mercredi 28 mai 2014

LE COMBAT NON DESIRE AVEC DIEU (Prédication au Temple du Salin, Toulouse)


Réflexion biblique : Genèse 32.23-32

Les rencontres nous réservent souvent des surprises (bonnes ou mauvaises) et plusieurs questions s'imposent à chacun de nous: "Y a-t-il des rencontres qui ont marqué vos vies ? Y a-t-il des rencontres qui ont laissé des traces indélébiles dans votre existence ? Enfin, y a - t-il eu des rencontres qui ont complètement bouleversé votre vécu et qui le bousculent encore ?" 

Telles sont les questions que semblent nous poser le récit de Jacob. Dans ce récit de combat avec l'inconnu, il s'agit bien d'une rencontre au propre et au figuré. Rencontrer l'autre, c'est souvent l'inviter à entrer en relation. C'est aussi s'ouvrir à une existence nouvelle. Combattre l'autre, c'est une manière de marquer son territoire, de prendre l'emprise sur l'autre. Pour Jacob, c'est une nouvelle rencontre qui va le faire avancer vers l'inconnu, qui va le faire détourner de ces itinéraires balisés et programmés, qui va bouleverser tous ses projets et voire même sa propre personne.

Dans ce récit,  Jacob, seul ce soir là, sera bousculé Oui, bousculé parce que dans la nuit sombre, dans l'obscurité la plus absolue, quelqu'un se jette sur lui, l'entraînant dans un combat non désiré qui va durer jusqu'à l'aube. Le récit ne dit pas encore qui est cet adversaire. Quasiment jusqu'au bout, l'adversaire restera un inconnu. Comme pour nous dire la part inconnue de notre vie est toujours là avec nous. Alors que nous rêvons de vivre l'idéal, elle nous rattrape toujours. Alors que nous proposons de réaliser un projet, les imprévues nous surprennent avec des échecs. Jacob, après avoir commis une série d'infractions, prenait fuite et se croyait à l'abri de toutes impunités. Fuir peut nous offrir une certitude de nous mettre à l'abri.

De même, de fois pour étouffer notre concience, nous cherchons toujours ce qui nous est convenable. Nous croyons en ce qui nous est évident, familier. Tout ce qui nous est inconnu nous inquiète. Tout ce qui nous est différent nous dérange ou nous blesse.

Pourtant, la rencontre de Jacob avec l'inconnu, c'est sa partie inconnue qui le rattrape. Lui dont le passé est mensonges et tromperies, souffrances et culpabilités, se voit confronté à un inconnu. Oui, une part obscure de sa vie, qu'il a cherchée à fuir, fait maintenant retour, à travers un inconnu mystérieux, cet inconnu qui le touche, là où çà fait mal.

Cet inconnu n'est autre que Dieu lui-même. En effet, de manière particulièrement troublante, Jacob fait ici l'expérience de la présence de Dieu sous la figure d'un inconnu qui se roule avec lui dans la poussière. Un Dieu qui se révèle à Jacob dans l'énigme et non dans l'évidence, dans le combat et non dans l'apaisement, dans l'obscurité et non dans la lumière. Un Dieu qui fait de Jacob un homme qui se bat sans comprendre, qui se bat pour se poser des questions : « Pourquoi moi et pas les autres ».

Un Dieu qui nous apprend que nuit et combat sont aussi parfois dans nos vies. Nuit et combat qui se traduisent par des imprévues qui nous arrivent : la maladie, le deuil, les blessures sécrètes qui nous mordent le coeur. Nuit de la solitude et de la révolte, dont même l'écoute la plus grande et la tendresse la plus proche ne peuvent parfois nous délivrer. Nuit du silence de Dieu et de l'indifférence des hommes.

Ainsi ce récit nous rappelle que la foi n'évite pas ce combat, la foi n'évite pas l'empoignade avec l'énigme du mal. La foi ne nous éloigne pas de nos luttes quotidiennes. Au contraire, elle nous sert dans nos différentes épreuves.

Nous ne pouvons ni la résoudre ni nous en défaire. Malheureusement, à cause de cette empoignade, beaucoup de chrétiens se sont éloignés de la foi. D'autres la portent comme une blessure au coeur même de leur vie chrétienne. Elle ronge notre vie et notre foi. Cette nuit de Jacob est longue et chargée d'interrogations. Car, Dieu rencontre Jacob dans cette lutte la nuit non pas pour lui redire sa promesse et sa présence, mais tout semble être le contraire. Pourtant, Dieu est présent et Jacob, peu à peu commence à comprendre et dire finalement : «Je ne te lâcherai que si tu me bénis".

Alors, au jour de découragement, de doute, à la rencontre de l'inconnu, nous aussi, comme Jacob, nous devons nous accrocher à cette présence du Dieu vivant, à cet amour inexplicable qui nous empoigne et ne nous lâche pas, même quand la nuit semble nous submerger. Même quand nous nous efforçons de soulager notre conscience par d'autres activités.

C'est seule cette rencontre avec Dieu qui nous transforme, qui nous fait autre, qui peut ouvrir le chemin vers de possibles recommencements. Cette rencontre peut changer notre identité : "On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël (ce qui signifie: “Fort contre Dieu”), parce que tu as lutté contre Dieu comme on lutte contre des hommes, et tu as vaincu.". 

C'est cela, frères et soeurs, l'expérience de la foi. Oui, c'est ainsi que Dieu, par sa grâce, peut faire de chacune de nos journées le matin de nos vies.

Dans ce genre de combat indésiré, Dieu nous surprend, change notre identité et nous bénit : "Et à cet endroit il le bénit. Jacob appela ce lieu Pénouël (ce qui signifie: “Face de Dieu”), car il disait: « J’ai vu Dieu face à face, et j’ai eu la vie sauve.». C'est dire qu'Il  nous attend toujours dans une rencontre que, peut-être, nous ne souhaitons pas. Et comme il est souvent dit : " une vraie rencontre, une rencontre décisive, c'est quelque chose qui ressemble au destin"


Que cette rencontre de combat avec Dieu change notre destin !


Dr Jimi P. ZACKA

 

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