jeudi 17 novembre 2016

L’ARROGANCE DE LA FOI : APPROCHE EXEGETIQUE DE Lc 18.9-14.


Il y a des attitudes qui corrompent nos bonnes mœurs, notamment notre vie chrétienne et passent inaperçues. En effet, nous nous offrons une autosatisfaction qui nous porte préjudice et détruit notre foi chrétienne (Prov.16.18). L’une d’elles, c’est l’arrogance. L'arrogance, c'est quoi? C'est une attitude hautaine, c'est penser qu'on sait tout mieux que tout le monde et on le fait ressentir aux autres.

L'arrogance peut se manifester de diverses manières, telles que le sentiment d’être le plus riche, le plus génial, le meilleur, le plus intelligent, voire le plus religieux ou le plus spirituel, etc. 

Je ne sais pas si l’arrogance fait partie de notre éducation, mais beaucoup de personnes ont tendance à devenir arrogants dès qu'ils se trouvent dans une certaine posture sociale, religieuse élevée. Pourquoi ? Parce que l’arrogance procure un agréable et confortable sentiment de bien-être.  Par exemple, la parabole du Pharisien au Temple en dit long (Lc 18.11). C’est dans cette parabole que nous découvrons que l’arrogance est non seulement un obstacle à la prière, mais freine aussi la croissance ou la maturation spirituelle et surtout nous efface de la présence de Dieu. 

Aussi, l’arrogance est l'un des plus grands obstacles à la sagesse ou à l'acquisition d'autres connaissances. Il est impossible à l'arrogant d’apprendre des autres. Comme les Sages nous l’enseignent, "Qui est sage ? Celui qui apprend de tous" (Talmud – Pirkei Avot 4:1). L'arrogant absorbé par son narcissisme vit toujours au dépens des flatteries des autres. Il exhibe sa foi comme la meilleure.

En lisant Luc 18.9-14, on s'aperçoit que la parabole est adressée à certains qui étaient persuadés d'être eux-mêmes des justes.  C'est ce que reprochait Jésus aux pharisiens en Lc16.15 et c'est bien ce que va illustrer le comportement du pharisien du récit. L'attitude décrite ici est un travers qui se retrouve chez des croyants qui s'érigent en "meilleurs chrétiens".  
 
En fait, comme signification éthique que Luc entend donner au récit: le lecteur est invité "à voir l'attitude du publicain,  un exemple proposé à l'initiation et dans celle du pharisien un contre-exemple" (J.Schlosser).

Le pharisien adresse à Dieu une action de grâce où il dresse le catalogue des vertus : les fautes qu'il ne commet pas, puis les deux prescriptions qu'il accomplit allant plus loin que ne l'exige la Loi (Jeûne et dîme : cf.Lc11.42). Le portrait n'a rien d'une caricature.  Notre homme sait ce qu'il doit à Dieu et ne s'attribue pas le mérite d'être juste--c'est un point sur lequel Luc fait silence dans son introduction du v.9. Même la façon dont il se démarque des voleurs, injustes et adultes est un écho de la prière des psaumes . Et pourtant, c'est cette aversion pour les pécheurs et leur rejet, pourtant inscrit par exemple en Ps26, que Dieu retiendra contre lui: ce juste sait sa supériorité et méprise (v.9) les autres humains. Conscient de son état de pécheur, le publicain , pour sa part, n'ose pas lever les yeux au ciel et sa prière est un appel au secours: il se reconnaît pécheur et invoque la miséricorde de Dieu. Mais le récit ne nous dit pas qu'il promet de réparer ses torts comme le fera Zachée (Lc19.8). Malgré tout, le publicain  nous enseigne ici une grande leçon doctrinale  qui échappe à tous: "croire en Dieu", qu'est-ce que c'est ? 
 
Bien que beaucoup de gens croient en Dieu, la plupart d’entre eux ne comprennent pas ce qu’est la vraie foi en Dieu. Il est possible que beaucoup de croyants ne soient pas d’accord avec ce mot et disent : « Avez-vous si peu d’estime pour nous ? Étant donné que nous avons cru en Dieu pendant de nombreuses années, est-il possible que nous ne comprenions pas ce qu’est la foi en Dieu ? » Certains disent : « Croire en Dieu, c’est admettre qu’il y a un Dieu, et je crois que Dieu a créé les cieux, la terre et toutes choses, et que Dieu existe vraiment. N’est-ce pas croire en Dieu ? » Certains disent : « Je lis souvent la Bible, je prie, j’assiste à des rassemblements et je répands l’évangile. Cela ne compte-t-il pas comme une vraie foi en Dieu ? » Certains disent : « Je peux réciter les chapitres et les paroles célèbres de la Bible. Alors qui ose dire que je ne suis pas un vrai croyant en Dieu ? » Certains disent : « Je suis capable de sacrifier pour le Seigneur, et je travaille, prêche et répand l’évangile depuis de nombreuses années, et je regarde et soutiens toujours mes frères et sœurs. Ne crois-je pas vraiment en Dieu ? » Les gens utilisent de nombreux dictons comme ceux-ci pour prouver qu’ils croient vraiment en Dieu. Cependant, avons-nous déjà réfléchi à la question de savoir si ces points de vue sont justes ?

En effet, bien que les gens soient familiers avec le mot “Dieu” et des expressions telles que “ l’œuvre de Dieu”, ils ne connaissent pas Dieu, encore moins Son œuvre. Pas étonnant donc que tous ceux qui ne connaissent pas Dieu aient une croyance confuse, une "arrogance de la foi". 
 
Les gens ne prennent pas la croyance en Dieu au sérieux parce que croire en Dieu est trop inconnu, trop étrange pour eux. De cette façon, ils ne répondent pas aux exigences de Dieu. En d’autres termes, si les gens ne connaissent pas Dieu et ne connaissent pas Son œuvre, alors ils ne sont pas aptes à être utilisés par Dieu, encore moins peuvent-ils réaliser le désir de Dieu. “La croyance en Dieu” signifie croire qu’il y a un Dieu ; c’est le plus simple concept de la foi en Dieu. De plus, croire qu’il y a un Dieu n’est pas la même chose que croire véritablement en Dieu ; au contraire, c’est une sorte de foi simple avec de fortes connotations religieuses. 
 
La vraie foi en Dieu signifie faire l’expérience de la parole et de l’œuvre de Dieu sur la base d’une croyance que Dieu est souverain sur toutes choses. Ainsi tu seras libéré de ton tempérament corrompu, satisferas le désir de Dieu et connaîtras Dieu. Ce n’est qu’au long d’un tel parcours que l’on peut dire que tu crois en Dieu 

C'est ainsi qu'avec autorité, Jésus tire alors la leçon totalement inattendue, de la situation du point de vue de Dieu (v.14a). Dieu a déclaré juste l'un d'eux , a exaucé sa prière et l'a pardonné; mais non l'autre qui n'avait rien demandé. Les situations sont renversées. Cette nouvelle situation que dévoile Jésus publiquement , invite ses auditeurs à comprendre le comportement de Dieu, avant même de les inviter à imiter le publicain. Le caractère paradoxal du message a de quoi faire sursauter: le publicain est pardonné sans avoir au préable réparé ses torts et s'être réconcilé avec son prochain. 
 
Luc rappelle ici la loi du renversement qui est provoquée par l'arrogance du pharisien. Être trop sûr de soi génère une situation de renversement. En d'autres mots, l'arrogance nous fait déplacer à notre insu loin de la volonté de Dieu. 
 
Par exemple, dans la Bible, les arrogants font légion et se constituent en ennemis de Dieu. Quelques-uns font la UNE : Pharaon était arrogant et se passait pour Dieu (Ex.5, 2). Il a fallu une intervention musclée de la part de Dieu pour qu’il se plie à Sa volonté. En 1 S 17.42, il est aussi dit que Goliath, plein d’arrogance, « regarda, et lorsqu'il aperçut David, il le méprisa, ne voyant en lui qu'un enfant, blond et d'une belle figure » et la situation fut renversée en faveur de David.

Dans les Évangiles, outre le cas flagrant du Pharisien en Luc, il y a, entre autres, celui de Marthe, sœur de Marie, qui s’affichait en présence de Jésus dans une attitude arrogante vis-à-vis de sa sœur (Lc 10. 38-42). Et Jésus lui dit paradoxalement que c'est sa soeur qui a pris la " bonne part".  Au regard de tout cela, nous constatons que l'arrogance place toujours l'homme dans une posture de condescendance, c'est-à-dire considérer tout le monde moins que lui et le met in fine dans une situation inverse.  Ce vice est subtil et ne se fait jamais découvrir en nous. Il nous donne l'assurance d'être avec Dieu pourtant il nous éloigne de Dieu.

C'est dire qu'il n’y a que Dieu qui nous justifie par la foi en Jésus-Christ. Il convient d’être prudent lorsque nous parlons de Dieu, car nous avons toujours tendance à ramener la majesté divines à nos limitations humaines.
Pensez-vous être arrogant? Croyez-vous que c'est quelque chose de négatif ou au contraire, cela est positif et compréhensible? Faire ressentir à son interlocuteur qu'on est supérieur à lui, qu'on a raison, qu'il a tort, qu'il ne comprend rien, que c'est nous qui sommes dans le vrai, est-ce une stratégie pour essayer de faire passer nos idées ou de se faire valoir ? Est-ce un trait de caractère qu'on ne pourra jamais changer? Est-ce quelque chose qu'on hérite des personnes qui nous ont éduqué ou est-ce quelque chose qu'on développe tout seul au fil des années, en d'autres termes en fonction de notre évolution sociale, est-ce une question d'éducation, de culture ou pas?
 
Retenons une leçon. Se prévaloir arrogant, parler seulement de nous-mêmes et raconter en long et en large l’histoire de nos succès ne mettra pas les autres dans de bonnes dispositions à notre égard. Laissons plutôt nos actes parler à notre place et nous serons davantage appréciés. 

Si nous ne faisons que nous vanter à propos de notre travail sans rien prouver, nous serons vite catalogués comme quelqu’un de peu fiable. Les gens se moqueront de nous et parleront derrière notre dos. L’arrogance n’a jamais fait bon menage avec de bons témoignages, il s’agit donc de bien savoir distinguer entre confiance et arrogance pour ne pas créer une image négative de nous-mêmes. C’est ce que la Bible nous recommande en Prov.27,2 : « Qu'un autre te loue, et non ta bouche, Un étranger, et non tes lèvres. ».

In fine, l'arrogance est l'un des pires maux qui détruisent notre vie chrétienne et surtout détruit notre proximité avec Dieu.

Prof.  Jimi ZACKA 
           Exégète



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