par des sacrifices, des parents vivants ou décédés par des offrandes afin de trouver la quiétude et le bien-être dans ce nouveau chapitre de vie qui débute. 
       C'est là où l'on voit que, pour l'africain, la spiritualité consiste en un travail de prise de conscience intérieure et de transformation de soi. C'est-à-dire, revenir vers soi, retourner à son centre, unifier son être divisé, ramener ses morceaux éparpillés, remodeler son humanité dénaturée : telle est l'oeuvre spirituelle à accomplir pendant le nouvel an. Cette conception de la vie spirituelle peut s'appliquer aussi bien aux croyants de toute religion qu'aux incroyants.



          Célébrer le  "nouvel an" comme l’œuvre de Dieu en Christ



      Ce rapide regard culturel, bien significatif, prend encore plus de relief sur un autre ton que l’apôtre Paul nous fait remarquer. Dire que «  Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. » renvoie à l'oeuvre du Christ qui nous a réconciliés avec Dieu en résorbant la faille que chacun connaît en son for intérieur, cet écart si pénible entre les intentions et les faits, entre la volonté et les effets, entre ce que nous pourrions être et ce que nous sommes à un moment donné. 

       Au début d’une nouvelle année, reconnaissons que le Christ Jésus nous révèle qu’il est possible d’être humain, vraiment. Ce faisant, il nous  redonne confiance en nous, confiance en notre capacité à être profondément humain, confiance en notre capacité à résister à endosser les vieilles habitudes, confiance en notre capacité à nous parer de nouvelles habitudes comme des créatures restaurées dans leur nature authentique. En nous réconciliant avec  Dieu, il a aboli les clivages d’autrefois, réduisant les distances culturelles, transgressant les conventions établies, distinguer ceux de l’intérieur de ceux de l’extérieur. Le Christ Jésus nous a réconciliés de telle manière que nous participions tous à une même humanité portée à son incandescence, une humanité sans astérisque qui établirait des exceptions pour certains dont on ne veut pas entendre parler. 

     En effet, il nous donne la capacité à faire resplendir l’humanité, quitte à paraître hors de sens pour le commun des mortels qui ne voient d’intérêt que dans ce qui concourt à leur propre intérêt. Car, en Jésus-Christ, c’est la rédemption permanente de l’humanisme qui se joue : l’autre, celui qui croise mon regard, est ressuscité en tant qu’être humain à part entière. Plus personne n’est considéré comme un être de seconde zone ; personne n’est réduit à n’être qu’un ceci ou un cela,  un indigène ou un civilisé, un pauvre ou un riche. Il n’y a même plus ni homme ni femme, dans la réconciliation opérée par Jésus-Christ qui restaure l’intégrité de notre humanité. Celui-ci est mon frère, celle-là est ma sœur, qui s’inscrit dans la volonté du Père céleste, qui a trouvé sa place au sein d’une famille qui ne connaît ni le sang, ni la langue, ni la religion pour dire l’identité. 

     Le Christ Jésus a réconcilié notre humanité en la sauvant d’une fragmentation mortifère. C’est cela que nous pouvons célébrer de mille manières à l’occasion du nouvel an, aussi bien par le culte qui symbolise cette rédemption de la fraternité élargie, que par des actions concrètes, au quotidien, qui incarnent cette vérité évangélique dont nous sommes les ambassadeurs : comme Jésus nous l’a révélé, comme il l’a incarné, nous sommes capables d’être humain, pour nous-mêmes, et pour les autres au cours de cette nouvelle année. 
C'est pourquoi, l'homme africain, conscient parfois de la perte de son sens humain, fait du nouvel an une occasion de se restaurer en tant qu'être humain,  en se dépouillant ainsi de sa vieille nature, en se renouvellant comme un autre humain.

Que chacun de nous soit béni au seuil de cette nouvelle année ! 

     

Dr Jimi ZACKA
Théologien, Anthropologue

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