jeudi 29 mai 2014

APRES LA RESURRECTION, LE DOUTE ( Jn 20, 24-30)


                                                                            Le doute, déni du Christ ressuscité

 La scène se  déroule le soir même de la même journée  de la crucifixion du Christ (v.19). Les disciples vivent dans la peur et l’enfermement. C’est dans ce milieu clos que surgit Jésus. Sa présence n’est plus soumise aux lois physiques et aux contraintes naturelles qui sont celles de l’homme avec
son corps. Il n’est pas dit qu’il traverse les murs : simplement qu’il peut se rendre présent autrement: "Jésus vint, se présenta au milieu d'eux" (v.19). Les traces de la crucifixion sur les mains et le côté de Jésus attestent que, malgré les conditions extraordinaires de la manifestation de Jésus, l’évangéliste Jean ne veut pas que le lecteur le prenne pour un fantôme, c’est-à-dire, quelqu’un  de différent du crucifié. Certes la présence physique ordinaire de Jésus a pris fin, mais celui qui est là au milieu des disciples est le Seigneur Jésus, c’est-à-dire, le même que celui qu’ils ont connu et aimé, mais désormais transfiguré par la Résurrection. La crainte s’efface, les disciples entrent dans la joie (v.20).
Mais Thomas manque à ce rendez-vous (v.24). Nous savons tous ce que nous ressentons lorsqu’il nous arrive  de manquer tel ou tel rendez-vous important, de n’avoir pas vécu quelque chose dont tout le monde parle autour de nous, alors que nous pensons  que notre présence aurait été indispensable au déroulement des choses. Thomas, n’étant pas au Rendez-vous,  refuse de croire. Thomas veut voir, il veut toucher. Thomas doute et son doute est à la fois quête et recherche de la vérité (v.25).

Combien d’hommes et de femmes aujourd’hui ne sont-ils pas dans la situation de Thomas ? Nous cherchons des preuves pour qu'on ne soit pas pris pour des naïfs. Pourtant, nous faisons facilement allégeance aux rumeurs, aux ragots, aux publicités. Dans ce monde d’aujourd’hui, marqué par tant de doutes, de curiosités, de rationalités, le questionnement devient expression de liberté, mais aussi parfois cheminement de foi.

C'est le cas de Thomas. C'est lui qui invitait ses compagnons à accompagner Jésus dans sa mort (Jn11.16), refuse de les accompagner dans leur foi en Jésus-Christ  ressuscité (v.25). Pour la plupart, sa faute est double : d’abord ne pas croire au témoignage des apôtres ; ensuite douter de la résurrection du Christ. 

 Le doute

Mais qu’est- ce que c’est le doute ? Est-ce renoncer à la vérité ?  Deux questions qui s'imposent à notre réflxion.

Douter, c'est d'abord être dans une incertitude telle qu'elle nous fait hésiter sur le parti à prendre ou l'opinion à adopter. Quand je doute, je ne sais que faire ni penser, et mon jugement se trouve suspendu. Tout le temps que dure le doute en effet, ma volonté ne parvient pas à se décider : tant que je ne renonce à aucune des alternatives qui s'offrent à moi, c'est à l'acte même de juger que je renonce. Car enfin, juger, c'est affirmer ou nier, ce qui implique que ma volonté sorte de l'embarras du choix, tranche et se décide. 

Le doute peut ainsi devenir une méthode pour ceux qui cherchent la vérité. Le doute, ici, n’est pas utilisé comme un but à poursuivre, mais comme un moyen de découvrir la vérité. En d’autres termes,   il s’agit de douter volontairement d’une réalité pour la mettre à l’épreuve. Si elle n’y résiste pas, on doit la considérer comme fausse, par prudence. Si elle y résiste, on peut la considérer comme indubitable, et par conséquent comme vraie. Mais il y a aussi le doute qui peut provenir de l’angoisse. C’est-à-dire qu’on est dans un état de panique, de terreur, d’effroi caractérisée par un sentiment d’incertitude avec attitude d’attente. L’angoisse surgit quand nous sentons notre existence menacée physiquement ou moralement.  Ainsi, une frayeur sourde et profonde nous saisit parfois quand nous voyons la mort s'approcher de nous. Nous savons tous que l’angoisse s’empare de nous lors des expériences traumatisantes ou des situations mal supportées (solitude, deuil, crise du milieu de la vie, approche de la mort). Dans ce cas précis, nous ne pouvons pas définir quel type d'angoisse  exprimait Thomas. 

Du doute à la foi 

Toutefois, le Christ Ressuscité répond à la demande de Thomas et l’invite à mettre ses mains  dans ses plaies (v.27). Non pas sur les cicatrices mais dans les plaies: "avances ici ton doigt, et regarde mes mains, avance aussi ta main et mets-la dans côté, et ne sois pas incrédule, mais crois" (v.27). Que cela veut-il dire ? C'est dire que le Christ Ressuscité invite Thomas à apaiser son angoisse, à croire qu’il y a cohérence entre le Jésus crucifié et le Jésus Ressuscité. Ainsi, la foi retrouvée de Thomas va au-delà  de celle des autres disciples puisqu’il appelle Jésus : « Mon Seigneur et mon Dieu ».
Ne sommes-nous pas aussi  emporter par cette angoisse ?  Au milieu des tempêtes et des sables mouvants de notre existence, angoissés, nous ne sommes pas parfois sûrs de notre foi chrétienne, de l’existence de ce Dieu auquel nous croyons. Nous sommes de fois plus douteux que Thomas. Mais, l’Évangile nous dit que la présence de Dieu dans notre vie, si elle n'abolit pas nos peurs, elle nous permet de les dominer.
 La foi ne supprime pas le doute de l'angoisse; elle donne le courage de le combattre et la force de le maîtriser. C’est ainsi que Jésus nous dit , comme à ses disciples, « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (v.29)

Malheureusement, il existe certes des croyants très engagés, très religieux, qui affirment ne jamais connaître de doutes : les intégristes. Mieux même, ils font du doute un phénomène diabolique. Pour eux, douter, c’est faillir, trahir, sombrer dans le chaos. Parce qu’ils érigent à tort la foi en certitude, ils s’interdisent intérieurement et socialement de douter. Le refoulement du doute conduit à toutes sortes de crispations : intolérance, pointillisme rituel, rigidité doctrinale, diabolisation des incroyants, fanatisme allant parfois jusqu’à la violence meurtrière. Les intégristes de toutes les religions se ressemblent parce qu’ils refusent le doute, cette face sombre de la foi, qui en est pourtant l’indispensable corollaire.

En guise de conclusion, il convient de dire que le doute est donc l'étape nécessaire de la fondation de la foi : il n'a de sens qu'en tant qu'étape nécessaire certes, mais ponctuelle. C'est même à cette condition expresse qu'il ne conduit pas à désespérer de la vérité, mais bien s'assurer que nous possédons au moins une certitude absolue, à partir de laquelle il sera possible de tout reconstruire.
Car, le doute ne serait pas une épreuve s'il ne s'accompagnait que de désespoir. Mais c'est au cœur même de ce désespoir, au cœur même de l'expérience du doute, que la vérité se manifeste à nous. C’est dire que la vérité n'est pas ailleurs, la vérité n'est pas inaccessible : elle est présente absolument chaque fois qu'un doute s’installe comme tel, et voilà qui doit nous conduire à dépasser le désespoir.


Prof Jimi Zacka 
Théologien, Bibliste
 

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