Un
peuple humilié et meurtri
Le
chaos et l'anarchie que vit la Centrafrique depuis plus d'un an ont semé
partout drame et désolation. Beaucoup de Centrafricains y ont laissé leur vie.
D'autres, en majorité des femmes et des enfants, contraints d'abandonner leurs
domiciles, se sont réfugiés dans les églises, les aéroports pour les uns et la
brousse pour les autres. Il n'y a pas un seul lieu fixe où les Centrafricains
peuvent s'abriter pour sauver leur vie. Chaque regard qu'on croise dans la rue
exprime la peur, traduit la douleur du vécu et porte un désir de paix.
De
même, la cohésion nationale a été fortement affectée par la méfiance que la
crise a subitement édifiée entre communautés musulmane et chrétienne. Oui ! La
Centrafrique n'est pas au bord, mais bien au fond du gouffre. Les
Centrafricains ont perdu le rythme de la vie habituelle. Ils sont dans la
survie au jour le jour et ne savent pas ce qui arrivera demain. Cela concerne
tous les aspects de la vie : alimentaire, sécuritaire, sanitaire... Ils ne
savent plus comment maintenir un rythme de vie normal. Ils cherchent une issue
tous les jours pour échapper à la mort, allant de lieux en lieux.
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Plusieurs maisons et églises sont pillées, saccagées et détruites par de
différentes milices armées.. Des femmes et de jeunes filles sont violées. De
jeunes garçons et certains hommes sont froidement abattus.
Pour preuve, un massacre
était perpétré le 28 Mai dans l'enceinte de l'église Notre-Dame de Fatima, où
9.000 personnes avaient trouvé refuge.Selon plusieurs témoins, au moins
dix-sept personnes ont trouvé la mort dont un prêtre, plusieurs autres blessés
et 27 autres enlevés et conduits vers une destination inconnue, et dont on n'a
pas toujours de nouvelles. Selon des témoins,
les responsables de l'attaque seraient des miliciens Séléka (milice musulmane).
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«Les attaquants sont arrivés sur des pick-up en début d'après midi, ils ont lancé des grenades puis ouvert le feu sur les gens. Un prêtre a été tué pendant l'attaque et deux adultes et deux enfants ont succombé jeudi à leurs blessures», a déclaré un témoin. Les origines de ces violences restent confuses.
«Les attaquants sont arrivés sur des pick-up en début d'après midi, ils ont lancé des grenades puis ouvert le feu sur les gens. Un prêtre a été tué pendant l'attaque et deux adultes et deux enfants ont succombé jeudi à leurs blessures», a déclaré un témoin. Les origines de ces violences restent confuses.
Cette violence
intervient au moment où les leaders religieux ont lancé mardi une vaste
campagne de réconciliation et de la paix à travers le pays. On ne sait plus à
quel saint se vouer.
Quitter
le pays devient en effet aujourd'hui une urgence, un rêve, une obsession de
chaque centrafricain. Tout simplement parce que tous les jours des dizaines
d'innocents meurent par représailles ou dans des combats opposant les
différentes milices armées. Déjà plus de milliers de morts en un mois sans
compter des milliers des victimes tombées depuis un an sous les balles de la "Seleka"
qui est une coalition de nombreux groupes du nord et de l'est du pays, à
majorité musulmane, dans un pays où 80% des habitants sont chrétiens et où
l'Etat n'existe qu'au Sud-Ouest.
Et
pourtant, la Centrafrique est un pays où aucune tension interreligieuse
n'a eu lieu jusqu'au mois de mars 2013. Malheureusement, aujourd'hui
le pays est livré aux pillards, aux terroristes, aux bandits de tout
chemin. Seuls des militaires étrangers assurent un semblant de sécurité.
Mais
comment en est-on arrivé à cette vie chaotique ? Comment ce conflit a
désintégré la cohésion sociale?
L'origine
de cette situation de crise se trouve dans la gestion politique du pays depuis
l'indépendance. Contrairement à l'habillage ethnique, régional et religieux
qu'on veut donner à cette crise, son origine n'est pas d'aujourd'hui.
Les
crises au Darfour et dans le nord-est centrafricain y ont contribué. La
faillite de l’Etat, un abandon par les autorités centrales, la
paupérisation grandissante, la montée de l’islam radical, l'enclavement
de certaines régions, l’impunité des bandes armées notamment des milices
arabes sanguinaires Djandjawids qui sèment de la terreur dans le Nord, l'exclusion
du jeu politique national de certaines ethnies et l'ostracisme du pouvoir
central envers les leaders de la région du nord sont des éléments déclencheurs
de ce conflit.
Aussi
les chapelets de coups d'état et mutineries successifs ont fait lit à ce
délitement de l'état. Aujourd'hui, c'est une rébellion menée en grande
partie par des mercenaires tchado-soudanais et de jeunes désoeuvrés, engagés au
fur et à mesure de l'avancée des rebelles qui ont commis des exactions ciblées
contre les chrétiens (viols, pillages, assassinats sommaires...).
En
conséquence, dans ce contexte social tendu, comme le démontrent les faits sur
le terrain, certains discours servent, aujourd'hui, de façon significative à
mettre à mal la cohésion sociale entre chrétiens et musulmans. Les difficultés
à vivre ensemble sont ainsi motivées par le rejet des uns et des autres et par
le refus de partager un espace commun.
Il y a en effet un cycle de haine et il n'est pas terminé. Les musulmans et les chrétiens se vengent. Du coup, les questions qui reviennent sur toutes les lèvres sont celles-ci : pourrons-nous vivre encore ensemble, égaux et différents, chrétiens et musulmans un jour ? Comment conjurer le risque de repli et favoriser la convergence entre Christianisme et Islam ?
Pourtant,
la tradition centrafricaine a toujours offert dans le passé un contexte
socioculturel qui donnait aux animistes, aux chrétiens et aux musulmans
l'opportunité de se comprendre et de vivre ensemble. En effet, dans l'ensemble,
le christianisme et l'Islam étaient deux religions qui étaient généralement
familières, particulièrement là où les deux croyances coexistaient dans le même
groupe ethnique, ou encore à l'intérieur du même cercle familial. C'est dire
qu'il n'y avait pas de lourd contentieux entre le christianisme et l'Islam :
les rivalités ne s'étaient jamais dégénérées en croisades organisées comme nous
le connaissons aujourd'hui.
Mais,
les intérêts égoïstes ont eu raison de ce paisible vivre-ensemble connu. Les
fractures sociales sont béantes. Les frères d'hier sont devenus des ennemis
d'aujourd'hui.
Aujourd'hui, c'est « du jamais vu ! » Voilà l'expression qui traduit le ral-bol du peuple centrafricain face aux atrocités qu'il subit. Jamais l'on n'a connu sur notre terre un conflit aussi grave dans son ampleur et dans sa durée. Jamais aucun trouble militaro-politique ne s'était disséminé avec autant de violences et d'impacts sur l'ensemble de notre territoire. Jamais une rébellion ne nous a drainé une aussi forte présence de combattants étrangers. Jamais une crise ne nous a fait courir un aussi grave risque de conflit religieux et d'implosion du tissu social. Un spectacle « du jamais vu » sur tous les plans : humain, social, politique.
Dr Jimi P. ZACKA
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