MISCA-SANGARIS : Que
font - ils exactement en Centrafrique ? C’est la question qui taraude à
tort ou à raison tous les esprits en ce moment en Centrafrique, surtout dans
les circonstances actuelles où les choses vont de mal en pis. Ne dit-on pas que
l’indifférence et la négligence font parfois beaucoup
plus de dégâts que l’hostilité déclarée ?
On ne peut comprendre en
effet que Bangui et certaines villes de provinces sont devenues les théâtres de
la recrudescence des violences et des exactions criminelles, avec la présence de
MISCA-SANGARIS censées être des forces
d’interposition et de pacification, alors qu’elles semblent s’engluer dans une inertie
pathologique, voire même dans une certaine dérive partisane. Comme l’a constaté
un spécialiste du pays : «C'est le chaos le plus total : on ne respecte plus rien ni
personne». Malgré l'intervention de plus de 2 000 militaires
français et la présence de 6 000 soldats de la force panafricaine, la
Centrafrique demeure toujours dans une spirale de violence
extrêmement destructrice. Aujourd’hui, sur toute l’étendue du
territoire national, nul n’est à l’abri des assauts criminels sans cesse
répétés de ces assassins qui ne sont nullement inquiétés. A Bangui, les
derniers cas déplorés ont eu lieu à Fatima, à Bégoua, au KM5 et ont occasionné
des dizaines des décès et des centaines des blessés. Dans les sous-préfectures
de Dékoa et Bouca, la population est en train de subir des actes de barbarie
d’une rare cruauté de la part des bandes armées seleka sous le regard assisté
de la MISCA. A Grimari, la population accuse la force d’interposition française
d’avoir tué des civils. Comme en témoigne une femme en pleurs : « On pensait que Sangaris était venue nous
aider, mais ils assassinent nos enfants. » Aujourd’hui, ces événements
meurtriers – qui endeuillent quotidiennement les familles centrafricaines — ont
atteint leur paroxysme. Après la prise
en otage le 16 Avril 2014 de Mgr Désiré Nestor NONGO AZIAGBIA, Évêque de
Bossangoa et de trois autres prêtres du diocèse de Batangafo par les éléments
de l’ex-séléka, nous avons appris le lâche assassinat de l’abbé Christ Foreman
Wilibona le vendredi 18 Avril 2014 par les mêmes éléments.
Aussi, nous ne
passerons pas sous silence cette ligne rouge invisible à l’Est et au Nord que
nul n’évoque officiellement, tracée par la Séléka qui contrôle encore des
régions où elle se livre à des assassinats et des pillages. Explicitement, la
Centrafrique est de facto divisée entre l’Ouest et l’Est, même si nul ne peut
affirmer quand elle prendra corps.
Face à cette terrifiante situation qui
interpelle la conscience nationale au regard des exactions meurtrières généralisées
des bandes armées, le citoyen lambda ne cesse de se poser la question suivante :
Que font exactement les forces MISCA-SANGARIS en Centrafrique ? Le Mgr
NONGO AZIAGBIA en a fait l’écho en ces termes : «Tout le nord de mon
Diocèse est occupé par les rebelles de la coalition Seleka, qui dictent leur
loi malgré la présence des forces internationales. Je me demande dès lors à
quoi sert leur présence en Centrafrique ? » (Agence Fides 24/04/2014).
Au regard de ce sombre tableau, l’on a le droit de se poser
cette question : pourquoi une telle indifférence de ces forces supposées venir rétablir
la paix et la sécurité en RCA?
Loin de tout procès d’intention, le centrafricain veut
simplement savoir à quoi sert exactement une force armée chargée notamment du
maintien de la paix. Car, quatre mois après le lancement de l’intervention
militaire française « Sangaris », souhaitée et saluée par une grande
majorité de centrafricains et bénéficiant même d’une forte légitimité internationale,
le constat devient de plus en plus décevant. Comme en souligne un observateur
européen : « Sangaris est
légitime et utile, mais la manière dont l’opération a été conduite est vraiment
la chronique amère d’un échec annoncé ».
Après les horreurs du
Rwanda, l’on aurait cru que ces forces soit-disant d’intervention pour la
sécurité allaient tirer des leçons de cette tragédie pour désormais remplir
leurs obligations. Malheureusement, les violences meurtrières de Bangui et
celles de certaines villes de province démontrent le contraire, car en ces
moments difficiles, nous remarquons que ces forces d’interposition, se muent de
plus en plus en spectateurs des scènes d’horreur, abandonnant les victimes à la
merci des bourreaux. Pourtant, l’honneur d’une armée passe par le sentiment
qu’elle a de son utilité. Et une force
armée du maintien de la paix n’a de sens
qu’en sortant les victimes de leur statut de victime, en leur créant les
conditions d’une vie paisible dans la durée.
Parce qu’en quatre mois, les soldats MISCA-SANGARIS ne se
sont contentés que d’une intervention molle, sans anéantir ni arrêter les pires
criminels de guerre, ils ont déçu les centrafricains, trahi leur mandat. Qu’ils
ne s’étonnent pas qu’un jour, ils seront questionnés sur le fait que leur
présence en Centrafrique n’a fait que contribuer à une campagne radicale de
tueries des centrafricains (la centrafricanophagie). Car, comme l’a si bien dit
un chef d’état africain, « les faits
sont têtus » et personne ne peut falsifier l’histoire d’un pays dans
son intérêt.
Pr Jimi P. ZACKA
Théologien, Anthropologue
Théologien, Anthropologue
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