dimanche 22 juin 2025

Le mystère de Dieu pour les nations : Lecture théologique de Romains 11.25 dans le contexte africain (Prof.Jimi ZACKA)

 
Résumé (abstract)

Cet article propose une lecture théologique de Romains 11.25, centrée sur le mystère du salut dans le plan divin, en dialogue avec le contexte africain contemporain. L’apôtre Paul y révèle un "mystère" : l’endurcissement partiel d’Israël jusqu’à l’entrée des nations dans le salut. En Afrique, où les imaginaires religieux sont profondément marqués par des traditions mystiques et communautaires, cette notion de mystère trouve une résonance particulière. Ce travail explore comment cette dynamique biblique peut éclairer la vocation missionnaire des Églises africaines, leur rapport à l’histoire du salut, et la nécessité d’une posture d’humilité spirituelle dans un contexte d’expansion chrétienne. L’article s’inscrit dans une théologie contextuelle qui valorise la participation active des peuples africains à l’économie du salut universel.


1. Introduction

La lettre de Paul aux Romains est un sommet de la pensée théologique chrétienne. Au cœur de cette œuvre, Romains 9 à 11 s’intéresse au destin d’Israël dans le plan de Dieu. Romains 11.25, en particulier, introduit un "mystère" qui lie l’endurcissement partiel d’Israël à l’entrée des nations païennes dans le salut. Dans le contexte africain, cette dynamique soulève des questions fondamentales sur la vocation des peuples, la révélation divine et la mission de l’Église.

Cette étude vise à faire dialoguer ce passage avec les réalités africaines, en articulant exégèse biblique, théologie du salut et théologie contextuelle africaine.

2. Une lecture exégétique de Romains 11.25

Le verset se lit ainsi :

« Car je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne vous regardiez point comme sages : c’est qu’une partie d’Israël est tombée dans l’endurcissement, jusqu’à ce que la totalité des païens soit entrée. » (Romains 11.25)

2.1. Le terme "mystère" (mystērion)

Dans la tradition paulinienne, le mystērion désigne un projet caché de Dieu désormais révélé (cf. Éphésiens 3.3-6). Il ne s’agit pas d’un savoir ésotérique, mais d’une vérité divine rendue accessible par la révélation en Christ.

2.2. L’endurcissement partiel d’Israël

Paul reconnaît que tous les Juifs n’ont pas rejeté l’Évangile. L’endurcissement est "partiel" et "temporaire", et il fait partie d’un dessein providentiel. Ce n’est pas un rejet définitif (cf. Rm 11.1).

2.3. L’entrée des nations

La "plénitude des païens" (plērōma tōn ethnōn) est le signe que Dieu accomplit son projet universel. L’histoire du salut n’est ni linéaire ni exclusive : elle est inclusive, dynamique et progressive.

3. Résonances avec le contexte africain

3.1. Le mystère dans les cosmologies africaines

En Afrique, le mot "mystère" évoque des dimensions sacrées souvent transmises oralement, par des rituels ou dans l’initiation. Ces mystères sont en général réservés à des initiés, gardés par les anciens.

La théologie paulinienne, elle, propose un mystère accessible à tous, y compris aux "non-initiés" de la révélation ancienne. Il s’agit d’un déplacement fondamental : le sacré devient bonne nouvelle pour tous.

3.2. Endurcissement et résistances culturelles

Dans de nombreux contextes africains, l’annonce de l’Évangile s’est heurtée à des résistances : attachement aux traditions, incompréhension du message chrétien, syncrétismes. On peut les lire comme des "endurcissements partiels", non comme des rejets absolus.

Ce regard appelle à la patience historique et missionnaire, à la manière de Paul qui voit même dans le refus temporaire d’Israël une opportunité pour l’entrée d’autres peuples dans le salut.

3.3. L’Afrique et la plénitude des nations

L’entrée de "la totalité des païens" dans le salut donne une place active à l’Afrique. Le christianisme africain n’est pas une périphérie : il devient un centre vivant de la foi chrétienne aujourd’hui. Cela invite à :

  • Revaloriser la théologie africaine dans la catholicité de l’Église ;
  • Refuser le complexe d’infériorité spirituelle ;
  • Participer activement à l’évangélisation mondiale.

 4. Vers une théologie missionnaire africaine fondée sur Romains 11.25

4.1. Refuser le triomphalisme

L’Afrique chrétienne doit se méfier de l’orgueil spirituel, dans un contexte où elle connaît croissance et expansion. Le rappel de Paul est fort : "afin que vous ne vous regardiez point comme sages."

4.2. Participer à l’économie du salut

Romains 11.25 propose un modèle inclusif, où chaque peuple a sa place dans l’histoire du salut. L’Afrique est appelée non seulement à recevoir, mais à transmettre, à enseigner et à porter le mystère de Dieu.

4.3. Espérer pour tous

Enfin, ce verset nous pousse à garder l’espérance pour ceux qui résistent encore : que ce soit Israël ou les cultures africaines réticentes, Dieu n’a pas fini son œuvre. Le mystère reste ouvert.

5. Conclusion

Romains 11.25, lu dans le contexte africain, devient un puissant appel à une théologie du salut ouverte, patiente et missionnaire. Il engage l’Afrique à entrer dans la "plénitude" des peuples appelés à être témoins du Christ. Ce verset ne parle pas seulement d’Israël ou des païens du Ier siècle, il parle aussi des Églises africaines d’aujourd’hui : entre mystère révélé, appel à l’humilité et mission universelle.

Bibliographie

  • BULTMANN, R., Théologie du Nouveau Testament, Labor et Fides, 1970.
  • NT WRIGHT, Paul and the Faithfulness of God, Fortress Press, 2013.
  • SANON, A., Théologie africaine et mission, Karthala, 2003.
  • TSHIBANGU, T., Foi chrétienne et religions africaines, Présence Africaine, 1970.
  • WÉRÉ, J., Mystère et révélation dans la tradition africaine, Éditions CLE, 1992.
  • ZINSOU, E., Lire Paul en Afrique, Verbum Bible Africa, 2019.

 

dimanche 8 juin 2025

CHRISTIANS AND FAKE NEWS[1]: Exegesis of John 7.12

                                     


Abstract

This essay explores the intersection between the biblical text of John 7:12 and the modern issue of misinformation or "fake news," particularly as it relates to Christian ethics, witness, and discernment. By exegeting John 7:12 in its narrative and theological context, we uncover how the polarization of public opinion around Jesus mirrors current patterns of disinformation, rumor, and ideological manipulation. The paper argues that Christians are called to be truth-bearers in a world plagued by confusion, using the example of Jesus’ integrity and the biblical value of discernment as a foundation for digital and relational ethics.

 Keywords: fake news, information literacy, disinformation, prophecy, Bible, Gospel of John.

________________________

Introduction

Fake news means “vague noise, rumor, news without guaranteed certainty”. It comes from rumors, which is without doubt the world's oldest medium. It seems to have a bright future, even in the most advanced and rational societies.  The new means of communication - mass media, the Internet, social networks and the telephone - give rumors an incredible speed of propagation. Ultimately, rumors are bulimic; they feed on everything that passes them by. So why does it appeal to us all?

     It's hard to understand what rumors really are. What's most disturbing is that belief in rumors is not the privilege of the naive, the gullible in short of others. It concerns us all. It feeds the conversations of profane people as well as those of Christians, in the street as well as in the authorities. Fake news are part of our daily lives, and as such, they crystallize many preconceived ideas. Christians are no exception, especially when it comes to accusing others. Socrates complained about the gossip he was the victim of, and Jesus was the victim not of what he said or did, but of what was said about him.

1. The Nature of Fake News in John 7:12

In the digital age, the spread of fake news—false or misleading information presented as fact—has become a major challenge for society. Christians, called to be people of truth (John 14:6), must address this issue both in how they consume information and how they communicate it. A striking biblical example of misinformation appears in John 7:12, where conflicting reports about Jesus circulate among the crowd:

"There was much murmuring among the people about him. Some said, ‘He is a good man,’ while others said, ‘No, he is misleading the people.’”

 

This passage provides a framework for understanding how false narratives spread, their dangers, and how believers should respond to them. The verse, situated in the narrative of the Feast of Booths, presents a climate of uncertainty and conflicting opinions surrounding Jesus. The Greek term γογγυσμς (goggysmos), translated as "muttering" or "grumbling," connotes whispered discussion, often of a suspicious or contentious nature. The two contrasting assessments— “He is good versus He deceives the crowd”—encapsulate the confusion and division that misinformation can cause[2].

In John 7, Jesus secretly enters Jerusalem because of the growing hostility of the Jewish leaders. The crowd buzzed with speculation. The divided opinions in verse 12 reflect a broader theme in John: division in response to truth. The evangelist often contrasts light and darkness, truth and falsehood, faith and unbelief (cf. John 1:5; 3:19-21; 8:44). The fake news about Jesus stems from fear, political pressure, and theological misunderstanding, leading to misinformation that distorts Jesus' mission[3].

Finally, Jesus' crucifixion was the result of false accusations based on rumors or fake news[4]. This is where we see that fake news often has aversive content. It is almost always negative. The most common type of fake news targets a person or social group with the sole intention of causing harm. We also see that when a piece of information is passed on to someone, the original message is often distorted, with the messenger altering it by omitting details or even reconstructing it in a different way[5]. The recipient's interpretation may add elements to the story. In the end, the story may no longer be the same at all. I deduce that Jesus’ trial exemplifies how misinformation can lead to injustice. In ministry, ethical leadership demands vigilance against distortion, ensuring truth is communicated with integrity, whether in preaching, pastoral care, or theological education.

That is why Luke in his gospel, insists on Jesus' innocence. Five times, Pilate, like Herod, declares that he finds no grounds for condemnation (Lk 23:4, 14, 16, 22). Similarly, at his death, the centurion will see Jesus as a righteous man (Lk 23:47). In Mark, Pilate seems more indifferent, while in Matthew, ironically, it is the procurator who declares: Mk 27:24 : “I am innocent of this man's blood[6].

This insistence on Jesus' innocence is all the more surprising given that Pilate addresses him only once: Luke 23 :3: “Are you the king of the Jews?” In comparison, not only does John have six interventions by Pilate with Jesus, but Mark mentions three: 15:2 “Are you the king of the Jews?” 15:4a: “Do you not answer?  and 15:4b: “See all the accusations they bring against you”. For his part, Matthew reports two: 27:11 : “Are you the king of the Jews?” ; 27:13:”  Do you not hear all the testimony brought against you?”.

It is clear that for Luke, and for Pilate, Jesus' innocence is beyond doubt, and the trial thus pits the procurator against the Sanhedrin, which puts forward false arguments before settling for a blatant revenge:” crucify him”.

2. The Dangers of Fake News for Christians Today

It's certainly true that the Church is no exception to the phenomenon of fake news, particularly in African churches. Satan does the same thing.  And he's often on the lookout for what's going wrong, or what seems to be going wrong, and turns it into fake news within the Church. Indeed, fake news often has a negative impact on the Christian faith in Africa by creating divisions, inciting violence, and undermining confidence in the Christian community. It's so much easier to see the mote that's in others and not see the beam that's in your own. There are many examples of fake news in our churches in Africa. There are religious groups that today use fake news to produce misinformation and build false narratives about human beings and the truth of the facts, with the clear objective of hurting people and destabilizing society[7].

It has been observed that fake news is pervasive in the political arena, where politicians employ it to discredit their opponents. A similar trend has been noted in Christian communities. To illustrate this point, we will use the following example: Many religious leaders have joined the disinformation bandwagon. In a religious environment where various actors attached to Christian beliefs have been conducting religious proselytizing campaigns for decades in Africa, sometimes in conflict with each other, disinformation has become a powerful tool for simultaneously promoting certain beliefs and practices and discrediting those of competitors on the religious scene. Following the trends first employed by evangelicals with the creation of religious TV and radio channels across Africa, charismatic religious figures are using the media to increase their power, to spread sometimes distorted religious teachings and egocentric narratives inherent in miracles. This manipulation of information tends to exacerbate interfaith tensions and divisions[8].

Disinformation campaigns can involve the dissemination of miracles, prophecies and fabricated divine claims, with the aim of reinforcing the authority and legitimacy of religious leaders or their organizations. These practices can lead to the exploitation and manipulation of vulnerable populations, often financially, further strengthening the influence of these religious actors. Disinformation campaigns also have a significant impact on the way many citizens perceive the world, their communities and their societies. Indeed, disinformation carried out by religious actors in Africa often goes beyond religious contexts and touches on political and social issues. It may concern international aid programs or development initiatives, electoral processes or the promotion of certain political agendas[9].

In addition, the covid-19 pandemic was the source of other fake news in Africa and elsewhere in the Churches. Messages abounded on social networks and on the communication platforms of certain churches, claiming that the pandemic was divine punishment. Disinformation campaigns can involve the dissemination of miracles, prophecies and fabricated divine claims, with the aim of boosting their reputation Some pastors have asked their followers and supporters not to vaccinate themselves or their children. They are often called fake prophets.

 In Christian tradition, the expression “fake prophets” is used in various contexts to designate those who spread false doctrines. Today, we could use the same expression to refer to those who spread infoxes. For this tradition, the phenomenon of “false prophets” is at the origin of lies and false news or false prophecies. That's why it's up to the powers that be (kings, judges, etc.) to discern true prophets from false ones, and to combat false doctrines. Indeed, while some writers of biblical literature refer to “false prophets” as “dream-mongers” and invite God's people to beware of them (cf. Dt 13:2-4)[10],

The experience of false prophecy remains one of the crucial phenomena in the history of Christianity. The biblical tradition also uses the image of the wolf to represent those who divulge lies. This image was also present in the Middle Ages, when, according to L. Gonzalez, “[...] the wolf became the embodiment par excellence of the false prophet, who is all cunning, lies and deceit”. Thus, like a wolf, the false prophet scatters the flock and decimates it (cf. Acts 20:29), while the good shepherd is concerned with guarding and protecting the sheep (cf. Ps 22).

It is in this general context of the fight against those who divulge false prophecies that we can situate the struggles against heresies, the crusades, the missionary conquests, etc. in the history of Christianity. And if for the Church, the phenomenon of false prophets is an integral part of its history, and the propagation of false doctrines is closely linked to this phenomenon, its fight against false prophecies remains the expression of its witness to the truth and its concern to protect Christians from the danger of relying on lies, with all their consequences. This struggle is part of the Church's commitment to the truth[11].

3. A Theological Vision for Christian Communication

John 7:12 confronts the believer with a crucial question: How do we represent the truth of Christ in a world addicted to lies? The answer lies not only in condemning fake news but in embodying a culture of truth rooted in Christ: When our Christian life is linked to Holy Scripture, it should not obey the laws that govern rumors. This is why God formally forbids the children of Israel to indulge in rumours: "You shall not spread false rumours. You shall not join with the wicked in bearing false witness".     

The aim is to spread a fact established by eyewitnesses, not to spread a vague, unfounded story. Because fake news is deadly, destructive of faith. It conveys slander, lies, criticism, murmuring and contempt[12]. To protect Christians from rumors, the apostle Paul recommends that they mind their own business. The apostle James, for his part, draws the attention of Christians to the proper use of their speech: "The tongue is a small member, and it boasts great things. Behold how a small fire can set a great forest ablaze!  The tongue too is a fire; it is the world of iniquity."

The divided opinions about Jesus show how quickly misinformation can spread and solidify into competing narratives. Christians must develop theological and digital literacy to discern the source, motive, and impact of what they hear and share. The Church must avoid becoming an echo chamber of ideologies and instead become a living counter-narrative, demonstrating that truth is not merely data but a person, Jesus Christ[13].

Christians are called not merely to avoid spreading fake news, but to be agents of truth, discernment, and peace in a noisy world. In a time when muttering and manipulation abound, the Church must echo the voice of Christ clear, courageous, and full of grace.

4. A Christian Response to Fake News

Faith not only looks to Jesus, but looks from the point of view of Jesus, with his eyes: it is a participation in his way of seeing ". It is at this anchor point that the stakes of the Christian faith as a contextual reception of Christ are played out, in the face of the phenomenon of false news which today marks the historical fabric of Christians in African environments. In these circumstances, the practice of the Christian faith is confronted with the phenomenon of the manipulation of consciences and the flow of false information; a phenomenon that seems to reverse the scale of values to the point of advocating an emancipation that rhymes with a relativization of everything, even truth. Every Christian should attribute the same rights to truth and falsehood; far more rights are given to falsehood than to truth, because the latter is systematically concealed and distorted. By manipulating and falsifying the truth, fake news challenges the Christian faith, which is based on Christ as truth. They challenge believers in their religious convictions. Faith not only looks to Jesus, but looks from the point of view of Jesus, with his eyes: it is a participation in his way of seeing ". It is at this anchor point that the stakes of the Christian faith as a contextual reception of Christ are played out, in the face of the phenomenon of false news which today marks the historical fabric of Christians in African environments.

5. Christians as Truth-Bearers in a Post-Truth World

John 7:12 reveals that fake news is not a new problem, but in the digital age, its spread is faster and more damaging. For example, as fake news alienates human relations in today's society and in the Church, sowing hatred and discord in intersubjective relations and undermining trust in others, which is the foundation of every community, it is now the historic responsibility of Christians "[...] to counteract these falsehoods. [...]. The most radical antidote to the virus of lies is to allow ourselves to be purified by the truth. In the Christian vision, truth is not just a conceptual reality, which concerns judgments about things, defining them as true or false. Truth is not just a matter of bringing obscure things to light, of “unveiling reality”, but of having truth with the whole of life.

The point here is to make witnessing to the truth a ground of credibility for Christian identity, and thus to profess the Gospel on a daily basis as the Word that gathers and unites, that comforts and reconciles across all diversities. It is through their lifestyle, through their way of living their faith in the Church in African environments, that Christians sign “[...] the truth of the Gospel message and the salvation in Jesus that has come to them and to their community of faith”.[14]

Witnessing to the truth of the Gospel requires positioning oneself in time and space in relation to the truth revealed by Christ. To bear witness to it is to identify with it through one's life, to become its co-worker in truth, to join in its logic of combat against today's false prophets and to fight against the pollution of the values conveyed by its Gospel (charity, justice, peace, solidarity, joy, hope, reconciliation...).

                                                                                Jimi ZACKA, PhD

 

                                                   Bibliography

Brown, R. E. The Gospel According to John (I–XII). Anchor Yale Bible. New Haven, CT: Yale University Press, 1966.

Carson, D. A. The Gospel According to John. Pillar New Testament Commentary. Grand Rapids, MI: Eerdmans, 1991.

Lewis, C. S. La difficulté d’être vrai. In Dieu au banc des accusés. Paris: LLB, 200

Plantinga, A. Warranted Christian Belief. Oxford: Oxford University Press, 2000.

Tubbs, T.L.,  Prophetic Preaching: A Pastoral Approach. Louisville, KY: Westminster John Knox Press, 2010

Wright, N. T. Virtue Reborn. London: SPCK, 2010.



[1] Huyghe defines fake news as “[...] a message about a non-existent reality (pure invention or bona fide press error), the contextualization of facts to produce an effect of influence [...], a rumor or urban legend as has always existed, a purely sensational effect aimed at surprise and therefore maximum attraction [...], a content assumed to be false and not true [...].or urban legend of the kind that has always existed, a purely sensational effect aimed at surprise and therefore maximum attraction [...], content assumed to be false and implausible, but intended to make people laugh or to test their credulity, a source that presents itself as something it is not [...]”. Bradshaw and Howard call fake news “phony news”.

[2] Read Brown, R. E. The Gospel According to John (I–XII). Anchor Yale Bible. New Haven, CT: Yale University Press, 1966.

[3] Cf. Carson, D. A. The Gospel According to John. Pillar New Testament Commentary. Grand Rapids, MI: Eerdmans, 1991.

[4] In this moment, we see the weight of injustice—truth twisted by those in power, righteousness left exposed and vulnerable. Jesus stood before leaders who manipulated the narrative for their own gain, reminding us how fragile honesty can be in the face of corruption. His trial speaks to the struggle for ethical leadership, urging us to defend truth and integrity, not just in the church but in every corner of society.

[5] Lewis, C. S. La difficulté d’être vrai. In Dieu au banc des accusés. Paris: LLB, 2001

[6] Bauckham, R. The Testimony of the Beloved Disciple: Narrative, History, and Theology in the Gospel of John. Grand Rapids, MI: Baker Academic, 2007 analyzes the tension between faithful witness and untruthful opposition in John's Gospel.

  [7] Wright, N. T. Virtue Reborn. London: SPCK, 2010.

[8] Plantinga, A. Warranted Christian Belief. Oxford: Oxford University Press, 2000.

[9] Indeed, disinformation by religious actors in Africa often goes beyond the religious framework and touches on political and social issues. It can concern electoral processes or the promotion of certain political agendas, falsely predicting electoral victories for a candidate using the prophetic slogan of “God has said...”.

[10] Christians are to believe the truth (Jn 8:32; 1 Cor. 13:7; Eph. 1:13; 2 Thess. 2:13-15; cf. Jn 20:30-31; 1 Cor. 15:1-9), be grounded in the truth (Eph. 6:14 Titus 1:9; 2 Pet. 1:12), speak the truth (Ex. 20:16; Ps. 15:2; Prov. 8:7; 12:17, 22; Zech. 8:16 ; Eph. 4:15 , 25 ), teach the truth (2 Cor. 4:2; 2 Tim. 2:15; Titus 2:1), rejoice in the truth (1 Cor. 13:6), love in truth (1 John 3:18), live according to the truth (Ps. 25:5; 2 John 4), and worship in truth (Ps. 145:18; John 4:24). We are, in fact, saved by the truth of the gospel of Jesus Christ (Jn 8:31-32).

[11] The early church father Irenaeus rightly said: “Error never shows itself in its naked reality, in order not to be discovered. On the contrary, it dresses elegantly, so that the unwary may be led to believe that it is more truthful than truth itself.” We are even warned in 2 Timothy 4:3-4 that “the time is coming when people will not endure sound teaching, but having itching ears they will accumulate for themselves teachers to suit their own passions, and will turn away from listening to the truth and wander off into myths.”

[12] Scripture is also chocked full of specific warnings about false messiahs (Matt. 24:24); false prophets (Ezek. 13:9; Jer. 23:16, ; Matt. 7:15-20 ; 24:24 ; Luke 6:26; 1 John 4:1 ; cf. 2 Pet. 1:19-21 ; 2:1-22http://ratiochristi.org/wp-content/uploads/2023/06/LibronixLink_dark.png); false teachers (Matt. 16:11-12 ; Acts 20:28-30http://ratiochristi.org/wp-content/uploads/2023/06/LibronixLink_dark.png; Rom. 16:17-18http://ratiochristi.org/wp-content/uploads/2023/06/LibronixLink_dark.png; 1 Tim. 1:18-20http://ratiochristi.org/wp-content/uploads/2023/06/LibronixLink_dark.png; 2 Tim. 2:16-18http://ratiochristi.org/wp-content/uploads/2023/06/LibronixLink_dark.png; 4:3-4; Titus 1:9-16; 2 Pet. 2:1 ; 3:16 ); false apostles (2 Cor. 11:13-15 ); false disciples (Matt. 7:21-23 ); false doctrine (Eph. 4:14 ; 2 Thess. 2:1-12 ; 1 Tim. 1:3-4 ; 2 Tim. 2:16-18 ; 4:3-4; Titus 1:9-11 ; Heb. 13:9 ; 2 Pet. 2:1-22 ; 3:17 ); and false gospels (Gal. 1:6-9 ). Such falsities were a danger not only to the early church but has been a persistent danger to all believers throughout history.

[13] Scripture commands us to test everything (1 Jn 4:1), and Jesus in His ministry commanded that we must “not judge by appearances, but judge with right judgment” (Jn 7:24).

[14] Tubbs, T.L.,  Prophetic Preaching: A Pastoral Approach. Louisville, KY: Westminster John Knox Press, 2010, underlines the prophetic call to truth in pastoral ministry, applicable to today's challenges of disinformation.

 

 

dimanche 1 juin 2025

CHRISTOCENTRICITE ET MUTATIONS CONTEMPORAINES DES MINISTERES ECCLESIAUX EN AFRIQUE: REFLEXION THEOLOGIQUE A PARTIR DE JEAN 3.30 Jimi ZACKA,PhD

                                  

 « La déclaration de Jean-Baptiste reflète la philosophie africaine du leadership : un vrai chef prépare la relève et ne s’accroche pas au pouvoir. Il sait que sa mission est de servir et non de dominer. »

Kwame Bediako, Theology and Identity, The Impact of Culture upon Christian Thought in the Second Century and in Modern Africa, https://doi.org/10.2307/j.ctv1ddcqrj.1

ABSTRACT

African ecclesial ministries are undergoing profound transformations, shaped by evolving sociocultural paradigms, theological shifts, and contemporary pastoral challenges. This study examines Christocentricity as a fundamental theological principle for interpreting these developments, grounded in John 3:30: "He must increase, but I must decrease." Through a critical engagement with postmodern thought, emergent leadership paradigms, and inculturation, the article elucidates how the theological imperative of self-abasement and Christ’s exaltation informs ministerial identity and practice. By bridging traditional ecclesial frameworks with contemporary exigencies, this reflection seeks to establish a robust theological foundation for ministries to uphold their vocation while effectively navigating present complexities.

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Introduction

L'Église africaine, riche de son histoire et de ses traditions, se trouve aujourd'hui au carrefour de plusieurs influences sociétales[2]. D'une part, elle demeure profondément enracinée dans la tradition apostolique, héritée des premiers disciples du Christ et façonnée par les siècles de transmission doctrinale. D'autre part, elle évolue dans un monde marqué par la postmodernité, où les repères traditionnels sont constamment remis en question, et où les attentes des fidèles sont de plus en plus diversifiées[3].

Dans ce contexte, la christocentricité des ministères ecclésiaux constitue un enjeu majeur. Se concentrer sur Christ comme fondement et centre de toute pratique ministérielle implique une remise en question des modèles historiques et une adaptation aux réalités contemporaines, sans pour autant céder aux dérives doctrinales[4]. L'Évangile de Jn 3,30 exprime cette dynamique avec force : « Il faut qu'il croisse, et que je diminue », rappelant ainsi que toute action pastorale doit s'effacer devant la présence et la souveraineté du Christ. Est-il possible aujourd’hui ? C’est une question pertinente. Car, elle me permet de proposer une réflexion théologique sur les pratiques ecclésiales africaines, interrogeant leur fidélité à l'héritage apostolique tout en examinant leurs adaptations face aux défis postmodernes. À travers cette analyse des modèles ministériels en vigueur, je cherche à comprendre comment l'Église peut rester fidèle à sa mission christocentrique, tout en répondant aux exigences de son époque. À cet effet, je rappelle que dans les Églises africaines, où les figures pastorales jouent souvent un rôle central dans la communauté, le texte de Jean 3:30 s’invite à une réévaluation du leadership ecclésial. Il rappelle que le ministère ne doit pas être une quête de pouvoir, mais un service qui met en avant la présence et l’action du Christ. En effet, une question taraude mon esprit : Comment les Églises africaines peuvent-elles maintenir une christocentricité authentique des ministères tout en répondant aux défis posés par les mutations socioculturelles ?

 Le but de ce travail vise à répondre à ces trois préoccupations : D’abord, analyser les mutations pastorales, où la figure du pasteur est de plus en plus contestée ou détournée à des fins personnelles[5]. Ensuite, Analyser les dynamiques ecclésiales contemporaines à la lumière de Jean 3:30.  Enfin, mettre l’accent sur l’authenticité de la christocentricité, évitant une approche purement doctrinale ou formelle. Mais, avant d’aborder cette problématique, je précise qu’il y a des aspects liés à la question des ministères dans le paysage ecclésial africain qui paraissent plus significatifs.


1. Mutation des Églises africaines : tensions entre racines apostoliques et modernité globale

 Tout d’abord, lorsque les missionnaires sont arrivés, ils ont introduit une figure pastorale fortement influencée par les modèles européens de l’Église. Le pasteur était souvent perçu comme un enseignant, un guide spirituel et un agent du changement culturel. Cette fonction se distinguait des figures spirituelles africaines par une approche fondée sur l’enseignement biblique et une nouvelle manière de structurer la communauté religieuse empreinte d’autorité. En effet, l'organisation pastorale sous influence missionnaire a transformé les structures ecclésiales africaines, instaurant un clergé hiérarchisé et des formes liturgiques nouvelles. Dans plusieurs régions, les missionnaires ont favorisé l'abandon des formes indigènes de médiation spirituelle, conduisant à une recomposition de l'autorité religieuse.

Dans plusieurs régions, les missionnaires ont favorisé la recomposition de l'autorité religieuse. D’où le constat de voir des pasteurs et quelques responsables ecclésiastiques africains réinterpréter progressivement les Écritures à partir de leurs intérêts, donnant naissance à une théologie de « paternité » qui valorise les traditions locales tout en restant fidèle aux fondements du christianisme.  Ce qui sort de la bouche des fidèles, est ce qui suit : « On leur obéit parce qu’on les aime. Ainsi, on les appelle Papa». En retour, ces « papas » utilisent leur charisme personnel pour exercer leur emprise sur les fidèles. En effet, l’amour du « Papa » conduit à le considérer comme parfait et tout puissant, bref à le diviniser. On lui accorde un chèque à blanc. Il y a une grande proximité entre ce type d’attitude que nous décrivons et l’attitude des chefs religieux de l’époque de Jésus qu’Il reprochait si durement. D’autres font reposer la légitimation de leur pouvoir sur la tradition. Cette force de la légitimation de « paternité pastorale» provient d’un code moral qui corrobore un ministère au nom du respect des principes. Certains pasteurs manipulent ainsi les fidèles en leur enjoignant d’obéir au principe de « toute autorité vient de Dieu ». En effet, la plupart des Églises établissent un code de conduite, implicite ou explicite, auquel il convient de ne pas déroger.

Notons que le pouvoir des pharisiens était également appuyé sur les traditions dont ils étaient les dépositaires, les interprètes, les gardiens, mais aussi sur une légitimation morale. La force de la légitimation morale vient du mode d’intimidation morale mise en place. Un code moral est proposé sans grâce et sans miséricorde au nom du respect des principes. Ainsi, il apparaît que dans de nombreuses Églises africaines, le ministère pastoral demeure fortement influencé par les modèles de ministères missionnaires, ce qui tend à reléguer au second plan la christocentricité inspirée de Jean 3:30, substrat d’un ministère basé sur l’humilité et le service, où le pasteur s’efface afin que Christ occupe pleinement la place centrale.

En outre, le culte du titre a pris place aujourd’hui dans les ministères postmodernes. Il n’est pas anodin de s’attribuer un nom honorifique dans l’espace ecclésiastique. Il y a aujourd’hui une tendance très prononcée, par exemple,  dans les milieux évangéliques : certains responsables religieux ne veulent plus se faire appeler « pasteur ». Car, ils trouvent ce terme réducteur et abject, et préfèrent ainsi s’attribuer d’autres titres un peu plus excessifs. Cette soif de s’arroger des titres honorifiques s’inscrit dans la volonté de dominer, voire de museler toute velléité des contestataires du pouvoir ecclésial[6]. C’est dans le but de s’approprier le double honneur, non pas parce qu’ils « peinent à la parole et à l’enseignement » (1Tm 5.17), mais parce qu’ils veulent faire parler d’eux, occuper la scène médiatique et y montrer leurs airs en faisant place à l’exubérance au lieu de la centralité du Christ dans le ministère[7].

Or la vérité des choses, et d'abord celle du Nouveau Testament, nous oblige à voir les ministères dans la communauté, comme un moyen dont Dieu, qui suscite et rassemble son Église, se sert pour cela même. La première affirmation à poser ici est en effet que Dieu (le Christ, le Saint Esprit) réunit et construit toujours actuellement son Église. C'est Dieu qui appelle (Rm 1, 6 ; appelés de Jésus-Christ ; peuple de Dieu, Eglise de Dieu: 1 Co 1, 2 ; 2 Co 1, 1) ; c'est Dieu qui fait croître (1 Co3, 6), c'est du Christ que le corps entier reçoit concorde et cohésion par toutes sortes de jointures, opérant ainsi sa croissance (Ep 4, 16) ; c'est Dieu qui établit les uns comme apôtres, les autres comme prophètes ou docteurs (1 Co 12,28). Certes il utilise pour cela le service et donc le ministère des hommes. Mais ceux-ci remplissent un pur service, une condition — non absolument indispensable — de l'action enveloppante de Dieu : Paul et Apollos ne sont que « des serviteurs par le moyen desquels vous avez cru » (1 Co 3, 5b).

En fin de compte, Dieu veut qu'il y ait des ministères dans l'Église. Aussi, Il a donné à l'existence chrétienne et à la communauté des chrétiens un statut fondamental de service et de mission. Quant à telles formes de ministère, c'est le Saint-Esprit qui les suscite et c'est l'Église qui les détermine et les confie. Ainsi, on ne peut envisager les ministères que comme une structuration à l'intérieur d'une communauté chrétiennement qualifiée et vivante. Le ministère ne crée pas la communauté comme d'en dehors et d'au-dessus. Il est posé en elle par le Seigneur pour la susciter et la construire. On ne peut pas dire non plus que les ministères émanent de la communauté : du moins ne peut-on pas le dire purement et simplement, mais il est un sens dans lequel non seulement les ministres viennent de l'Église, mais dans lequel les ministères sont constitués par l'Église, représentent et personnifient la communauté.

En effet, la christocentricité est diluée par un relativisme religieux qui remet en question l’unicité du Christ comme fondement du salut. Nul doute ici que dans un monde où l’individualisme et le scepticisme envers les institutions dominent, l’Église traditionnelle voit son autorité contestée. Les fidèles recherchent davantage des expériences spirituelles personnalisées plutôt que des formes de religiosité institutionnalisées.

À cet effet, une relecture critique, théologiquement éclairée et spirituellement enracinée dans l’Évangile, est donc nécessaire pour restaurer la pleine seigneurie du Christ au cœur de l’Église africaine. C’est dans une christocentricité vécue comme appel à la conversion, à la communauté et à la mission que les Églises africaines pourront pleinement témoigner du Christ vivant dans leur contexte en appliquant Jn 3.30 comme fondement du ministère.

  2.     Jean 3 :30 comme fondement théologique du ministère pastoral

Le verset de Jean 3:30 : « Il faut qu’il croisse, et que je diminue. », prononcé par Jean-Baptiste à l’apogée de son ministère, résume en une phrase l’essence de la vocation chrétienne et, plus particulièrement, du ministère pastoral. En affirmant : « Il faut qu’il croisse, et que je diminue », Jean-Baptiste exprime une posture d’humilité, de renoncement à soi et de mise en avant exclusive de la personne de Jésus-Christ. C’ela s’explique en lisant le texte grec de Jean 3.30 "κενον δε αξάνειν, μ δ λαττοσθαι » ponctué par "δε" (dei) qui exprime une nécessité impérative des deux verbes qui suivent. Il y a d’abord ξάνειν" (auxanein) qui signifie "croître”, utilisé pour exprimer une augmentation en influence, en gloire ou en présence, ensuite "λαττοσθαι" (elattousthai) qui est un verbe passif signifiant "diminuer", impliquant une réduction volontaire et non forcée. Nous relevons ainsi de ce passage une construction qui met en exergue une dynamique asymétrique selon laquelle la croissance du Christ et la diminution de Jean sont deux impératifs divins[8].

C’est pourquoi, d’ailleurs, il est souvent cité dans un cadre spirituel, offrant en réalité un fondement théologique riche et structurant pour définir le rôle, la mission et l’éthique du pasteur dans l’Église. Dans un contexte où le ministère pastoral est aujourd’hui confronté aux tentations du pouvoir, de la célébrité ou de l’autoréférentialité, Jean 3 :30 rappelle que le cœur du service pastoral est de mettre Christ au centre du ministère ecclésial, en s’effaçant soi-même[9]. Cette partie examinera donc les dimensions théologiques, spirituelles et pratiques de ce verset comme fondement du ministère pastoral. La christocentricité apparaît ici comme le fondement ontologique et théologique de tout ministère structuré en vue du service exclusif du Christ de la logique suivante :

  a.      Jn 3.30 comme une théologie du service : Christ comme seul centre du ministère.

Jean 3:30 incarne une théologie du dépouillement et du service, qui renverse les logiques humaines de prestige et de pouvoir[10]. Dans une Église centrée sur le Christ, le pasteur est un instrument, non un point focal. Le ministère pastoral trouve ainsi sa légitimité non dans l’élévation du ministre, mais dans sa capacité à refléter Christ.      Dans cette perspective, Jean 3:30 est étroitement lié à la christologie paulinienne : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Galates 2:20). Le ministère s’ancre dans une spiritualité de la kénose (Philippiens 2:5-11), ce dépouillement volontaire par lequel le pasteur, à l’image du Christ, renonce à ses droits pour mieux servir les autres[11].

b.      Jn 3.30 comme une éthique de l’effacement : humilité, dépendance et renoncement

Jean 3:30 appelle à une éthique radicale d’humilité. Il ne s’agit pas d’une humilité formelle ou superficielle, mais d’un effacement intérieur profond. Ce verset pose les bases d’une dépendance totale à la grâce de Dieu et d’un rejet du ministère fondé sur les compétences humaines seules. Dans un monde religieux où les figures pastorales peuvent devenir des marques, des idoles ou des chefs charismatiques centrés sur eux-mêmes, Jean 3:30 est un correctif puissant : le pasteur est un écho, non une voix originale. Il doit sans cesse conduire les croyants à Christ, et non à lui-même. Cette éthique du renoncement implique aussi le refus de la possession de l’Église. Le pasteur n’est pas « propriétaire » du troupeau ; il en est le berger délégué par le Bon Berger (Jean 10:11). Tout ministère authentique vise à faire grandir Christ dans la vie des fidèles, non à entretenir une dépendance personnelle ou spirituelle au ministre.

c.       Jn 3.30 comme antidote aux dérives contemporaines du ministère pastoral

Aujourd’hui, de nombreuses Églises sont confrontées à des dérives pastorales : personnalisation excessive du ministère, culte de la personnalité, marchandisation des dons spirituels, recherche du pouvoir ou de la reconnaissance. Jean 3:30 fonctionne ici comme une parole prophétique de réforme, une boussole théologique pour recentrer le ministère sur sa véritable finalité. Dans un monde où l’image du pasteur peut être instrumentalisée pour des gains personnels (influence, argent, prestige), ce verset est une invitation à une réévaluation constante des motivations du ministère.

 Il rappelle que la croissance du ministère authentique se mesure non à l’expansion du nom du pasteur, mais à l’élévation du nom de Jésus. En effet, le pasteur se doit d’avoir une vigilance spirituelle, une relecture régulière du ministère à la lumière de la croix et de la résurrection. En définitive, Jean 3:30 offre un fondement théologique puissant pour le ministère pastoral. Il enseigne que le rôle premier du pasteur n’est pas de se mettre en avant, mais de révéler Christ ; non de faire croître son influence personnelle, mais de favoriser la croissance de Christ dans la vie de l’Église. Cette parole de Jean-Baptiste constitue un modèle de ministère centré sur le Christ, nourri par l’humilité, et orienté vers le service.

d.      Jn3.30 comme fondement de la mission apostolique

Les leaders ecclésiaux qui adoptent une vision christocentrée sont appelés à mettre en avant la personne du Christ dans leur enseignement et leur prédication. Cela signifie que leurs messages doivent être ancrés dans l’identité et l’œuvre du Christ, en évitant des discours qui se concentrent excessivement sur des aspects secondaires de la foi. Une prédication christocentrée vise à nourrir les fidèles d’une connaissance profonde du Christ et à les aider à vivre leur relation avec lui de manière active et incarnée.  La christocentricité inspire ainsi les responsables ecclésiaux à aller au-delà des murs de l’Église pour répondre aux défis sociaux et économiques qui affectent leurs communautés[12]. Cela se traduit par un engagement plus fort dans la défense des plus vulnérables, la promotion du développement communautaire et la prise en compte des enjeux de justice sociale. À l’image du Christ qui se préoccupait des pauvres et des marginalisés, les responsables sont invités à incarner cette dimension de la mission chrétienne.

Conclusion

En somme, dans un monde ecclésial en quête de modèles authentiques, ce verset demeure un repère précieux. Le pasteur fidèle est celui qui peut dire avec conviction et vérité : « Il faut que Jésus croisse, et que je diminue. » Ce n’est qu’à ce prix que le ministère pastoral retrouve son sens véritable et sa fécondité spirituelle. La christocentricité ne se limite pas à une affirmation doctrinale pour les responsables ecclésiaux, mais elle devient une boussole qui façonne leur approche du ministère et leur engagement au sein de l’Église et de la société.

Il est aussi important de rappeler la christocentricité paulinienne qui définit les ministères comme des fonctions à l’intérieur d'un peuple, d'une communauté ou d'un  corps, qui se qualifient ontologiqueinent comme service et mission, du même mouvement et au même niveau de profondeur où ils se qualifient comme chrétiens, peuple et corps de Celui qui est l'Envoyé et le Serviteur.

C'est à l'intérieur de cette condition générale de service et de mission, qu'une structuration de la mission et du service est posée par ces ministères.  Le texte décisif ici est celui d'Ep 4, 11-12 : « C'est lui qui a donné aux uns d'être apôtres, à d'autres., organisant ainsi les saints pour l'œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ. » Ainsi les ministères sont fonctionnels : ce sont des structurations d'un corps où chaque membre a son rôle pour et dans la vie du tout.

                                                                                         Jimi ZACKA, PhD 


[1] La christocentricité dans son essence théologique présente Jésus-Christ comme le centre de la révélation divine (Jean 14:6), le médiateur entre Dieu et les hommes (1 Timothée 2:5) et le fondement de l’Église (Matthieu 16:18). Elle implique donc une soumission totale à son enseignement, une imitation de sa vie et une confiance en sa seigneurie. Elle transcende les cultures et les époques, appelant les croyants à une foi qui transforme tous les aspects de leur existence.

[2] Cf. Kabasele Lumbala, F. Pour une théologie africaine des ministères. Paris : L’Harmattan, 1991, p.57 propose en effet des lectures contextualisées des ministères dans les Églises africaines, en lien avec les traditions communautaires.

        [3] Lamin Sanneh, Whose Religion Is Christianity? Grand Rapids, MI : Eerdmans, 2003, p 67

[4] Lire Barth, Karl. Dogmatique pour la prédication. Tome I/2. Genève : Labor et Fides, 1961, p.217
 qui met l’accent sur la seigneurie du Christ comme fondement absolu de toute théologie. Barth éclaire la posture théocentrique de Jean-Baptiste en Jean 3 :30.

                [5]

[6] Zacka, Jimi, Fonctions et défis du Pasteur dans l’Afrique Contemporaines, Paris :  l’Harmattan,2015, p.107.

[7] Ibid.

[8] Cf. Brown, Raymond E. The Gospel According to John (I–XII). Anchor Yale Bible. New Haven, CT : Yale University Press, 1966, p.146. ; Schnackenburg, Rudolf. L’Évangile selon saint Jean. Tome 1. Paris : Cerf, 1981, p. 95.

[9] Schnackenburg, ibid.

[10] Moltmann, J.,  Le Christ crucifié, Genève : Labor et Fides, 1975), 104

[11] Mutombo-Mukendi, A., Église et leadership en Afrique, Kinshasa : CEPAS, 2018, p. 74.

[12] Schreiter, R J. Constructing Local Theologies. Maryknoll, NY : Orbis Books, ______________________   

Bibliographie

Barth, Karl. Dogmatique pour la prédication. Tome I/2. Genève : Labor et Fides, 1961.

Brown, Raymond E. The Gospel According to John (I–XII). Anchor Yale Bible. New Haven, CT : Yale University Press, 1966

Kabasele Lumbala, F. Pour une théologie africaine des ministères. Paris : L’Harmattan, 1991,

Lamin Sanneh, Whose Religion Is Christianity? Grand Rapids, MI : Eerdmans, 2003

Mutombo-Mukendi, A., Église et leadership en Afrique, Kinshasa : CEPAS, 2018.

Schnackenburg, Rudolf. L’Évangile selon saint Jean. Tome 1. Paris : Cerf, 1981, p. 95.

Schreiter, R J. Constructing Local Theologies. Maryknoll, NY : Orbis Books, 1985.

Zacka, J., Fonctions et défis du Pasteur dans l’Afrique Contemporaines, Paris :  l’Harmattan,2015,